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L’erreur de cible de l’anti-terrorisme européen

(BRUXELLES2) Il y a quelques semaines encore quand on parlait terrorisme, on pensait "barbu", "Al Qaeda" voire mouvement d'extrême-gauche.... Ce qui s'est passé à Oslo, le 22 juillet 2011 oblige à repenser la donne. D'abord parce que, à l'échelle de la Norvège, le nombre de victimes des attentats d'Oslo et d'Uttoya est supérieur (en proportion, rapportée à la population) à ce qui s'est passé il y a presque dix ans à New-York, au World Trade Center, le 11 septembre 2001 (*). Ensuite, parce cette fois-ci "l'ennemi" vient de l'intérieur. Un bien gentil garçon, propre sur lui, plus ou moins inconnu des forces de police.

Davantage proportionnellement que les attentats de septembre 2001

A force de se focaliser sur le terrorisme extra-européen, d'obédience islamique, on en a oublié que les racines du terrorisme puisent dans plusieurs tréfonds. Il y a là - il me semble - la même erreur que celle dans les années 1980 qui à force d'être obsédé par un terrorisme d'extrême gauche intérieur, n'avait pas vu venir un terrorisme islamique extérieur et aujourd'hui un terrorisme d'extrême droite intérieur. La surveillance des extrêmes droites, des milieux anti-islamistes, a été largement délaissée, car considérée, au mieux, comme le joyeux cantonnement d'extrêmes radicaux peu dangereux. Et, cependant, nous sommes en présence d'un acte terroriste pur : s'en prenant aux fondements de l'Etat et faire peur. Le terroriste s'en prend, en premier lieu, au siège du gouvernement (comme l'avion fonçant sur le Pentagone en 2001) et, en second lieu, un symbole important, l'université d'été du parti au pouvoir, les jeunes travaillistes (comme le World Trade Center de New York).

Un acte terroriste pur

Cette fois, cependant, il sera inutile d'aller chercher des terrains d'expiation à l'extérieur comme dans les années 2000, en Irak ou en Afghanistan. On ne pourra pas bombarder des villages ou lancer des attaques commandos sur des personnes. Il faudra combattre en interne, aux Etats-Unis ou en Europe. Et, surtout, arriver à extirper le mal. Ce ne sera pas facile. Et sans doute moins aisé politiquement, d'une certaine façon, qu'envoyer 130.000 hommes en Afghanistan, dont l'objectif officiel reste la lutte anti-terroriste...

Car, comme tout acte terroriste, cet acte menace la démocratie dans un mécanisme à double détente : la peur générée par l'acte lui-même - et d'autres actes possibles - ; puis la limitation des libertés par les actions entreprises ensuite, pour "se défendre". Il faudra trouver la juste mesure entre le renforcement des mesures nécessaires et la préservation des libertés et des démocraties. Aujourd'hui il faut bien le constater, les mesures anti-terroristes prises dans plusieurs pays - comme au Royaume-Uni, en France ou en Espagne, ne préservent pas totalement d'un acte à la Breivik.

Le laxisme sur la vente des armes

Il y a là matière à réflexion au plan de la prévention. Il faut s'attaquer au plan idéologique à ceux qui délivrent une théologie anti-islamiste - confondant le risque d'Etats ou de mouvements avec celui de toute une population - et surfent sur une immigration ouverte à tous les vents tout en maintenant une intégration plus poussée des immigrants. Il ne faut pas hésiter aussi à faire usage de la répression. Une répression qui ne vise pas les individus mais les marchandises. On semble aujourd'hui plus sévère sur les ventes des armes à l'export qu'à leur vente et circulation en Europe.  La surveillance des armes en circulation dans toute l'UE, la différence des législations et la possibilité de s'en procurer en jouant à saute-frontières... oblige les Etats membres de l'EEE (et de l'UE) à se doter rapidement d'une législation renforcée, harmonisée et beaucoup moins laxiste.

Une réaction européenne pas à la mesure de l'évènement

En la matière, la réaction européenne a été relativement faible, au plan politique. Des condoléances à la Norvège, une réunion rapide des experts anti-terroristes et l'engagement d'Europol à mieux suivre les mouvements extrêmes (une cinquantaine d'enquêteurs serait mis sur le pont). Point. Bien sûr la Norvège ne fait pas partie de l'Union européenne. Mais elle fait partie de l'Espace économique européen (EEE), avec une liberté de circulation des marchandises (des armes), des entreprises et des personnes. Elle est largement connectée, au plan idéologique et géographique avec les autres pays européens, comme la Suède ou le Danemark. Elle est membre de l'OTAN, active en Afghanistan, et a participé à plusieurs opérations de maintien de la paix de l'Union européenne. Et, contrairement à ce qu'on croit et qui est dit, ce qui s'est passé en Norvège aurait pu se passer ailleurs en Europe : aux Pays-Bas, en Allemagne, en Pologne...

(*) 77 victimes pour une population de 5 millions d'habitants. Rapportée à la France, on atteindrait près de 1000 morts !

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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