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Un tournant arabe de la politique européenne, timide, très timide

Drapeau de la révolution libyenne hissé sur l'ambassade de Libye à Malte (crédit : Times of Malta)

Les 27 chefs d'État et de gouvernement de l'Union européenne ont trouvé sur leur table une communication de la Commission européenne sur le nouveau partenariat « pour la démocratie et une prospérité partagée » que doit nouer l'Europe avec les pays de la rive Sud de la Méditerranée. « La volonté d'organiser des élections libres, régulières et contrôlées de manière appropriée constituera la condition de l'adhésion au partenariat ». Un partenariat qui symbolise pour l'exécutif européen une action à long terme vis-à-vis des événements qui frappent le pourtour méditerranéen. Un peu plus d'argent sur la table, conditionnée à davantage de démocratie et de respect des droits de l'homme mais une politique d'assistance à l'Etat de droit et de sécurité pour le moins balbutiante.

Un peu plus d'argent...

Le partenariat innove dans l'utilisation nouvelle de certains fonds. Avec l'enveloppe de 4 milliards d'euros, déjà disponible dans le cadre de l'Instrument européen de voisinage, c'est près de 6 milliards d'Euros qui pourraient être dévolus, à l'avenir, à la région, provenant de la Banque européenne d'investissement (avec la Facilité euro-méditerranéenne et de partenariat = 1 milliard) et une nouvelle enveloppe de prêt d'1 milliard d'Euros que doivent approuver les 27. La BERD, qui n'est pas présente actuellement dans les pays du sud de la Méditerranée, pourrait aussi étendre ses opérations moyennant la modification de ses statuts et donc l'accord de ses actionnaires (61 pays,  UE et BEI). Plutôt que de nouvelle enveloppe, il y a un recyclage. Mais surtout un conditionnement des fonds plus strict qu'auparavant.

... mais surtout une condition (démocratie et droits de l'homme) plus importante

Ce partenariat ne sera plus fonction de critères relativement flous. Mais d'un « ensemble de critères minimum au regard desquels les résultats obtenus feront l'objet d'une évaluation ». « La volonté d’organiser des élections libres, régulières et contrôlées de manière appropriée constituera la condition de l’adhésion au partenariat. » Un « dialogue politique renforcé » va être engagé, de façon bilatérale, à tous les niveaux, dès que « les conditions locales le permettront, en mettant surtout l’accent sur les droits de l’homme et l'obligation de rendre des comptes sur le plan politique. »

Les conséquences en matière de politique de sécurité

Ce partenariat signifie aussi - explique la communication de la Commission - « une coopération plus étroite » dans le cadre de la politique étrangère et de sécurité commune (PESC) et « un plus grand nombre d’actions conjointes dans les enceintes internationales » sur des questions d’intérêt commun. L’UE continue « d'être attachée au règlement pacifique des conflits existant à l’intérieur des États et entre les États de la région et de l'encourager ».

Télécharger la communication

Commentaire : un oubli stratégique, une erreur politique !

On peut remarquer que dans ce partenariat pourtant établi à la fois par la Commission européenne et la Haute représentante pour les Affaires étrangères, rien n'est mentionné de concret en matière de partenariat de sécurité. L'initiative de paix africaine notamment est totalement absente. De même une assistance ou un renforcement à l'Etat de droit, aux réformes du secteur de sécurité comme entrepris au Congo ou en Somalie, ou avec le cycle de formation Amina Africa / Eurorecamp est totalement absent.

Une absence qui n'est pas justifiable au regard de l'évolution de la situation africaine et de l'intérêt stratégique de ces questions. C'est une erreur stratégique à mon sens. Il n'y aura pas de développement sans sécurité et pas de sécurité sans développement, répète tous les responsables connaissant bien la région. On a l'impression que la Commission et la Haute représentante ont perdu de vue cet axiome.

NB: Rédigé avec l'aide de Maxence Peniguet

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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