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Morsi à Bruxelles. Une visite pleine d’enjeux

(BRUXELLES2) « Historique » c'est comme cela qu'un haut diplomate européen qualifie la visite que fait le président égyptien Mohamed Morsi aujourd'hui (13 septembre) à Bruxelles. Il emploie ce mot « quatre raisons » nous explique-t-il. Morsi c'est le « premier président élu démocratiquement issu du Printemps Arabe à nous rendre visite ». C’est d'ailleurs son premier voyage à "l’ouest", après deux visites bilatérales en Arabie Saoudite et en Chine, et une multilatérale en Iran. Pour l’Europe, dans son combat pour la démocratie dans le monde — « qui est et sera toujours un point très important » —, l’Egypte est une pièce maitresse. « C'est le plus grand et le plus influent des pays du monde arabe » qui peut donc tirer la démocratie dans la région, dans un sens... ou dans un autre. Troisièmement, cette visite a un aspect économique non négligeable. L'Afrique du Nord est aujourd'hui une des régions du monde « économiquement dynamiques » Et la démocratisation de l’Egypte pourrait « donner à l’Europe et à la région méditerranéenne une perspective particulièrement dynamique ». Enfin, cela participe à « construire l’identité et le rôle que l’Union Européenne compte jouer ». Cette visite ne concerne donc « pas seulement l’Egypte mais nous aussi » résume-t-il. « Le plus important dans cette visite est de pouvoir construire une relation égypto-européenne et une relation avec toute la région qui soit forte ».

Une Constitution suivie de près

Les discussions de l’UE avec l’Egypte vont tout d'abord concerner le futur texte fondamental du pays : la Constitution. Que l'Europe espère « forte, respectueuse des droits de l’homme pour une démocratie forte ». Un travail qui semble se poursuivre dans la bonne direction. « J'ai été en contact avec des gens proches de la rédaction de la Constitution. Et je peux vous dire que ça marche dans la bonne direction » confirme notre diplomate. Il faut être « prudent cependant. On peut se retrouver avec un texte contraire aux droits fondamentaux, ou avec des droits de l’Homme moins développés que souhaité. (...) Mais ce qu’on entend sur les relations entre religion et Etat, sur l’armée, sur les droits de l’Homme nous semble pour le moment positif ». L’Union européenne et la communauté internationale vont cependant continuer de suivre de près cette Constitution, en faisant une condition de la coopération.

Pour l’Europe, un premier pas important a déjà été franchi : le pouvoir ait été confié à un gouvernement civil. « Nous avons vu Morsi prendre d’importantes décisions afin de reconquérir les compétences judiciaires du pays, notamment pour le remplacement d’un certain nombre de dirigeants militaires. Ces décisions montrent très probablement que Morsi va utiliser ses pouvoirs avec restriction » précise le haut diplomate. « Ce que j’aperçois du travail qu’il fait c’est qu’il va continuer à s’engager dans des réformes démocratiques» en «construisant une démocratie solide avec des institutions solides » et ne concentrera pas le pouvoir autour de lui.

Pas d'hiver arabe

«Personne n’a dit que ça sera facile. » Mais - ajoute-t-il - « Je ne pense pas que le Printemps arabe va se transformer en Hiver arabe, comme certains l’annoncent. (...) Je n’ai rien vu qui laisse présager une modification dans la nature de la transition ». Une analyse qui peut paraître optimiste. «Je suis optimiste seulement par nature» répond notre homme. Certes pour l'Egypte, les défis sont énormes, économiquement et politiquement. Mais les gens se sentent « rassurés aujourd’hui ».

L'Europe impliquée économiquement

La mise en place de la Task Force « traduit la volonté européenne d’être au côté de l’Egypte économiquement ». L'Europe est ainsi impliquée dans le processus mené par le Fonds monétaire international. Elle sera l’un des plus grands prêteurs (du pays) et l’un des avocats les plus attentionnés. Ce prêt du FMI  - on parle d'un montant de 3,8 milliards maintenant au lieu de 3,2 milliards - sera accompagné par des actions supplémentaires de la part de l’UE. « L’Egypte aura besoin de deux fois plus, voire de plus de 10 milliards de dollars.» Coté européen on est bien conscient que l’économie égyptienne est plus importante que l’économie jordanienne ou tunisienne. Cela signifie que « le résultat final devra être plus important dans les chiffres ».

Sur les échanges commerciaux, des développements pourraient se produire. L'accord d'association, signé en 2004, avec l’Egypte, a permis au pays d'augmenter ses échanges vers l'Europe « de manière considérable ». « Nous pouvons faire plus. Ca ne fera qu’apporter à l’Egypte plus d’accès au marché européen et lui permettra de développer ses capacités. »

Un engagement dans la sécurité

L'Europe observe aussi avec attention l'engagement du président égyptien sur le conflit syrien, notamment à travers le quartet Iran/Arabie Saoudite/Turquie/Egypte. C’est « très important pour tous les acteurs régionaux » de voir le président Morsi et l’Egypte s’investir dans la résolution du conflit syrien. Cet engagement ne peut être que « positif et ne peut qu’aider à pacifier la situation, qui reste le premier objectif européen ». « Ses déclarations récentes, notamment en Iran, montrent son intérêt, et surtout, montrent des idées nouvelles». Et l'Union européenne est disposée « à contribuer à ce que la nouvelle Egypte joue un rôle important dans le région vis à vis de la Syrie».

Autre point important pour l'Europe, la sécurité des chrétiens dans le pays. « L’UE a réitéré l’importance de cette question au cours de différentes occasions» .Mais le Président Morsi a exprimé lui-même l’importance qu’avait pour lui cette question. « Lorsque la Haute représentante, C. Ashton lui a rendu visite en Juillet, c’est Morsi lui-même qui a abordé la question ». Et l’Europe est prête à soutenir quelque action qui va dans ce sens-ci.

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Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise

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