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Comment négocier avec les pirates ? Petit guide à destination des Européens

(crédit : marine nationale française / DICOD)

(BRUXELLES2) Comment l'UE pourrait-elle mieux négocier avec les pirates somaliens pour ne pas se ruiner en rançons et rendre ainsi la piraterie moins attractive ?  C'est un peu la trame du mémoire de Master de Alix Willemez que nous avons reçu (et lu). En analysant le processus de négociation du paiement des rançons, cette étudiante du Collège de Bruges émet quelques recommandations. D'ailleurs, c'est le titre du mémoire: « Petit guide de négociations avec les pirates somaliens pour les négociateurs européens ». La négociation est une partie de "l'approche globale" que l'UE semble avoir oublié, explique-t-elle. Et il serait temps que l'Union européenne s'y penche.

Première recommandation : Créer une cellule européenne de négociation

Partant du principe que les négociations pour le paiement de la rançon sont effectuées sur une base nationale (que ce soit directement par l'entreprise propriétaire du bateau capturé, par une agence gouvernementale de type GIGN, ou bien encore par un négociateur indépendant), et qu'il n'y a pas de coordination au niveau européen, la recommandation principale est de créer une une équipe européenne de négociation (EU CMT: European Union Crisis Management Team) spécialisée dans les affaires de piraterie. L'objectif est d'apporter une réponse coordonnée à chaque demande de rançon, afin de réduire au maximum celle-ci. Cela permettrait également de rassembler des informations sur les pirates afin de mieux les comprendre et faciliter ainsi les négociations.

Mieux communiquer avec les pirates: pourquoi ne pas utiliser Skype ?

Il existe un paradoxe néfaste pour les négociations souligne l'auteure du mémoire. Alors que la zone d'action est très bien couverte par les télécommunications, les négociateurs n'utilisent pas tous les moyens modernes à leur disposition. Ainsi, pourquoi ne pas utiliser Skype ? Un contact visuel renforce la relation entre le négociateur et le pirate, et permet de lire les émotions en face. Par ailleurs, il faut chercher des informations sur les pirates à qui on parle: en utilisant les réseaux sociaux, que ces derniers utilisent de plus en plus depuis que la piraterie est devenue une activité organisée avec des moyens logistiques de plus en plus considérables. A cet égard, "l'UE doit être une institution moderne, et non pas laissée à la traîne à cause d'une structure bureaucratique".

Parler la langue des pirates: pas inutile...

L'équipe européenne devrait toujours avoir un native-speaker somalien ainsi qu'un "expert culturel" sur le pays pour aider les négociateurs. Au moins pour "dire quelques mots en Somali" et permettre ainsi d'établir une meilleure relation entre les négociateurs et les pirates...

Utiliser l'expérience d'anciens otages au niveau européen

Au lieu de faire des débriefings nationaux avec les otages libérés, il faudrait que ces débriefings soient faits sous la supervision de l'UE, avec l'équipe européenne de négociation présente pour prendre des informations sur le mode de vie des pirates à bord des bateaux. EUNAVFOR recommande déjà cela, sans pour autant fournir les moyens nécessaires à cette coordination.

Mieux gérer le paiement des  rançons et tracer les flux financiers qui en découlent

Concernant le paiement de la rançon, une possibilité consisterait à créer une agence de l'UE pour gérer cela, afin que cette activité ne devienne pas un marché pour certaines entreprises. Mais cela signifierait la reconnaissance du paiement, ce dont les Etats ne veulent pas. Ils n'admettent pas officiellement avoir payé de rançon, préférant éviter (autant que faire se peut) une publicité qui risquerait de rendre cette activité plus attractive encore. Une autre possibilité consisterait alors à dédier deux avions d'Atalanta à la livraison de la rançon. Il faut aussi enquêter pour tracer les flux financiers liés à ces rançons: ce devrait être le rôle d'Europol et d'Interpol, selon ce mémoire.

S'assurer que les pirates relâchent les otages comme prévu

Afin d'être sûr que les pirates relâchent les otages après la rançon payée, les navires d'Atalanta devraient escorter les bateaux jusqu'au port et garantir ainsi que les otages n'auront pas à entamer de nouvelles négociations (et payer une rançon supplémentaire) pour être effectivement libérés. NB : cette action d'accompagnement et de protection est déjà assurée soit à titre national, soit si le bateau n'est pas disponible par un des navires européens ou de l'OTAN.

Autoriser les VPD et attaquer les pirates quand c'est possible

Enfin, l'étudiante encourage le Parlement Européen à légiférer sur l'utilisation des équipes de protection embarquées (Vessel Protection Detachment, VPD) afin qu'elles protègent au moins les plus gros bateaux transportant les cargaisons les plus chères. De plus, elle considère qu'il faut attaquer les pirates quand ce n'est pas trop dangereux pour les otages, "sur le modèle français" (en référence à l'intervention pour la libération des otages du Ponant). De même, il ne faut pas payer trop facilement, "comme le font la Grèce et l'Italie".

En conclusion, Alix Willemez rappelle qu'une approche globale, vraiment globale, est nécessaire. Elle appelle notamment à développer l'utilisation des VPD, ce qui devrait réduire les coûts d'Atalanta et lui permettre de continuer après 2014. Mais aussi à développer les capacités judiciaires et pénales en Somalie.

Télécharger le mémoire ici.

Rédaction de B2

© B2 - Bruxelles2 est un média en ligne français qui porte son centre d'intérêt sur l'Europe politique (pouvoirs, défense, politique étrangère, sécurité intérieure). Il suit et analyse les évolutions de la politique européenne, sans fard et sans concessions. Agréé par la CPPAP. Membre du SPIIL. Merci de citer "B2" ou "Bruxelles2" en cas de reprise

Une réflexion sur “Comment négocier avec les pirates ? Petit guide à destination des Européens

  • Stop! On met tout sous le vocable approche globale! Mais à tout vouloir faire, on arrive à ne rien faire!

    Lançons EUCAP, boostons EUTM, donnons des moyens à Atalanta, coordonnons nos efforts sur ce qui existe pour engranger des avancées concrètes (MASE, MARSIC), prenons à bras le corps les problème du judiciaire, développons des projets concrets pour les économies locales, etc.

    Gouvernance, sécurité, développement= approche globale pour une sécurité humaine rétablie.

    Le mélange des genres, quand on parle de l’UE est néfaste. À l’UE, trop de plans “globaux” sont en passe de tuer l’approche globale conçue il y a 10 ans par Cooper

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