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Pas l’option militaire pour les Européens… Sauf si les Arabes mettent des troupes

Dans le débat entre Européens sur le soutien nécessaire de la Ligue arabe à une possible action militaire, les Britanniques et Français semblent plutôt isolés dans la volonté d'intervention militaire parmi les 27 Etats membres de l'UE. On a souvent évoqué les pays du sud, dont la réticence s'explique à la fois par la proximité géographique et économique. Mais il n'y pas qu'eux. Pour des raisons différentes, les pays du nord, de l'est, du centre de l'Europe sont très prudents et mettent nombre de conditions à une intervention, comme l'a prouvé la réunion informelle des ministres des Affaires étrangères qui s'est tenue à Gödöllö (Hongrie) ce week-end.

Etablir un cessez-le-feu

Pour Malte, ainsi que son ministre des affaires étrangères, Tonio Borg, l'a rappelé à Gödöllö, plutôt que le départ de Kadhafi, il faudrait d'abord viser à imposer un cessez-le-feu, puis à négocier ensuite. Ce n'est que si ce cessez-le-feu est violé qu'il faudrait passer à une nouvelle résolution de l'ONU pour imposer de nouvelles mesures. Position partagée par Chypre, la Grèce et l'Italie. Il est nécessaire aussi « de mieux connaître les différentes positions en Libye », précise le ministre autrichien, Michael Spindelegger, qui appelle à une nouvelle "fact finding mission".

Un engagement arabe en moyens et hommes sur place

Plusieurs pays comme l'Allemagne ou l'Italie estiment aussi qu'il ne faut pas donner l'impression d'une offensive de l'occident, d'une "nouvelle croisade" comme l'a indiqué Guido Westerwelle, le ministre des Affaires étrangères. Les pays arabes ne devraient pas seulement soutenir politiquement une possible action militaire mais y participer, de façon nette, avec des troupes, des avions souligne-t-on coté allemand.  NB : comme lors de la première guerre du Golfe qui avait vu des troupes d'Arabie Saoudite et des Emirats arabes unis, d'Egypte, de Syrie, d'Oman intervenir, parfois en première ligne et en nombre conséquent. Propos partagé par la Suède qui estime notamment que l'Egypte pourrait participer avec son armée de l'air.

Le souvenir cuisant de l'Irak

Les pays de l'Est sont, en général, fortement réticents à toute intervention. Se conjuguent plusieurs aspects. D'une part, une proximité politique ou économique. Tout comme les pays du sud, les relations avec la Libye sont parfois fort anciennes et remontent aux régimes communistes. La république Tchèque s'est ainsi montrée farouchement opposée à toute intervention militaire, estimant que la zone d'exclusion aérienne signifie la guerre. Réticence partagée par la Pologne pour d'autres raisons. Les Polonais se semblent pas enthousiastes à retomber dans une mission qui s'éterniserait à la manière de l'Irak, dont ils ont gardé un mauvais souvenir politiquement. C'est le cas de nombre de pays qui ont suivi les Américains en 2003.

A cela s'ajoutent dans plusieurs de ces pays les difficultés économiques qui ont obligé à restructurer l'armée (Pologne) ou faire des coupes sombres dans les effectifs (Slovaquie, Bulgarie, Roumanie). En Bulgarie, le souvenir des infirmières bulgares emprisonnés par le régime est frais. Et si on ne veut pas soutenir le régime de Kadhafi, le gouvernement bulgare estime que reconnaître l'opposition de Benghazi n'est pas mieux. « J'ai expliqué que parmi eux il y avait les personnes qui avaient, durant 8 ans, torturé les travailleurs bulgares » a expliqué le Premier ministre bulgare Borisov, lors du sommet des chefs d'Etat et de gouvernement, le 11 mars.

L'engagement pesant en Afghanistan

C'est le dernier élément qui est souvent peu évoqué par les politiques ouvertement mais qui pèse énormément sur les Etats-Majors comme dans dans les esprits. L'engagement en Afghanistan commencé avec facilité est inextricable aujourd'hui et nul ne sait très bien comment s'en dégager. Comme le résume le ministre suédois, Carl Bildt, sur son blog, « Après les opérations en Irak et Afghanistan, il existe une fatigue d'intervention dans les milieux militaires ». Et il y a la peur de l'engrenage. « Il y a un doute pour savoir une telle zone (d'exclusion aérienne) serait capable de faire une grande différence, alors qu'à l'heure actuelle, il semble que ce soit plutôt avec des chars et de l'artillerie, que les forces de Kadhafi aient l'avantage. »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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