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Afghanistan. Un général français “l’ouvre”, le débat s’ouvre… enfin!

DesportesCid-Fr0909.gif(BRUXELLES2) Le général Vincent Desportes, chef du CID, le Collège interarmées de défense (qui forme les officiers supérieurs), a fait "explosé la soupape", dans le Monde daté du 2 juillet : "On ne peut pas faire la guerre contre le moral des soldats" en démontant certains mythes officiels qui entourent l'intervention en Afghanistan. Du coup, il permet d'ouvrir le débat.

Quatre mythes volent en éclat

Le général Desportes démonte quatre mythes :

1. La "situation n'est pas bonne", "elle n'a jamais été aussi pire".

2. La méthode n'est pas bonne. "Le fait d'avoir modifié la façon de combattre n'a pas encore porté ses fruits de manière claire", "Le mode d'action "gagner les coeurs et les esprits" suscite de plus en plus de critiques. "La doctrine McChrystal ne fonctionne pas ou n'est plus acceptée".

3. Il faut revoir drastiquement la stratégie. "Et il n'y a plus qu'une option - selon Desportes: celle du vice-président Joseph Biden, qui dit que l'Amérique a d'autres intérêts stratégiques que l'Afghanistan, qu'elle est piégée là par une guerre sans fin, et qu'il faut en sortir, en réduisant les troupes à une capacité de frappes ponctuelles contre Al-Qaida. (...) Le problème sera de réconcilier la stratégie avec ceux qui la mettent en oeuvre. Il faudra aussi, probablement, repousser la date du retrait d'Afghanistan.".

4. Tout dépend de Washington. Il n'y a pas de coalition internationale mais une stratégie US. "C'est une guerre américaine. Quand vous êtes actionnaire à 1 %, vous n'avez pas la parole."

Le débat s'entrouve en France

Le général Desportes est familier de prises de parole iconoclastes (lire sur Secret Défense : Le général Desportes appelle à "ne pas rêver américain"). Mais cette prise de parole, juste après le coup de gueule et l'éviction de McChrystal (1), est particulièrement franche, directe et assumée. Il faut préciser qu'il ne s'agit pas là de propos Off rapportés (comme avec Rolling Stones) mais d'une interview en bonne et due forme, à quelques jours du départ du général (en retraite). Mais si le propos peut être discuté, cette intervention a au moins un mérite : ouvrir, en France, le débat sur la présence française en Afghanistan, débat qui a été jusqu'ici qu'à peine esquissé et souvent contourné contrairement à d'autres pays : Pays-Bas, Royaume-Uni, Pologne (2)...

Le chef d'Etat-Major des armées, Edouard Guillaud a ainsi parlé d'une "faute" et de propos "irresponsables"... Mais le député socialiste d'Ille-et-Vilaine, Jean-Michel Boucheron, spécialiste des questions de défense (il est rapporteur du budget de défense à l'Assemblée) a une toute autre opinion. Ces questions posées par Desportes "ne peuvent être évacuées d'un revers de main" explique-t-il. "L'idée qu'une armée étrangère puisse gagner les coeurs et les esprits relève de la naïveté". Et d'ajouter : "Le retrait inéluctable d'Afghanistan doit effectivement faire l'objet d'une préparation politique".

(Nicolas Gros-Verheyde)

Lire également :

(1) Mc Chrystal tire à vue sur Biden. Les Français, aussi, en prennent pour leur grade!

(2) Le retrait des troupes polonaises d'Afghanistan n'est plus tabou A préciser : Le candidat à la présidence de la plate-forme Civique (Libéral), Komorovski, a promis à la veille d'un second tour décisif (les élections ont lieu dimanche), un retrait dans les deux ans (donc d'ici 2012). Dans un scrutin qui s'annonce serré, la gauche a, en effet, mis cette condition (le retrait d'Afghanistan) pour le soutien à la candidature du candidat libéral. Son opposant Kaczynski évoque un retrait dans les 5 ans de son mandat. C'est ainsi la seconde fois que la question afghane devient dans un pays européen (après les Pays-Bas) un enjeu électoral décisif.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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