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Retour d’expérience de la première « ambassade » UE en Afrique

(BRUXELLES2)
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La "double casquette" ce n'est pas toujours facile à porter !

Tel peut être le sentiment à lire le rapport du représentant spécial de l'UE (RSUE) auprès de l'Union Africaine, à Addis-Abeba, qui est également le chef de la délégation de la Commission européenne. Un rapport intéressant à plus d'un titre. Car c'est une expérience pilote pour le futur service diplomatique. La délégation de l'UE se compose, en effet, des services du représentant spécial de l'UE (RSUE) comme de ceux de la Commission européenne (1). Et qu'elle concerne une institution, l'Union Africaine, auprès de laquelle l'UE entend jouer un rôle spécifique, un peu comme un "grand frère".

Bilan positif au plan politique

Au bilan, bien que reposant sur un cadre juridique et institutionnel, peu adapté, puisqu'elle prévoyait « deux composantes séparées sur le plan administratif, deux budgets distincts et des sources de dotation en personnel différentes », la structure intégrée de cette délégation s'est jusqu'à présent révélée « viable et efficace sur le plan politique » note Koen Vervaeke, le représentant spécial de l'UE. L'existence d'une délégation de l'UE a eu « un impact, reconnu et salué par les États membres de l'UE ». Elle peut « tirer parti du poids politique tant de la Commission que du Conseil et de s'appuyer sur toute la gamme de ressources disponibles, y compris l'échange d'informations ». Elle contribue au renforcement de « la coordination, de la cohérence et de l'influence collective de la "famille UE", notamment par une présence plus compacte et une meilleure visibilité de l'UE. La délégation aide à instaurer des synergies et à assurer une utilisation plus cohérente des différents instruments existants de l'UE, de la CE et des États membres ». Voilà pour le coté positif. C'est déjà pas mal...

En revanche, coté intendance et personnel et logistique, c'est un peu la débrouille... La vie d'une ambassade semble plutôt rythmée par une série de "petits" ennuis qu'il faut résoudre ! Et ce rapport cerne une série de problèmes ponctuels et de dysfonctionnements plus ou moins structurels auxquels il importe de remédier non seulement pour l'efficacité de ce bureau mais aussi pour la bonne mise en place du futur service diplomatique européen.

De l'électricité à la voiture blindée,
petits problèmes logistiques d'une "ambassade" de l'UE...

La voiture blindée avait son propre contrat...

La délégation a mis ainsi un certain à résoudre certains problèmes logistiques comme l'achat d'une voiture blindée pour le RSUE. La commande de ce type de véhicule est, en effet, assurée de façon centralisée auprès de Sabiex, une entreprise belge qui a passé un contrat-cadre avec la Commission européenne. Entre autres, des problèmes de production ont retardé la livraison et la priorité avait été donnée à la mission Eulex Kosovo.

L'emménagement dans de nouveaux locaux

Situés non loin du siège de l'UA et plus spacieux, s'il a permis de travailler de façon plus efficace, n'a pas été sans difficultés. Les problèmes techniques ont été persistants (installations électrique, sanitaire et de sécurité, travaux de finition) au point qu'ils ont nécessité le recrutement (en cours) d'un agent de maintenance pour remédier à tous ces problèmes.

La gestion reste compliquée

Le travail administratif de la délégation « continue de pâtir de la charge qu'entraîne l'existence de deux sources de financement distinctes et de deux ensembles de règles et procédures administratives ». La délégation gère cette situation, autant que faire se peut, « par des dispositions internes pragmatiques, par exemple par le partage entre les deux composantes des dépenses encourues en commun ». Mais de façon générale, reconnait Koen Vervaeke, la situation actuelle, dans laquelle coexistent deux sources budgétaires distinctes et deux ensembles de règles « complique beaucoup le fonctionnement de la délégation et entraîne une charge administrative supplémentaire considérable ».

La gestion du personnel,
un vrai casse-tête avec la diversité des statuts

De façon générale

« Les différentes sources de dotation en personnel, la disparité des procédures et des règles de recrutement, ainsi que la diversité des statuts et des conditions qui s'appliquent au personnel (en termes de rémunération, de prestations et de services dont bénéficie le personnel de la part des deux institutions de l'UE et de la délégation) pourraient continuer à gêner le bon fonctionnement du bureau à long terme. Un système qui ne propose pas les mêmes services à l'ensemble du personnel d'une même structure complique la création d'une entité homogène. »

Personnel local

« Le personnel local de la composante RSUE ne bénéficie pas des mêmes prestations ni de la même protection en matière de sécurité sociale (assurances santé et vieillesse) que le personnel local de la composante Commission. La Commission dispose d'un régime spécial pour le personnel local de ses délégations, tandis que le personnel local de la composante RSUE devrait cotiser à un régime de sécurité social local (éthiopien). Comme aucun régime adapté n'existe dans ce pays, certaines dispositions pratiques sont appliquées pour assurer un certain niveau de couverture médicale aux membres du personnel concernés. Aucune autre prestation de sécurité sociale, comme l'assurance vieillesse, n'est prévue. »

Egalité d'accès aux fonctions

L'objectif consistant à garantir des conditions d'accès et de traitement équivalentes pour tous les personnels de la délégation indépendamment de la composante à laquelle ils appartiennent reste d'actualité, y compris l'instauration de mêmes possibilités d'accès à toutes les fonctions que dans le cas des fonctionnaires de l'UE, pour autant que les règles actuelles le permettent (notamment le statut et le règlement financier).

Personnel détaché

La gestion du personnel détaché par les États membres est « souvent difficile et imprévisible. Des cas de départs avec un préavis très bref et après une courte période de service se sont présentés », relate le rapport.

Protection diplomatique variable

« Certains membres du personnel de la composante RSUE ne jouissent pas pleinement du statut diplomatique car leur autorité d'origine ne leur a pas délivré de passeports diplomatiques nationaux ».

Autres problèmes détectés pour le service diplomatique de demain...

Notons que sur plusieurs points, la mise en place dans le cadre du service diplomatique, d'un seul budget et d'un seul statut, devrait solutionner une partie des problèmes décrits ci-dessus. Comme le reconnait le RSUE : « la création du service européen pour l'action extérieure (SEAE) mettront un terme à l'actuelle dualité structurelle de la délégation de l'UE auprès de l'UA ». Mais certaines questions resteront d'actualité, notamment le recrutement, la communication

Clarifier les règles de recrutement

« L'élaboration de procédures de désignation aux postes d'encadrement, qui soient transparentes et fondées sur la qualification et le mérite », explique K. Vervaeke. Autrement dit, "l'ambassadeur" de l'UE doit pouvoir choisir ses personnels et non se voir imposer par les Etats certains personnels, uniquement choisis en fonction de leur nationalité. NB : Il est un fait aussi que parfois les Etats membres cherchent à se débarrasser sur l'UE de certains personnels, sans se soucier des critères de compétence demandés.

Système de communication sécurisée

« Equiper la délégation de l'UE d'un système de communication sécurisé, rapide, convivial et unifié lui permettant de joindre tous les interlocuteurs de l'UE à Bruxelles et sur d'autres lieux de travail devrait être considéré comme une priorité absolue. »

Unifier les règlements de sécurité.

« Le partage des responsabilités n'est pas clair en ce qui concerne les questions de sécurité. Il existe actuellement deux chaînes de responsabilité aux niveaux local et régional. » Chaque délégation de la Commission dispose, en effet, d'un "responsable de sécurité local" (LSO, basé à Addis-Abeba) et d'un "responsable de sécurité régional" (RSO, chargé de l'Éthiopie et d'autres pays de la région). Le LSO est placé sous l'autorité du RSO. Le MSO de la composante RSUE, « qui a ses propres obligations en matière de responsabilité, doit être intégré convenablement à cette structure ». Le but devrait être « d'unifier les règlements de sécurité du Conseil et de la Commission et de définir clairement les responsabilités au niveaux local et régional »

La délégation en quelques mots

• La délégation commune (RSUE/Commission) a été mise en place en janvier 2008, après des discussions entre Etats membres menées à l'automne 2007 (notamment dans le cadre du groupe des conseillers pour les relations extérieures de l'UE)

• Le bureau à Addis-Abeba de l'UE se compose de 38 personnes : 20 dans la composante du RSUE — 10 agents internationaux (3 personnes détachées par le secrétariat général du Conseil, 6 détachées par les États membres et 1 sous contrat), de 10 agents locaux (dont 3 ressortissants de l'UE sous contrat local) et 18 dans la composante Commission — 11 agents internationaux (y compris un stagiaire de la Commission) + 7 agents locaux.

• Sur le plan opérationnel, la délégation a atteint, en décembre, sa « masse critique », avec 5 conseillers à la section "politique" (dirigée par un diplomate néerlandais), 4 à la section "paix et sécurité" (dirigée par un administrateur de la Commission européenne) et 5 à la section "opérations".

• A terme, l'effectif devrait être de 50 personnes. 6 agents vont être recrutés début 2010, deux agents locaux (agent de maintenance et chauffeur supplémentaire) et 4 autres agents internationaux de la Commission (1 fonctionnaire AD et 3 agents contractuels qui n'ont pas encore été sélectionnés).

(1) Erwan Fouéré en ex-république yougoslave de Macédoine (Fyrom) a aussi coiffé cette double casquette.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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