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Pov’ George ! Pov’ Europe…

Discours de George Bush le 26 février 2003 sur l'Irak (Crédit : US White House / Paul Morse)

(BRUXELLES2) La guerre contre le terrorisme, la poursuite de Ben Laden, le remodelage d'un grand Moyen-Orient sur des bases de liberté et de démocratie (esquissé dans un discours le 26 février 2003 et approfondi dans un autre le 9 mai 2003), le bouclage du continent américain avec un système anti-missiles... Autant d'éléments que l'ancien président américain, George W. Bush, avait défendu, durant son mandat, comme un axe principal de sa politique étrangère. Avec des moyens parfois critiquables - comme l'intervention en Irak ou la tension avec la Russie... Force est de reconnaitre qu'aujourd'hui, une partie de ses objectifs est en passe de se réaliser, même si c'est par un autre président, du bord opposé. Pov' George ! 🙂 Mais les Européens devraient prendre garde à ne pas se réjouir trop vite. Les Etats-Unis entendent bien profiter des évènements pour se renforcer dans la région. Et ce seront les Européens qui pourraient en faire les frais. Pov' Europe !

George Bush l'avait rêvé, Obama l'a fait

Certes le président Obama surfe plus sur les évènements qu'il ne les provoque. On ne peut cependant pas nier qu'il a impulsé un retrait des forces américaines d'Afghanistan. Et que les Etats-Unis ont accompagné les révoltes arabes avec un certain sens tactique, poussant parfois nettement dans un sens (comme avec l'armée égyptienne), se mettant plus en arrière (comme avec la Libye). Les Européens ne doivent donc pas se leurrer. L'objectif des Etats-Unis, sur le bassin méditerranéen, volontairement ou involontairement, pourrait demain être atteint : avoir permis une réintégration du monde arabe dans un espace plus démocratique, plus occidentalisé, mais aussi plus proche des Américains qu'il ne l'est de ses anciennes puissances tutélaires européennes qu'il s'agisse de la Turquie, de la France, de l'Italie ou du Royaume-Uni...

Un renforcement de la présence US

C'est à ne pas voir que cet objectif américain est toujours présent, malgré le changement de président aux Etats-Unis, à continuer à aller en ordre dispersé, à souvent être en retard d'un mouvement sur les évènements, et sans stratégie visible et viable sur le monde arabe, les Européens perdront la main, comme ils ont perdu la main au Proche-Orient (Liban, Syrie, Israël...) dans des terres qui ont été, un moment, très proches historiquement (mandat britannique ou français) ou culturellement (par les mouvements de population, émigration/immigration, etc.). On ne regrettera certainement pas l'époque coloniale. Et voir les Américains comme une menace serait une erreur. Mais ne pas sentir cette montée en puissance sur une zone très proche à tous points de vue (géographiquement, historiquement, culturellement...), riche en ressources énergétiques, en potentiel de développement économique et de population, relèverait d'une intransigeante naïveté et une erreur tout aussi profonde.

Reprendre l'initiative

L'Europe doit savoir répondre à ce double défi (révolutions arabes, présence américaine renforcée) de façon unifiée et dynamique. Le service diplomatique européen ou la Haute représentante, seuls, ne peuvent pas tout. Mais ils peuvent impulser une dynamique plus importante. Il faut se préparer à un basculement d'autres régimes - comme l'Iran ou l'Algérie - même si l'évolution peut ne pas nous satisfaire. Il faut arriver à trouver, rapidement, une position sinon unique du moins une réponse unifiée par rapport à l'émergence d'un Etat palestinien. Il faut mettre en place très rapidement la stratégie "Sahel" pour consolider l'Afrique noire, délaissée. Il faut préparer l'implantation de missions de crises d'un genre nouveau, qui soient un mix entre la délégation diplomatique habituelle et la mission PeSDC classique... Bref, il faut aboutir, rapidement, à un changement de focus et de stratégie aussi important que celui intervenu dans les années 1990 avec l'ouverture à l'Est. Au moment où Obama (son discours est prévu jeudi) va poser ses cartes pour le monde arabe de demain, l'Europe aurait tout intérêt à reprendre l'initiative.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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