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A400M: le temps des anathèmes a laissé la place à la calculette

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(BRUXELLES2) A Berlin, a lieu aujourd'hui (mardi 26 janvier) une nouvelle réunion. Une des dernières, espérons, autour de l'avenir de l'Airbus A400M. La question est simple : comment répartir la "douloureuse" du programme Airbus A400M, les surcoûts engrangés par le retard envisagé (2014 au plus tôt selon les Britanniques (1) ? Si il y a quelques semaines, les mots "doux" volaient haut dans la presse. Aujourd'hui c'est plutot le silence et la discrétion qui règnent. Et ce sont plutôt les calculettes qui sont de sortie...

Une rythmique de la tension

Il y a quelques semaines encore, effectivement, les biceps étaient de sortie. Un directeur d’Airbus confie à la presse l’éventualité d’un abandon du programme A400M par l’industriel. Et un responsable allemand de haut rang du ministère de la defense - sous couvert de l'anonymat, bien réplique - réplique en susbtance : "pas un sou de plus pour l’Airbus". Et hop, tel une allumette sur une toile d'essence, les commentaires s'enflamment et l’abandon du programme A400M paraît quasi-certain.

Mais il faut raison garder. D'une part, les positions exprimées tout haut n'étaient pas vraiment nouvelles. Il y a déjà six mois, déjà, certains responsables allemands exprimaient ce qui était ensuite inscrit, noir sur blanc, dans le programme de la coalition CDU-Libéral au pouvoir : un contrat est un contrat, les Allemands demeurent des grands adeptes du "Pacta sunt survenda". Parallèlement, chacun était bien conscient qu'abandonner le programme Airbus A400M où il est actuellement - c'est-à-dire aux 3/4 réalisés - était une "petite" absurdité (pour ne pas dire plus), pour différentes raisons : besoins opérationnels de ce type d'avion dans le futur, avantages industriels et d'emploi. Il faut d'ailleurs remarquer que le gouvernement Britannique, est resté plutôt discret dans cet échange verbal.

Comment réduire l'ardoise ?

La question : tout le monde en connaît les tenants et les aboutissants. Le programme a pris du retard. Ou plutôt, ses concepteurs, trop optimistes, ont tablé sur des délais de livraison trop courts. Et le dérapage se paie ; un dérapage, faut-il préciser, régulier dans les contrats industriels de défense. Le programme devrait subir une augmentation totale de 11 milliards d'euros. Et il s'agit de déterminer qui va payer ? (2) Les Etats doivent ainsi se répartir une ardoise de 5,4 milliards au bas mot. Les solutions sont multiples : on peut répartir à due proportion cette somme (au prorata des avions commandés), diminuer le nombre de commandes pour le même prix global, ou avoir une solution mixte des deux. On peut également diminuer les équipements supplémentaires sur ces avions.

Les Français semblent avoir accepté de payer un peu plus que leur quote-part. Et les Espagnols également. Lors de leur dernière rencontre Morin et Chacon ont exprimé - selon le communiqué officiel - la volonté de leurs gouvernements de couvrir une partie de l'augmentation des coûts du programme » tout en réitérant que « EADS devra être le premier à assumer les coûts supplémentaires du programme ». Les Britanniques sont discrets ; ils auraient déjà fait une provision de 653 millions de £ (environ 720 millions euros) pour pallier une éventuelle augmentation des coûts et seraient prêts à accepter une faible diminution du nombre d'avions commandés. C'est donc essentiellement la question allemande qui bloque : ne voulant - pour l'instant ni réduction du nombre d'appareils, ni augmentation de leur quote-part. Une étude réalisée par PriceCoperWaterhouse détermine qu'EADS, dont notre confrère allemand Handesblatt se fait l'écho, mentionne qu'EADS pourrait prendre environ 7,6 milliards d'euros à sa charge, ce qui diminuerait d'1 à 2 milliards la charge des Etats.

Mais la question est plus complexe qu'une simple équation comptable (qui paie combien), il y a aussi une question plus politique : l'équilibre actionnarial. Le paiement de la facture passerait, en effet, par une augmentation de capital. Or si les Français (via un consortium d'Etat, Sogeade, avec Lagardère) et les Allemands (via Daimler Dasa) (3) ne contribuaient pas de façon équivalente, la parité franco-allemande serait rompue...

Il paraît donc certain qu'à défaut d'accord l'accord devra se trouver au plus haut niveau entre Nicolas Sarkozy & Angela Merkel. Comme bien souvent en cas de "friction" franco-allemande.

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(1) La première livraison de l'Airbus A400M pourrait ne pas avoir lieu avant 2014, a expliqué le ministre des Equipements militaires, Davies, aux députés britanniques qui l'interrogeaient sur la question.

(2) Il faut faire attention aux divisions simples du coût total du programme par le nombre d'avions. Pour avoir le coût réel par avion, il faut séparer les frais de développement et de recherche des frais de fabrication de l'avion "commercialisé". Il faut ensuite ramener la somme à un même temps T (indexation du prix de l'avion en fonction de l'inflation).

(3) Ce qui n'est déjà plus tout à fait le cas, Sogeade ayant 25% et Daimler-Dasa 22,5% Voir sur le site d'EADS, la description générale de la Société et de son capital social à télécharger
(Lire également) Berlin s'interroge sur l'avenir de l'Airbus A400M. Londres aussi!
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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

Une réflexion sur “A400M: le temps des anathèmes a laissé la place à la calculette

  • L’augmentation de capital peut être effectuée uniquement auprès de la société Airbus Military ou Airbus, sans pour autant déséquilibrer EADS.

    Par ailleurs il pourrait être bon qu’un jour EADS soit réellement déséquilibrée ! Enfin une majorité claire se détacherait et on en finirait avec les doubles nominations etc.

    Quelle tuile pour tous les salariés du groupe de devoir composer avec un top management structurellement déficient.

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