B2 Le Blog de l'Europe géopolitique. Actualités. Réflexions. Reportages

Analyse BlogDéfense nationale

La corvette Gawron sombre. La fin d’une ambition maritime pour la Pologne ?

port de Gdynia où devait être construit les Gawron (crédit : Wikipedia)

(BRUXELLES2) Ce n'est pas la fin de la marine polonaise sans doute. Mais c'est la fin de certaines ambitions sûrement. Le gouvernement polonais a annoncé, vendredi, son intention de mettre fin au projet de corvette Gawron. Un projet sensé moderniser une flotte vieillissante et redonner quelques couleurs à la marine polonaise.

Un enterrement programmé

Ce navire était construit depuis 2001 aux chantiers navals de Gdynia. Mais les chantiers eux-même sont en faillite. La construction du navire avait été plusieurs fois reportée. Il y a trois déjà (voir article déjà publié sur ce blog) il était déjà question de le suspendre. Début février (2012), ce programme ne figurait pas partie sur la liste des investissements envisagés cette année par le ministère de la Défense. Thomas Siemoniak a même critiqué, selon le quotidien Rzeczpospolita, le rythme et le coût de la construction de ce qu'il a appelé le « bateau le plus cher au monde ». Le coup de grâce est intervenu, vendredi (24 février), lors de la conférence de presse du Premier ministre Donald Tusk qui a confirmé l'interruption du programme. Quant à la coque restante, le ministère est chargé de trouver un repreneur sur le marché international.

La fin d'une ambition maritime

L'ambition polonaise dans les années 1990 était d'arriver d'ici 2006 à construire six navires modernes, indétectables aux radars, rapides (les moteurs devaient développer des vitesses de 30 noeuds). Ce programme s'est peu à peu réduit comme peau de chagrin à... un seul navire qui n'est pas encore construit totalement. Seule une coque a aujourd'hui été produite. Un projet qui a déjà coûté environ 400 millions de z?otys (NB : environ 95 millions d'euros). Mais pour le terminer et l'armer, il faudrait encore un milliard de zlotys (230 millions d'euros), au moins, estime-t-on à Varsovie...

Au ministère polonais de la Défense, on s'interroge pour savoir si ce type de navires est vraiment nécessaire pour la sécurité nationale. Alors que pour protéger les voies d'approvisionnement le long de la Baltique en pétrole ou gaz, des bateaux de patrouille, moins chers, peuvent suffire. La Pologne pourrait renoncer à une marine "au long cours" pour se replier sur sa défense côtière. Plutôt que de navires de surface, elle préfère d'ailleurs investir davantage sur les sous-marins.

Polémique

Une décision qui provoque quelque remous en Pologne, sur fond de querelle politique. L'ancien Premier ministre Leszek Miller (SLD - social-démocrate) a ainsi laissé éclater sa colère. C'est une décision « absurde et dangereuse » a-t-il déclaré lors d'une conférence de presse lundi comme le rapporte l'agence Pap. Il conteste l'analyse faite par le gouvernement actuel et conclut : si la marine polonaise n'est pas nécessaire alors « supprimons carrément le ministère de la Défense, nous ferons des économies ». Le président de la république, Bronislaw Komorowski, devrait se prononcer rapidement selon lui, un président qui connait bien le dossier ; c'est sous son égide quand il était ministre de la Défense (dans le gouvernement Miller) que le projet de corvette a été entériné.

Modernisation de l'armée

Ce plan s'inscrit dans le cadre d'une modernisation et d'une réorientation de l'armée polonaise, à la suite de l'abandon de la conscription. Le ministère de la Défense veut revoir la structure de commandement de l'armée, pour la rendre « plus légère » en réduisant le nombre d'Etats-Majors et d'officiers généraux. Il veut aussi réduire le nombre des aumôniers aux armées. La paie du soldat devrait être augmentée d'ici juillet (+ 300 z?oty en moyenne, soit environ 70 euros) et la rémunération au mérite introduite. Le sort des anciens combattants (Irak, Afghanistan) devrait aussi être amélioré avec le vote d'une loi attendu en mars sur les "vétérans". Enfin, certains équipements seront privilégiés comme les hélicoptères multi-usages et l'achat d'un autre avion de transport.

Lire également : L’armée polonaise priée de se serrer la ceinture face à la crise

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®