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Un engagement franco-polonais sur la future PeSDC

(BRUXELLES2) La déclaration commune que viennent de signer les responsables Français et Polonais, à Paris le 5 novembre, mérite qu'on s'y arrête cinq minutes. Sans avoir l'emphase ni l'instant de la déclaration de Saint-Malo, signée il y a dix ans entre Français et Britanniques, elle marque assurément une étape. Le prochain couple de la défense européenne pourrait-il être franco-polonais, aussi sûrement que le moteur franco-allemand en matière économique ?

Des engagements politiques

Une profession de foi

La déclaration est d'abord une profession de foi dans l'Europe de la Défense : « La France et la Pologne ont pris l’engagement d’aider l’Europe à accroître ses capacités de défense. (...) Une défense européenne plus forte intégrée à la PCSD (1) est également essentielle pour renforcer l’OTAN et le rôle des Européens au sein de l’Alliance. (...) Nous considérons que la PCSD et l’OTAN sont complémentaires et se renforcent mutuellement. »

Un embryon de la coopération structurée permanente ?

Elle ressemble d'ailleurs d'assez près aux engagements requis des participants à une Coopération structurée permanente (même si le nom n'est jamais mentionné). « Nous sommes confrontés à des défis similaires et nous les relèverons ensemble. Nous nous engageons à développer nos capacités militaires et civiles et à prendre part aux opérations menées par l’UE et l’OTAN. »

La clause de solidarité réitérée

« Toute menace contre les intérêts fondamentaux de sécurité de l’un de nos deux pays portera atteinte aux intérêts de l’autre pays. La France et la Pologne sont déterminées à unir leurs efforts pour renforcer la solidarité et les obligations mutuelles en matière de défense conformément au Traité de Washington. Nous mettrons également en oeuvre les engagements de sécurité que nous avons pris dans le cadre du Traité de Lisbonne. »

Une présidence polonaise en 2011 un peu française ... aussi !

La déclaration institue une continuité entre les deux présidences. efforts poursuivis en 2008 lors de la présidence française de l'UE. « La Présidence française de l’UE a engagé le renforcement de la PESD. La Présidence polonaise de l’UE en 2011 poursuivra ce processus qui sera encore consolidé par les dispositions du Traité de Lisbonne. La France soutiendra les efforts déployés par la Pologne pour permettre à l’UE et à ses États membres d’assumer pleinement leur rôle dans la sécurité européenne, transatlantique et mondiale. »

Une série d'initiatives européennes, bilatérales et euro-atlantiques

Les deux partenaires listent une série d'initiatives qu'ils envisagent de renforcer, tant au nivau européen que de l'Alliance atlantique ou de façon bilatérale.

Au niveau européen, six points semblent à retenir :

- Le maritime : « Utilisation des moyens militaires pour projeter une puissance maritime européenne de lutte contre les trafics, le terrorisme, la prolifération, l’immigration illégale et la piraterie ».

- la révision du financement des opérations de l'UE. « Renforcement de la solidarité financière entre les États membres de l’UE pour permettre de déployer des contingents plus importants ».

- la coopération industrielle : « recherche ensemble de nouveaux programmes dans le cadre de l’Agence européenne de défense et mise en œuvre des programmes déjà développés (déminage maritime, drones de surveillance, protection des forces et radio logiciel) ». Les Français et Polonais semblent particulièrement intéressés à mettre en place trois programmes : « la lotte européenne de transport aérien, le programme d’observation par satellites MUSIS, la disponibilité des hélicoptères pour les opérations menées par l’UE et l’OTAN ».

- la mise en commun : « En ce qui concerne les acquisitions d’équipements, développement de solutions innovantes reposant sur le partage et la mise en commun des ressources ».

- les acquisitions : « acquisitions conjointes et spécialisation, en particulier en termes de soutien opérationnel ».

- le QG européen : « le renforcement de la capacité de l’UE à planifier et conduire des opérations civiles et militaires ».

Au niveau bilatéral, outre l'échange d'officiers, la coopération s'articule essentiellement autour de trois projets :

- l'un opérationnel : « renforcer la coopération entre les forces spéciales, en encourageant l’accès mutuel à nos programmes de formation » ;

- les deux autres industriels : un partenariat industriel réunissant les principaux acteurs de la défense aérienne (le français MBDA, les polonais RADWAR, PIT et BUMAR) et un partenariat industriel stratégique entre le Français DCNS et les chantiers navals polonais SMW « afin de moderniser les capacités navales ». En outre, la Pologne prend note du projet français de développer un système européen d’alerte avancée pour la détection des tirs de missiles.

Au niveau de l'OTAN, les objectifs s'articulent entre la modernisation de l'Alliance atlantique — « Transformer l’OTAN pour la rendre plus efficace, moins coûteuse et mieux adaptée à la défense collective et aux nouveaux défis à relever en matière de sécurité » — ; garder son efficacité « Préserver la posture de dissuasion de l’Alliance, y compris dans sa dimension nucléaire  » ; et « la politique de la porte ouverte de l’OTAN » notamment vis-à-vis de la Russie par « une coopération pragmatique là où nos intérêts de sécurité convergent ».

(1) La déclaration utilise le terme de Politique commune de sécurité et de défense en se référant au Traité de Lisbonne. Mais si mes souvenirs sont bons (j'ai vérifié au passage), le terme exact est "Politique de sécurité et de défense commune" (NB : il est vrai que le Traité de Lisbonne - lui-même s'emmêle les pinceaux ayant interverti à deux reprises l'adjectif !). Ce n'est pas qu'une question de mots, c'est une question assez politique. L'UE a une politique commune de la pêche, des transports, agricole, de l'asile et de l'immigration, elle n'a pas encore de politique commune de défense. En revanche, elle a une politique de défense commune (pour assurer la défense en commun - c'est un peu différent.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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