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Opération au Mali : des Européens réticents

(BRUXELLES2) Le possible soutien européen au Mali suscite encore des discussions au niveau européen. L'inquiétude officiellement affichée cache mal une certaine gêne. Car les Européens sont divisés. D'un coté, la France pousse. « Nous avons vraiment l'impression d'une affaire française » m'a confié un officier qui suit ces réunions. La notion de risque d'un Sahelistan, à seulement 1200 km de l'Europe, ne semble pas "percuter" à certaines oreilles, ou au moins pas vraiment susciter une nécessité d'intervention.

Les pays latins — l'Espagne, l'Italie, et dans une moindre mesure le Portugal — partagent les vues françaises. L'Espagne a d'ailleurs évoqué clairement le risque d'une extension, avec un possible coup d'Etat en Mauritanie. Les Portugais rappellent la situation de Guinée-Bissau. En revanche, plusieurs pays sont plus que prudents. Les Britanniques notamment ont appelé à la prudence, les défis étant considérables, même s'ils soutiennent le principe de développement d'options au niveau de l'Union européenne. De nombreux pays - Allemagne en tête mais aussi la Belgique, les pays nordiques, les Baltes - ont appelé à respecter une triple condition avant toute décision : résolution des Nations-Unies, appropriation locale, définition claire des missions et des tâches.

Un travail d'options a été entamé au sein de l'Etat-Major de l'Union européenne et des groupes de travail du Conseil. Et une première orientation politique est attendue au conseil des ministres des Affaires étrangères qui se tient à Luxembourg lundi prochain (15 octobre).

Commentaire : cette réticence ne doit pas faire baisser les bras

Que ce soit Eufor Tchad, Eunavfor Atalanta ou Eutm Somalia, il n'y avait dans les premières discussions que peu d'enthousiasme autour de la table. Avec un "peu" de volonté, beaucoup d'explications, et quelques conditions, on y arrive ensuite. On se retrouve, ici, dans une configuration presque semblable avec ces deux dernières opérations, une entente franco-espagnole pour aller de l'avant ; avec une particularité bien nette : un front latin contre un front nordique. Ce n'est pas illogique. Il est d'ailleurs frappant de voir que si du coté des ministères de la Défense, il y a beaucoup de réticences, celles-ci sont un peu nombreuses du coté des Affaires étrangères. Et si on passe aux ministres de l'Intérieur, on est là dans une prise de conscience plus affirmée. Le triple risque — terrorisme + trafic criminels en tous genres (drogues...) + immigration — ajouté à la manne pouvant provenir de possibles rançons (la prise d'otages renouant avec la tradition touareg) est une menace réelle non seulement pour tous les pays du pourtour méditerranéen mais aussi, à terme, pour les autres pays. La communauté malienne installée en France (environ 120.000 personnes selon les estimations) est plutôt calme et paisible. Mais le risque de radicalisation de quelques éléments pourrait menacer rapidement d'autres pays.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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