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Panetta (US) le confirme : on s’tire en 2013

véhicule australien dans la Tangi Valley (crédit : ISAF)

(BRUXELLES2) La retraite est sonnée... Les agenciers d'Associated Press n'ont pas attendu l'atterrissage à Bruxelles pour balancer la nouvelle. Dans l'avion qui amène à la réunion ministérielle de l'OTAN, le secrétaire d'Etat américain à la Défense, Leon Panetta, a expliqué que la mission de combat en Afghanistan cesserait en 2013. « La phase finale de transition des parties du pays entre l'OTAN et le gouvernement afghan doit être commencée à la mi-2013 ». Ce qui permettra de transformer la mission de combat en mission de formation « entre la mi-2013 et la fin de l'année », a-t-il expliqué. Cela ne signifie pas cependant que toutes les troupes Us quitteront le sol afghan en 2014. Au contraire, il restera « une forte présence », pour assister l'armée afghane, et assurer la formation.

Quelques divergences avec les frenchies

C'est d'ailleurs un des points de divergence entre Français et Américains : entre une présidence modeste après 2013 - "quelques centaines d'hommes" a précisé le président Sarkozy -, et une présence "forte" pour les seconds qui ne donnent pas de chiffre  - mais on peut sans doute parler de plusieurs milliers, voire quelques dizaines de milliers, il y a de la marge. Les Etats-Unis ont actuellement 91.000 soldats dans l'ISAF, la force de l'OTAN, un chiffre qui devrait être ramené à 68.000 d'ici septembre. Et ce n'est pas le seul apparemment. Et Panetta a bien l'intention de s'en expliquer, a-t-il précisé à nos collègues américains, « avec la délégation française » dès son arrivée. Les Américains semblent avoir ainsi peu apprécié que le président français leur ait grillé la politesse de l'annonce de la date fatidique de 2013. Panetta a ainsi confié vouloir « ramener la (France) dans la stratégie de Lisbonne, pour pouvoir avancer tous ensemble ».

Celui qui a tiré le premier

Le 27 janvier, après un entretien avec le président afghan, Hamid Karzai, Nicolas Sarkozy avait, en effet, annoncé vouloir « demander à l'OTAN une réflexion sur une totale prise en charge des missions de combat de l'OTAN par l'armée afghane au cours de l'année 2013 ». Dans la foulée, sans même attendre le résultat de cette demande d'ailleurs, il avait déclaré avoir « planifier le retour de la totalité de nos forces combattantes dès la fin de l'année 2013 ». Ce qui signifie une (petite) accélération du calendrier de retour des soldats. 400 sont déjà rentrés en France en 2011. Et, en 2012, 1000 soldats supplémentaires quitteront l'Afghanistan (au lieu de 600 comme prévus). Et la Kapisa - région tenue par les Français - basculera sous commandement afghan en mars prochain.

Commentaire : la fin d'un dogme

Même si au siège de l'OTAN, Anders Fogh Rasmussen, le secrétaire général de l'Alliance se targue de démontrer que rien n'a changé, que « la feuille de route établie au sommet de Lisbonne était maintenue » et que tout cela était déjà largement prévu... la déclaration américaine est un signal fort après celui donné par les Français. Un dogme vient de sauter. Inutile de jouer sur les mots, de réinterpréter les paragraphes, de finasser.... La date de 2014, retenue par tous comme date ultime pour le retrait, n'est plus 2014, c'est 2013, voire mi-2013. On avance le calendrier d'un an. Italiens, Allemands voire Britanniques vont ainsi pouvoir plier les "gaules", plus vite que prévu, au grand bonheur des chefs de défense, et de leurs argentiers, dont les portes-monnaies sont vides. Mais attention ! Qui dit "troupes non combattantes" ne dit pas "risque zéro" — du fait des engins explosifs artisanaux télécommandés (IED) ou des attentats suicides —, et ne dit pas "zéro budget". Il y a fort à parier que nombre de pays rechignent à apporter une contribution "forte" en troupes non combattantes au guichet "2014" comme le demandent les Américains.

Panetta dans l'avion qui l'amène à Bruxelles se confie (crédit : DOD / Secrétariat d'Etat US à la Défense)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

3 réflexions sur “Panetta (US) le confirme : on s’tire en 2013

  • Cette annonce relève surtout que ce qui manque à la France est un effort d’explication pédagogique afin de ne pas passer pour le briseur de cohésion de la coalition ou celui qui met en péril sur un plan opérationnel la mission de l’ISAF. Biais cognitif qui nous fait passer auprès des Américains pour les vilains petits canards, malgré les efforts de la réintégration de quasiment toutes les structures de l’OTAN ou malgré le “lead” pris dans l’affaire libyenne.

    Car franchement entre le passage d’une posture “combat” à une posture “security force assistance” faite de “advise and assist” par les forces américains, la différence est assez minime avec les annonces du président Sarkozy de retirer les forces combattantes (expression d’ailleurs très malheureuse quant à la réalité et à la dangerosité des missions menées) et de laisser “quelques centaines” de conseillers auprès des forces armées afghanes.

    De plus, si la différence sur le nombre de troupes restantes en valeur absolue est réelle, en valeur relative, c’est quasiment du pareil au même. En effet, on parle d’un seuil autour des 25 / 30 000 formateurs US soit un quart de leur présence maxi de mi 2011 (environ 100.000). La France avec ses “quelques centaines (dixit Sarkozy) n’est pas loin non plus par rapport à son niveau max d’environ 4 000 hommes en Afghanistan…

    Il y a donc un peu d’hypocrisie (voir de jalousie) de la part de Panetta, et de notre côté un peu de maladresse à ne pas assez expliquer afin de réussir enfin, ce que l’on essaye depuis des lustres : être un allié indépendant ne nous faisant pas dicter notre calendrier national à propos de l’Afghanistan…

    Et tous les Américains ne sont pas rancuniers : cf cette vision http://blog.gmfus.org/2012/02/the-french-departure-from-afghanistan-is-not-a-deal-breaker/

    Bien à vous

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