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Le français n’est pas à la fête aujourd’hui…

Le drapeau de la francophonie

(BRUXELLES2) Alors que la journée internationale de la francophonie est célébrée aujourd'hui (le 20 mars) dans plusieurs pays du monde, l'usage du français devient résiduel dans la politique étrangère de l'Union européenne. En témoignent les déclarations officielles publiées régulièrement. Ce déficit est devenu criant depuis l'arrivée de Cathy Ashton, comme Haut représentant de l'UE pour les Affaires étrangères.

La plupart des déclarations de l'Union européenne que je reçois sont ainsi désormais disponibles dans une seule langue : l'anglais. Au point qu'une partie de mon travail consiste désormais à la traduction ! Et, si une traduction en français existe, elle arrive souvent après un délai dépassant plusieurs heures voire quelques jours,... quand elle arrive.

Une pratique aux antipodes des coutumes... et du droit

Cette pratique est surprenante dans une organisation internationale. A l'ONU, comme à l'OTAN, par exemple, il existe au moins deux langues de travail. Cette pratique se situe également en "délicatesse" avec le Traité.

Une déclaration (n°29) annexée au Traité de l'Union européenne de Maastricht prévoit ainsi : "Pour les communications COREU, la pratique actuelle de la coopération politique européenne servira de modèle pour le moment". Explication : les communications "COREU" sont celles échangées entre les ambassadeurs de l'Union européenne (une déclaration de l'Union européenne ou de la Haute représentante fait normalement objet d'un télégramme COREU) ; quand on parle de "pratique suivie", on fait référence à une traduction systématique en deux langues (anglais, français). Autrement dit ce paragraphe prescrit le français et l'anglais comme langues de travail jusqu'à nouvel ordre.

Cette déclaration précise aussi : "Tous les textes relatifs à la politique étrangère et de sécurité commune qui sont présentés ou adoptés lors des sessions du Conseil européen ou du Conseil ainsi que tous les textes à publier sont traduits immédiatement et simultanément dans toutes les langues officielles de la Communauté." Pour les éléments que je connais, cette disposition n'est pas souvent appliquée.

Une Diplomate en chef toujours aussi monolingue

Lady Ashton avait promis en arrivant d'apprendre le Français. Elle le balbutie toujours à peine. Et le comprend encore moins. Ce qui est assez extraordinaire pour un "diplomate en chef". On ne lui en cependant tiendra pas rigueur. Notre langue est bien complexe. Et la Baroness a peu de temps de libre. En revanche, il n'est pas normal d'avoir des textes diplomatiques dans une seule langue.

Ce n'est pas seulement une question de défense d'un acquis. C'est aussi une question de légitimité dans une partie du monde, notamment en Afrique francophone. C'est enfin une sécurité de compréhension. Avoir deux langues permet de saisir les finesses ou les contours exacts d'une déclaration politique.

Lire également : Le français, « langue morte » de la PESD ?

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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