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Entre la Moldavie et la Transnistrie, un timide rapprochement

© NGV / Bruxelles2

(BRUXELLES2 à Chisinau) Tous les diplomates et Européens dans la région le disent. Ici, pourra vous expliquer un diplomate européen, « il n’ y aura pas de solution sans la Russie » dit l’un. « Moscou souffle le chaud et le froid dans la région. Il a intérêt à maintenir une présence et une force nuisance » précise un second. La Russie « utilise le conflit transnistrien au mieux de ses intérêts » souligne un troisième. Mais un vent nouveau sembler souffler sur la région, depuis quelques jours au moins.

Première rencontre depuis sept ans

En effet, le 11 avril dernier, les présidents de Moldavie (Vladimir Voronine) et de Transnistrie (Igor Smirnov) - qui, depuis près de sept ans, ne s'étaient pas rencontrés - ont accepté de se voir directement à Bendery (ville de Transnistrie), après s'être téléphonés. Ils convenu de relancer le processus de négociation "5+2". Des documents ont été échangés. Et les groupes de travail techniques - formées en octobre dernier - pourraient prendre vie. "Le président moldave, Voronine, qui en est à son dernier mandat (les élections ont lieu en mars 2009), pourrait vouloir laisser son nom dans l'histoire comme l'homme qui a réunifié le pays" commente un diplomate connaisseur des affaires moldaves.

"Cette rencontre est susceptible de contribuer à la reprise des négociations sur le règlement transnistrien selon la formule 5+2" a commenté Philippe Remler, le chef de la mission OSCE en Moldavie. La présidence finlandaise de l'OSCE a d'ailleurs inscrit dans ses priorités le règlement des conflits gelés, comme l'a rappelé Alexander Stubb, à Vienne, le 10 avril lors d'une session du Conseil permanent de l'OSCE. De façon générale, les diplomates en poste dans la région semblent cependant prudents sur le débouché de cette négociation.

Les négociations internationales, avec la médiation de la Russie, de l'Ukraine, de l'OSCE, des Etats-Unis et de l'Union européenne (dites 5+2), ont été suspendues en février 2006. Avec l'introduction par les autorités de la Moldavie et de l'Ukraine d'un nouveau régime douanier pour les marchandises de Transnistrie, Tiraspol avait cessé tout contact avec Chisinau, l'accusant de blocus économique. Dans un référendum organisé la même année, 97,2% de la population optait pour un rattachement à la Russie.

Les conditions d'un accord

Cette détente n’est ni plus ni moins, semble-t-il, la conséquence de deux mouvements parallèles. D’une part, le rapprochement entre la Moldavie et la Russie, amorcé depuis septembre 2007, s’est confirmé au fil des mois. Le président moldave, Voronine, a notamment garanti la non-adhésion de la Moldavie à l'OTAN et reconnu l'immuabilité des biens et avoirs de la Russie en Transnistrie. Deux conditions primordiales pour Moscou. Symbole culminant, de cette bonne entente retrouvée, lors de débats à la Douma (la chambre basse russe), certains députés ont exprimé leur souhait que « la République de Moldavie devait être un Etat unique ». Et un « premier train humanitaire » de grain russe est arrivé à Chisinau - via Tiraspol -, le 19 mars.

De l’autre coté, Tiraspol irrite de plus en plus Moscou. Tout d’abord d’un point de vue économique : sa dette gazière dépasserait un milliard de dollars. Selon une source au Kremlin, rapportée par le quotidien Kommersant, les Transnistriens opéreraient une double ponction sur les gazoducs russes : "d'abord, ils prélèvent impunément notre gaz, ensuite, ils le vendent, mais l'argent disparaît". Quant à la demande transnistrienne de se voir reconnu en prenant comme modèle le Kosovo a été la goutte d’eau, elle a provoqué l'ire du Kremlin. Le "ministre des affaires étrangères transnistrien", Valeri Litskaï, a été convoqué illico au Ministère des affaires étrangères russe.

Quoi qu'ils en soient, les Russes semblent avoir obtenu l’assurance majeure, qui est un des moteurs de leur position, celle de pouvoir conserver des bases russes en Transnistrie, voire dans une éventuelle Moldavie recomposée. Une nécessité stratégique pour Moscou. Sans ces bases, « les forces russes devraient reculer de 700 kms » explique un fin connaisseur de la région et des questions de défense. Alors qu’ici, ces troupes — qui appartiennent à la XIVe armée — dont la fonction essentielle est de surveiller les Balkans, et de pouvoir y intervenir éventuellement, sont à portée de leur cible.

Des dirigeants toujours interdits dans l'Union

Selon une position commune du Conseil, qui date de 2003, et régulièrement renouvelée depuis (en dernier lieu le 25 février), certains dirigeants de la "région de Transnistrie" (Moldavie), notamment son "président" Igor Smirnov, ses deux fils Vladimir et Oleg, et plusieurs dignitaires du régime (ministres, procureur, responsables du service national des douanes ou de la Banque de Transnistrie...) sont interdits de séjour et de voyage dans l'Union européenne. Mais une évolution est possible. Lors d'une réunion des ambassadeurs de l'Ue à Bruxelles, en février, une déclaration - non-publiée - a été inscrire au procès-verbal, à la demande de la Roumanie, stipulant expressément qu'il est possible "d'envisager d'éventuelles modifications à cette liste (...) si un Etat membre ou la Commission européenne le demande". A noter que cette interdiction de voyage ne concerne pas l'Etat membre lié par une obligation de droit international (pays hôte d'une organisation internationale, de l'OSCE ou d'une conférence internationale convoquée par les Nations Unies).

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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