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L’Allemagne perd la bataille de Tripoli

Westerwelle à Benghazi... en juin (ministère allemand des Affaires étrangères)

(BRUXELLES2) Décidément la Libye ne réussit pas à l'Allemagne. Lors de la seconde guerre mondiale, c'est en Libye (et en Egypte) que les rats du Désert (Français, Britanniques et... Polonais) l'avaient emporté sur l'Afrika Korps, de Rommel  (*), aujourd'hui rebelote, les Franco-Britanniques par une position têtue parfois difficile à justifier à leur opinion publique, ont fait avaler son crayon au beau Guido Westerwelle, le ministre allemand des Affaires étrangères. Celui-ci a conduit en effet la politique étrangère allemande à rebours de celle menée par ses alliés occidentaux. Et on peut se demander comment l'Allemagne va pouvoir se dépêtrer de ce qu'il faut bien qualifier d'erreur stratégique et éviter de la payer cash... en Libye ou ailleurs. fait une victime

Une Allemagne jusqu'au boutisme dans l'hostilité au CNT ...

La position de Guido Westerwelle, était en effet plutôt sans nuances : hostilité à la résolution des Nations-Unies (une abstention négative), attentisme par rapport à l'intervention armée (non contente de ne pas participer, l'Allemagne a retiré ses navires de Méditerranée) et scepticisme continuel sur l'opposition libyenne du CNT en refusant de reconnaitre jusqu'à récemment de lui reconnaitre toute légitimité. Une position allemande qui pouvait être justifiée au début de la crise libyenne et de moins en moins partagée, au fur et à mesure des évènements. Ces derniers jours, les Allemands étaient un peu seuls en Europe à avoir été un tel jusqu'au boutisme.

... peu à peu isolée sur l'échiquier européen

Sans aller jusqu'à l'enthousiasme des Français et Britanniques, suivis par leurs alliés belges, danois, ou norvégiens qui ont participé aux frappes aériennes sur la Libye, la plupart des pays européens (Pays-Bas, Espagne, Grèce...) ont opté pour une attitude plus souple vis à vis de l'engagement en Libye et, surtout, su évolué à temps.

Avec une position très mouvante, pour ne pas dire totalement brouillonne, les Italiens sont les champions toutes catégories de cette évolution. Ils sont ainsi passés d'un refus d'intervention armée, à un soutien logistique, puis à un engagement plus notable (flotte, avions, ...), tout en exprimant certaines positions critiques ; ont exprimé tout d'abord des marques de réticence vis-à-vis du CNT à un engagement résolu à ses cotés ; ont refusé des sanctions trop fortes vis-à-vis du régime Kadhafi jusqu'à son acceptation. L'Italie a réussi à revenir très rapidement dans le jeu des négociations internationales. Et, même s'il n'est pas avoué ajourd'hui, la présence de services spéciaux - voire de forces spéciales italiennes - ; leurs contacts privilégiés avec le régime libyene se révelera sans doute au fil du temps comme un des éléments internationaux des batailles en Libye, notamment à Tripoli.

Les Polonais, très silencieux au début, ont effectué également un revirement bruyant avec le débarquement avec tambour et trompettes du ministre des Affaires étrangères Sikorski aux cotés du CNT à Benghazi. Aux marges de l'Union européenne, on peut également noter le revirement de la Turquie, proche de Tripoli et plus en plus dure vis-à-vis du régime Kadhafi, pour se rapprocher du CNT ensuite.

Mais Guido ne regrette rien

Malgré tout, Guido Westerwelle reste droit dans ses bottes. S'exprimant à Berlin devant la presse ce lundi (22 août), il n'a eu ainsi aucun mot de regret sur sa position, estimant justifiée le non-engagement allemand. Mieux il n'a adressé aucun remerciement à l'engagement britannique et français. « Les Libyens ont combattu pour leur liberté et c'est un succès du peuple libyen » a-t-il estimé sans un mot pour ses alliés de l'OTAN, se fendant même d'un conseil aux alliés sur le risque d'une occupation. Pas un mot non plus du CNT sauf pour appeler le Conseil national de transition « de s'abstenir d'actes de vengeance et de réaliser une transition pacifique vers la démocratie » Tous propos sans doute fondés mais qui sonnent comme une singulière erreur stratégique pour la place allemande dans le monde arabe. Pourtant Westerwelle ne désespère pas de positionner l'Allemagne sur le marché libyen.

Mourir pour Tripoli, non. Mais les pétrodollars libyens, c'est oui.

Le ministre des Affaires étrangères l'a dit clairement. L'Allemagne est « clairement pour le changement démocratique » et pour que la transition se déroule paisiblement et en bon ordre. A coté de la démocratie, il faut aussi « se concentrer sur la reconstruction économique » « L'Allemagne se trouve prête à agir », a-t-il ajouté...

En gros nous ne voulons pas mourir pour Tripoli. Mais nous voulons bien en toucher les dividendes. Rarement un dirigeant occidental n'a été aussi cynique  Si la promesse du CNT de tenir compte des engagements à ses cotés dans l'attribution des futurs marchés de la Libye nouvelle, les industriels allemands peuvent commencer à changer de pavillon.

(*) et... l'Italie qui était présente en Libye et y a subi, à Koufra se première défaite.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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