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Chapeau bas de Londres pour l’opération Atalanta

Le Hms Cornwall engagé dans la lutte contre la piraterie en février 2011 (crédit : ministère britannique de la Défense / MOD)

(BRUXELLES2) Il est rare qu'à Londres on tresse des louanges sur l'Europe de la Défense. Et cependant... A lire le dernier rapport de la Chambre des Lords sur l’opération EUNAVFOR ATLANTA, on doit penser qu’il n’y avait jamais eu mission plus réussie et efficace.

Les Lords en redemandent d'ailleurs, estimant que l’opération européenne devrait être « reconduite après 2014 ». Même si l’endiguement de la piraterie reste le but premier d’Atalanta, son élimination doit malgré tout être l’objectif sur le long terme, estiment-ils. Si l’on compare le mois de juin 2011 avec 23 navires pris et 501 otages avec le mois de juin de cette année 2012 avec «seulement» 8 navires pris et 215 otages, on note un net renversement de la situation avec les pirates de la Corne de l’Afrique. «Particulièrement efficace vis à vis de ses objectifs» selon Nick Pickard, chef de la politique de sécurité au Ministère des affaires étrangères britannique. Les membres de la chambre passent ainsi au crible les différents éléments qui font, selon eux, de la Mission Atalante un succès.

Les lacunes matérielles sont comblées

Le dernier rapport de la Chambre des Lords (avril 2010) pointait du doigt des lacunes au niveau des ressources matérielles et humaines mises à la disposition de la mission. Le rapport faisait état de manque en matière de surveillance aérienne (avions de patrouille maritime, hélicoptères), de navire ravitailleur ou encore d’installations médicales. Selon N. Pickard, le problème est résolu. Un navire ravitailleur a été mis à disposition de la mission et les insuffisances des installations médicales seront bientôt comblées. Des ressources de surveillance aérienne sont également disponibles, même si «la zone reste trop vaste pour une couverture complète» explique le Dr. Lee Willet du Royal United Service Institute. Certains problèmes persistent. Le manque d'hélicoptères constitue l’un de ces problèmes selon Christian Le Mière de l’International Institute for Strategic Studies. Le second, plus conséquent, c’est le pauvre degré de renseignements humains, dû principalement au manque de présence terrestre. Problème suffisamment important pour que la plupart des personnes auditionnées le mettent en exergue.

Et sur terre ferme aussi ...

Malgré ces quelques défauts, l’attaque terrestre de mai 2012 a prouvé, selon les membres de la Chambre, que la mission était capable de réaliser une offensive «précise», «légale» et «très bien coordonnée». La situation en Somalie s’améliore également selon le rapport. «Al Shabaab se retrouve déstabilisé» souligne le Dr. Knox Chitiyo membre de la Chatham House (think tank) et de la fondation Brenthurst. On constate aussi que la population somalienne est bien moins hostile envers la mission de l’Union Africaine en Somalie (AMISOM). La stratégie européenne pour la Corne de l’Afrique et les autres missions de la Politique de Sécurité et de Défense Commune (PSDC) seraient, encore une fois selon le rapport, un pas en avant, aussi modeste soit-il. Ce que félicitent surtout les Lords c’est la coopération et la coordination entre les missions. «Un modèle pour la coopération maritime» leur a indiqué Nick Harvey, ancien ministre britannique de la défense. Le rapport craignait un manque de coordination formelle entre l’OTAN et l’UE, comme cela a souvent été le cas lors de missions similaires. Mais il semblerait que cette difficulté-ci est été évitée et que les rapports soient fluides entre les commandements d’Ocean Shield et d’Atalante.

La question des gardes privés et des compagnies d‘assurance

En 2010, de sérieux doutes avaient été émis sur l’utilisation de gardes privés sur des navires civils. Les Lords craignaient une escalade de la violence et des rançons encore plus élevées. Force est de constater que ça n’a pas été le cas et qu’aucune attaque de navire muni de gardes n’a été, pour l’instant, couronnée de succès. Les membres de la Chambre demandent quand même à ce que cette utilisation demeure «temporelle et exceptionnelle».

La Chambre avait aussi demandé aux compagnies d’assurance de partager une partie des responsabilités en promouvant l’adoption des best management practices (BMP). Aujourd’hui le rapport constate que des progrès ont été accomplis. Environ 30% des entreprises de transport maritime ne respectent pas les BMP. De même 92% des navires britanniques utilisent des moyens de protection privés et 70% des navires au niveau mondial.

Le FED à la rescousse des prisons ?

Le nombre de pirates arrêtés, le nombre de pirates jugés et le nombre de pirates emprisonnés augmentent. Et le rapport accueille chaleureusement le rôle primordial des Seychelles dans ce processus judiciaire. L’archipel a d’ores et déjà jugé entre 140 et 150 pirates et mis en prison une centaine d’entre eux, même si des réserves existent au niveau du Conseil des Organisations Somaliennes quant au respect des règles de procédures judiciaires. Les Lords se félicitent également des discussions avec la Tanzanie et la Mauritanie pour la signature d’un Mémorandum of Agreement, ainsi que d’un accord de répartition des charges avec le Kenya. Le problème c’est que les Seychelles n’ont de la place dans leurs infrastructures que pour 60 pirates alors que les peines gravitent entre 10 et 15 ans de prison. Le rapatriement vers la Somalie est nécessaire, mais le niveau des prisons sur place posent de gros problèmes. Seule celle de Somaliland est aux normes. La prison de Puntland suscite d’autant plus des craintes que l’on parle de liens possibles entre l’administration et les organisation de pirates. Le rapport estime à 2000 pirates dans le monde qui attendent à l’heure actuelle leur jugement. La participation de l’ONU ou du Fond de Développement Européen (FED) pourrait, selon la Chambre, permettre de remédier au problème en finançant plus d’infrastructures et notamment des infrastructures et des programmes de réhabilitation pour les mineurs.

Une coopération internationale excellente

Enfin, le rapport applaudit la coopération internationale autour du combat anti-piraterie. La participation de la Chine y est appréciée et vivement encouragée. De même que celle de l’Inde ou encore de la Russie. Avec une piraterie qui descend vers le sud et touche graduellement les côtes tanzaniennes et kenyanes, une coordination plus poussée avec ces pays s’avèrent également nécessaire et se met donc progressivement en route. Deux critiques cependant : les pays du Golfe doivent jouer une part plus importante sur l’échiquier de la piraterie, et notamment partager les coûts financiers, matériels et juridiques ; la présence diplomatique britannique à Mogadiscio qui n'est pas encore présente malgré la demande du Conseil des organisations somaliennes ; cela nuit à la crédibilité de la Grande Bretagne et à ses partenaires européens ...

Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise

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