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La défense européenne à bout de souffle ?

(BRUXELLES2) A cette question iconoclaste qui mérite cependant d'être posée, Dimitry Queloz répond par l'affirmative dans le quotidien suisse Le Temps. La crise en Libye - et l'intervention militaire - a  « mis en évidence, une fois de plus, la faiblesse politique de l’Europe et son manque de capacités militaires ». Pour cet historien militaire, « l'élément fondamental à retenir est l’incapacité de l’Europe à mettre en place une véritable politique de sécurité. »

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Incapacité de l'Europe à se mettre en ordre de bataille

D’une part, la haute représentante de l’Union européenne pour la politique étrangère et la sécurité, Catherine Ashton, a écarté la possibilité d’employer les maigres outils militaires de l’Union et a limité son action aux sanctions économiques et commerciales et à l’aide humanitaire. D’autre part, les principaux Etats membres ont été incapables de parler d’une seule voix. » Et Queloz d'ajouter : « Cette cacophonie montre bien que l’Alliance atlantique constitue aujourd’hui, et probablement pour longtemps encore, la seule «défense européenne» crédible! »

Cacophonie et faiblesse militaire...

On connait les tenants et aboutissants de cette division, entre la France et le Royaume-Uni, interventionnistes, l'Allemagne, en opposition, et un large marais de pays attentistes. Longuement détaillés sur ce blog, nous n'y reviendrons pas. Mais l'autre élément non moins important relevé par Queloz est que les « opérations militaires en Libye révèlent également à quel degré de faiblesse les différentes armées européennes en sont arrivées ». « La diminution des effectifs humains et matériels, commencée au lendemain de la Guerre froide et poursuivie en raison de la crise économique de 2008, a conduit à une véritable «surchauffe» dans l’emploi des moyens militaires conventionnels. » La France pouvait « tout au plus déployer 30 avions », et son porte-avions « le seul existant en Europe », et  le Royaume-Uni « une vingtaine d’avions de combat »... Un peu faible pour l'historien. « La faiblesse militaire de l’Europe – Union européenne et pays membres – est ainsi étalée au grand jour, au moment où les Etats-Unis sont contraints d’adopter une nouvelle position stratégique

... obligent à une réaction

Pour Queloz, c'est clair : « La crise libyenne montre donc, une fois de plus, la nécessité de disposer de moyens de guerre classique en quantité suffisante. » Et « L’Europe ne pourra donc plus se réfugier systématiquement derrière la puissance militaire américaine et sera contrainte de prendre davantage en main sa sécurité (...). Cette prise en charge devra s’accompagner d’une augmentation des moyens militaires conventionnels, donc des dépenses d’armement, si elle veut réellement être crédible. La crise économique, sans doute durable, qui secoue l’Europe en ce moment risque cependant de rendre cet effort très difficile. »

Commentaire : Cette "opinion" résume assez bien le sentiment général aujourd'hui et méritait d'être développée. Cependant si je partage nombre des points d'analyse, on pourrait apporter certaines nuances. D'une part, chaque crise est différente ; et la suivante obligera peut-être à une réaction différente, notamment en termes de moyens. Ce qui a manqué à l'Europe pour la Libye,  ce ne sont pas tellement les moyens conventionnels (bateaux, avions, hommes), mais les outils satellitaires, de renseignement, de soutien logistique (ravitaillement). Quant à l'utilisation des forces spéciales et autres forces de renseignement, si on n'en connait pas encore tous les éléments, il est indéniable qu'elles ont joué un rôle difficilement remplaçable. Enfin, je pense que mis à part les éléments conjoncturels, l'Union européenne a encore une place à jouer dans la politique de sécurité, même si l'OTAN a indéniablement une supériorité stratégique dans un conflit "traditionnel".

A lire dans Le temps

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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