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La politique étrangère de l’UE notée, évaluée, disséquée

(BRUXELLES2) Comment évaluer la politique étrangère européenne ? C'est autour de cette question que les chercheurs de l'European Council on Foreign Relations (ECFR), emmenés par Justin Vaïsse et Hans Kundnami, ont bati leur "scorecard 2010".

L'intérêt de cet outil est non pas le résultat brut aujourd'hui. Mais de saisir les évolutions dans le futur. Ainsi que l'écrivent les auteurs, le « projet démarre avec 2010, qualifié d'année "zéro" pour le nouveau cadre de la politique étrangère créée par le Traité de Lisbonne. Sur cette base, il sera possible dans le futur de suivre les progrès de l'Europe ou les revers ».

Le système de notation est simple : 5 points pour l'unité d'action des Européens, 5 points pour les moyens consacrés et 10 points pour les résultats, une note sur 20 qui se traduit ensuite en une lettre, de A à E, du meilleur au moins bon. 80 dossiers, qui sont autant d'indicateurs, sont ainsi visités, répartis en six chapitres : les relations avec les USA (noté "B-"), avec la Russie (C+), avec la Chine (C+), avec l'Europe élargie (C+), la gestion de crises (B-) et les questions multilatérales (B+).

Les bons...

Parmi les meilleurs résultats, les relations avec les Etats-Unis dans la lutte contre le terrorisme et le partage des données (A) ou sur l'Iran (A) ainsi que la réponse après le séisme en Haïti (A-). "Malgré une confusion initiale, la réponse de l'UE fut généreuse et efficacement coordonnée. Mais l'Europe n'a pas reçu un retour suffisant pour sa contribution". Le déploiement de la mission EUMM Georgia peut aussi être compté comme un succès même si, contrairement à son mandat, elle n'a jamais réussi à pénétrer dans les territoires auto-proclamés indépendants d'Ossétie du Sud et d'Abkhazie (B+). Le bon résultat de la gestion de crises en Somalie - avec le déploiement de deux missiosn (Atalanta et Eutm Somalia) ainsi que le soutien à la force de maintien de la paix de l'Union africaine Amisom. Mais la stabilisation de la Somalie semble un objectif encore lointain (B). Au Tchad et au Soudan, les progrès sont plus limités selon les auteurs même si l'UE s'est engagé de façon notable au Darfour comme au Tchad. L'UE a cédé aux pressions du gouvernement tchadien, et le soutien à la Cour pénale internationale contre le président soudanais Bashir n'a eu que peu d'impact (B-).

... et mauvais résultats

Parmi les mauvais résultats, le rapport note la question des droits de l'homme en Chine et du Tibet (D+) ainsi que les relations avec la Turquie ou le problème chypriote (D+). Coté gestion de crises, le réponse au Kirghizistan n'a pas été à la hauteur des espérances, notamment le soutien à la mission de police de l'OSCE a été trop minime, et cette mission a été bloquée longtemps, au point qu'on pourrait parler d'un échec (C-). De même, la réponse à la crise humanitaire à Gaza a souffert du refus des responsables israéliens de répondre aux propositions européennes (C+). De même la réponse de crises en Afrique de l'Ouest est jugé insuffisante, malgré les leviers et moyens qui sont théoriquement à disposition des Etats membres (C+) comme la stabilisation de l'Afghanistan, où malgré des moyens financiers importants - l'UE est le premier donateur - les résultats ne sont pas vraiment à la hauteur (C+).

L'unité n'est pas un gage de bon résultat

Il est intéressant d'observer que l'unité d'action n'est pas automatiquement le gage d'une bonne action. La gestion de crises au Kirghizistan reçoit ainsi une mauvaise note (C-) alors que les Européens étaient plutôt unis (4/5) tandis que la gestion de crises en Macédoine (avec l'opposition grecque) ou au Kosovo (avec 5 Etats qui ne reconnaissent pas l'indépendance) recueillent respectivement un B et un B-, grâce à l'ampleur des moyens engagés ou aux résultats.

On pourra sans doute avoir des impressions différentes que les auteurs. Mais l'intérêt de cet ouvrage est multiple, notamment pouvoir dégager des tendances et susciter des réflexions. J'aurai cependant une question de méthodologie en particulier sur l'Afrique. On peut se demander s'il n'aurait pas été plus clair de disséquer crise par crise (comme cela été fait pour la Géorgie, Haïti, le Kirghizistan...) plutôt d'embrasser la gestion de crises de toute une zone - l'Afrique de l'Ouest - qui a des ressorts et thématiques différentes. Entre la Guinée-Bissau, la Côte d'Ivoire et la problématique du Sahel, il y a toute de même quelques singulières différences.

Voir le site des auteurs, ou télécharger le rapport

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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