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Les Américains revoient leur stratégie. Pacifique toute…

(Crédit : DOD / Erin A. Kirk-Cuomo)

(BRUXELLES2) Diminution du budget de défense, révision des orientations, nouvelle stratégie militaire... l'évènement de la semaine aura été sans conteste l'annonce par le président américain en personne, Barack Obama, jeudi (5 janvier), de ses nouvelles orientations en matière de défense. Les Etats-Unis se trouvent en effet à un tournant stratégique. Ils mettent fin à des conflits engagés sous les précédentes législatures : retrait d'Irak, mort de Ben Laden, transfert entamé en Afghanistan, diminution des effectifs en Europe. La présence du président Obama le matin même de la présentation au Pentagone indique son implication dans ce processus de réforme ou, au minimum, qu'il en endosse toutes les implications au moment où s'amorce cette année électorale. « Cette stratégie est destinée à préserver le leadership mondial américain, à maintenir notre supériorité militaire et garder la foi dans nos troupes, les familles des militaires et les vétérans » a-t-il affirmé.

Régime slim fast pour les forces armées

La défense devra économiser 487 milliards de $ dans les dix ans à venir, soit un peu moins de 50 milliards $ par an jusqu'à l'exercice fiscal 2022 (37 milliards € au taux de change de 1 € pour 1,30 $). Le budget pour l'exercice fiscal 2013 devrait être présenté dans les semaines à venir.

Menaces : vers le Pacifique toute

Le terrorisme, l'Iran, la Corée du Nord, la Chine et le Moyen-Orient sont parmi les premières préoccupations de l'armée américaine a précisé le ministre de la Défense Leon Panetta dans une interview à la chaine publique PBS. La région "Asie Pacifique" est naturellement l'objet de toutes les attentions américains qui comptent mettre le paquet sur leur façade "est". Les Américains entendent « maintenir une force présence maritime dans le Pacifique, maintenir une présence militaire en Corée du Sud, poursuivre la rotation des déploiements de Marines en Australie », mais surtout « examiner d'autres opportunités similaires pour renforcer notre présence (là-bas) et montrer que nous sommes une puissance du Pacifique ».

Une force plus rapide, plus agile

L'armée de demain devra être « flexible, adaptable, agile qui devrait faire face à une myriade de défis » a précisé Léon Panetta. Cette force sera « différente de la force de la guerre froide, de celle des années 1990 postérieures à la guerre froide ou de la force de ces dix dernières années engagée dans des conflits terrestres d'envergure ».

Cela signifie ne plus pouvoir être présent partout. « Quand vous êtes plus petit et plus allégé, vous ne pouvez avoir une large présence à travers le monde » a-t-il détaillé. « Une force plus petite efficace a besoin d'être mobilisable rapidement, disposer d'une technologie avancée, et pouvoir compter sur des partenaires ». Etre mobilisable suppose d'avoir de forts soutiens logistiques et une composante robuste de réserve. « Avoir des équipements technologiques suppose d'investir dans la recherche et l'innovation, ce qui a un coût, et les partenariats requièrent des efforts des autres nations, qui sont aussi sous la contrainte financière ». Il a tenu cependant à rassurer : les « Etats-Unis ont toujours les moyens de faire face à un plus d'un ennemi (à la fois) et de gagner ». Ils ne vont pas être sur un seul front. En Amérique latine et en Afrique, le ministre veut « utiliser des méthodes innovantes pour assurer une présence américaine. (...) Autant que possible nous développerons des approches peu couteuses et peu consommatrices en hommes, approche dite "low-cost" et "small-footprint" », un peu à la manière de ce qui se pratique en Ouganda-Somalie ou au Sahel.

Une opportunité stratégique de rééquilibrer les relations en Europe

L'Europe occupe juste un paragraphe dans le document d'orientation (*). Ce n'est pas que les Etats-Unis s'en désintéressent. L'Europe reste le « partenaire principal » dans la recherche d'une sécurité mondiale. Mais ce n'est plus un sujet de préoccupation principale. Même s'il reste « des défis de sécurité et des conflits non résolus en Europe et en Eurasia », le document prône donc une évolution. « Plusieurs pays européens sont devenus producteurs de sécurité plutôt que consommateurs. Combiné avec le retrait en Irak et en Afghanistan, cela crée une « opportunité stratégique pour rééquilibrer l'investissement militaire US en Europe, en centrant son attention plutôt que les conflits actuels sur les capacités futures ». Certes l'article 5 (clause de solidarité) reste d'application, et les Etats Unis promettent de « soutenir une capacité et une interopérabilité renforcée pour les opérations en coalition », un peu à la manière dont les Etats-Unis ont participé à l'opération de l'OTAN en Libye. Mais ils travailleront aussi avec les « alliés de l'OTAN pour développer le "pooling and sharing" et la spécialisation dans des capacités dont on a besoin au XXIe siècle ».

(*) « Europe is home to some of America’s most stalwart allies and partners, many of whom have sacrificed alongside U.S. forces in Afghanistan, Iraq, and elsewhere. Europe is our principal partner in seeking global and economic security, and will remain so for the foreseeable future. At the same time, security challenges and unresolved conflicts persist in parts of Europe and Eurasia, where the United States must continue to promote regional security and Euro-Atlantic integration. The United States has enduring interests in supporting peace and prosperity in Europe as well as bolstering the strength and vitality of NATO, which is critical to the security of Europe and beyond. Most European countries are now producers of security rather than consumers of it. Combined with the drawdown in Iraq and Afghanistan, this has created a strategic opportunity to rebalance the U.S. military investment in Europe, moving from a focus on current conflicts toward a focus on future capabilities. In keeping with this evolving strategic landscape, our posture in Europe must also evolve. As this occurs, the United States will maintain our Article 5 commitments to allied security and promote enhanced capacity and interoperability for coalition operations. In this resource-constrained era, we will also work with NATO allies to develop a “Smart Defense” approach to pool, share, and specialize capabilities as needed to meet 21st century challenges. In addition, our engagement with Russia remains important, and we will continue to build a closer relationship in areas of mutual interest and encourage it to be a contributor across a broad range of issues.

Strategic guidance dans: les Docs de B2

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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