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En Afghanistan, l’affaire des Coran brûlés dérape. Un sniper vise la foule

(BRUXELLES2) Depuis quelques jours les manifestations - heurtées - se déroulent en Afghanistan. Elles ont déjà fait au moins 29 morts - dont 2 soldats américains - et une centaine de blessés - "la plupart par balles", selon l'AFP. Mais on peut d'ores-et-déjà s'interroger sur les techniques de maintien de foule développées par les forces de police afghane et internationales sur place.

Cette image - tirée d'un reportage diffusé sur plusieurs télévisions notamment la RTBF au journal de vendredi soir - montre clairement un homme en uniforme, totalement masqué, qui ne porte aucun galon visible d'une armée régulière, pointer clairement un fusil mitrailleur, type AKM, en direction des manifestants, apparemment à Herat. C'est en général l'uniforme que portent certains policiers afghans (mais d'ordinaire ces policiers ne portent pas de cagoule). On peut donc s'interroger sur la nationalité de ce tireur. Mais aussi sur la technique employée. On est très loin des modalités habituelles de maintien de foule - avec grenades lacrymogènes, autopompes, etc. Et on peut se demander si les méthodes employées - avec l'emploi d'armes de guerre - ne rajoutent pas de l'huile sur le feu. En tout cas, une enquête devra avoir lieu tant au sein de l'OTAN que des forces de police afghanes sur ces "snipers". Et il faudra s'interroger également si la formation des policiers afghans et la présence "d'auxiliaires" à leurs cotés est parfaitement judicieuse.

La cause de cette explosion n'est pas anodine. Des exemplaires du Coran, confisqués à des prisonniers sur la base US de Bagram, ont été brûlés dans la nuit de lundi à mardi (21 février). Dès le lendemain, l'OTAN par la voie du général Allen, commandant de l'ISAF, présente ses plus « sérieuses excuses », expliquant que cet acte était « non intentionnel » et un « incident isolé » et annoncé une enquête (vidéo ici). Cela ne suffit pas. Le Secrétaire d'Etat américain de la Défense, Leon Panetta, d'abord (texte ici), puis le président américain, Barack Obama lui-même, dans une lettre écrite à son homologue Hamid Karzai s'excusent, invoquant une "erreur commise par inadvertance" qui "ne reflète pas les vues de l'armée américaine". Le secrétaire d'Etat adjoint à la Défense, Ashton B. Carter, est en visite en Afghanistan. Mais cela ne calme pas non plus les violences. On peut, là aussi, s'interroger comment, après dix ans de présence sur le terrain, des militaires n'ont pas compris combien certains symboles - notamment le "Livre" - étaient intouchables. Cette "méprise", cette "inadvertance" traduit bien comment la stratégie du "gagner les coeurs et les esprits" trouve une sérieuse limite...

(Maj) la situation s'est encore aggravée samedi avec l'assassinat de deux conseillers militaires américains qui travaillaient au ministère de l'Intérieur afghan. Le commandement de l'ISAF a décidé de "rappeler" temporairement tous les conseillers travaillant dans les ministères.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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