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Syrie : pas d’option militaire, ni No Fly Zone, même le mot “Otan” devient tabou

le conseil de sécurité lors du vote de la résolution sur la Syrie (crédit : UN Photo/Paulo Filgueiras)

(BRUXELLES2) Dès qu'on parle d'une éventuelle opération militaire pour la Syrie, la réponse fuse du coté des officiels européens : « La Syrie n’est pas la Libye». Et quand on approfondit, on peut voir que l'opération de l'OTAN en Libye a laissé des traces indéniables au plan international qui semblent bloquer aujourd'hui toute avancée supplémentaire sur la Syrie.

 

Le précédent libyen pèse

Un diplomate européen chevronné l'a confirmé aujourd'hui. « Le précédent libyen est encore présent dans tous les esprits. Si pour certains (OTAN, les pays qui en font fait partie), l'opération en Libye a été considérée comme un succès et atteint ses objectifs ; pour beaucoup d'autres pays, ce n'est pas le cas. Quand vous interrogez certains pays arabes, les pays émergents, vous entendez un autre son de cloche. Il y a beaucoup de réserve. » Et les conséquences se font sentir aujourd'hui. Les « déclarations de plusieurs pays (Chine, Russie, Afrique du Sud, Brésil, Inde...) à New York » sur le projet de résolution élaboré sur la Syrie en témoignent. « Ces pays craignent une nouvelle illustration d’une stratégie qui a pour objectif un changement de régime. »

Pas d'option militaire, aucune condition réunie

Aucune « option militaire n'est sur la table ». Même l'idée d'une No Fly Zone, niveau minimum d'une intervention militaire n'est « pas un point en débat actuellement », précise notre interlocuteur. Lors de la discussion sur le projet de résolution Syrie à l’ONU, ce point ne figurait d'ailleurs, « à aucun moment » dans le projet, ni « n’a été envisagé ». D'ailleurs au niveau politique, aucune condition présente dans la situation libyenne ne se trouve remplie. Pour la Libye, « il y avait eu de claires conditions posées au niveau du Conseil européen : une demande des pays de la région, notamment la Ligue arabe ; une résolution de l’ONU qui l'autorise ; une opération limitée aux besoins constatés sur place. » Pour la Syrie, il n'y a rien de tout çà. « La Ligue arabe n’a jamais rien demandé. Le projet de résolution demandant l’arrêt de la violence et un processus politique ne faisait pas mention de la No Fly Zone. Personne n’a demandé une opération militaire ni demandé l’utilisation de moyens militaires. » Bref, fermez le ban...

Le mot OTAN tabou

Et même le mot OTAN devient tabou au plan diplomatique. Si l'UE a ainsi annoncé des « contacts réguliers » avec la Ligue Arabe et des « concertations quotidiennes » avec les Etats-Unis, en revanche, elle refuse tout contact avec l'OTAN. « Nous n'avons eu contact » précise ce diplomate qui veut éviter tout amalgame. « Nous évitons toute mention de l’organisation internationale mentionnée. (Car) c'est une des vraies difficultés que l’on avec les Chinois et Russes. Tout rappel de l’opération libyenne suscite une certaine « réserve », y compris chez nos amis arabes ».

Pas de livraison d'armes

Quant à la livraison d'armes aux insurgés, elle ne paraît pas être la voie suivie par l'UE. « Il existe effectivement des livraisons d'armes qui passent la frontière. Nous avons reçu des indications claires. » Mais nous ne voulons pas aller dans cette direction. « Aller vers des livraisons d'armes de manière officielle, c'est entretenir la guerre civile ».

Commentaire : Dans ces propos, il y a de la diplomatie réelle. Mais aussi un constat. L'opération en Libye a été un succès militaire. Mais le prix diplomatique à payer se révèle aujourd'hui plus forte que ses initiateurs l'avaient prévu. La Russie, notamment, la Chine, également, ne veulent plus apparaître comme des Etats croupions suivant l'avis général. L'opposition de la Russie sur la question syrienne est fondamentale. A Moscou, on ne veut à aucun prix d'un scenario à la Libyenne. Et si l'abandon du régime ne semble pas trop poser de problème, en fait, au régime russe, c'est la méthode qui importe. Hors de question de laisser les occidentaux agir seuls. C'est la Russie qui doit apparaître comme le Deus ex machina de la situation syrienne. C'est une question non seulement de prestige mais de puissance.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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