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La bataille de Vintimille

(Paru dans Ouest-France , 8 avril 2011) La volonté de l’Italie de délivrer un titre de séjour « temporaire » aux Tunisiens arrivés sur son sol suscite quelque échanges aigres doux entre Rome et Paris. L’un comme l’autre s’accusent mutuellement de ne pas respecter les règles européennes en vigueur. Qui a raison, qui a tort ? Ouest-France a vérifié.

L’Italie peut-elle donner un titre de séjour aux migrants ?

Oui. Les règles de délivrance de permis de séjour ou de légalisation des immigrés illégaux ne sont pas harmonisées au niveau européen. C’est à chaque État de décider à qui il donne ce titre et selon quels critères. Il peut limiter le titre à son territoire national ou l’étendre à toute la zone Schengen. Autrement ce que décide l’un, l’autre peut le subir. Les ministres de l’Intérieur avaient donc convenu une coordination et concertation politiques en cas de «  régularisation ». Mais cette obligation est uniquement politique.

La France peut-elle refuser ces migrants ?

Oui sous certaines conditions. Tout titre de séjour émis par un État participant à la zone Schengen permet la libre circulation pendant la durée de validité du titre. Mais les Français peuvent vérifier que les conditions posées par la convention Schengen sont respectées. Notamment le migrant doit pouvoir justifier de moyens de subsistance, notion assez floue laissée à l’appréciation de chaque État. Il ne doit pas représenter une menace pour l’ordre public, notion précise, appréciée de façon très stricte en général par les tribunaux européens comme français. Si le migrant ne remplit pas ses conditions, il peut être renvoyé soit dans son pays d’origine, soit dans l’État d’où il vient.

La France a-t-elle le droit de bloquer la frontière ?

Non. Dans l’espace Schengen, on peut faire des contrôles inopinés, pour arrêter des personnes suspectes de délit. Mais il est interdit de faire des contrôles systématiques ou permanents sur la frontière ou aux abords.

Peut-on renvoyer les migrants en Tunisie ?

Oui sous trois conditions : être sûr de la nationalité des migrants, que celui-ci n’ait pas demandé le droit d’asile et si la Tunisie est d’accord. Il n’y a pas d’accord général de réadmission avec la Tunisie, ce doit être un accord au cas par cas.

Qui va gagner la bataille de Vintimille ?

Personne. France comme Italie sont chacun dans leur bon droit. Ce n’est que par un accord politique au niveau européen que la question de l’arrivée des Tunisiens pourra être réglée. Les ministres de l’Intérieur se rencontrent lundi, à Luxembourg, sur ce sujet… chaud !

Nicolas Gros-Verheyde

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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