B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Actu BlogAfrique Nord Libye

Retour de mission européenne à Tripoli: « Tout tenter avant l’option dure » (maj)

(BRUXELLES2 / Exclusif) La mission européenne emmenée par Agostino Miozzo (*), le directeur du département "Crises" au service diplomatique européen (SEAE), est de retour à Bruxelles depuis hier soir. 'B2' a pu en savoir plus sur cette mission de 48 heures qui a permis de prendre une certaine mesure de la situation en Libye, à Tripoli.

Une mission d'information diplomatique

"Ce n’était pas – comme on l’ai dit - une mission d’évaluation humanitaire. Mais une « mission d’information diplomatique" a expliqué Agostino Miozzo à ‘B2’.  "Nous n'avions pas le mandat ni les moyens d'évaluer les besoins humanitaires sur place. Notre objectif était surtout d'établir des contacts directs avec les ambassadeurs des Etats de l’UE qui sont sur place. Ce qui n'avait jamais pu être le cas jusqu'ici." Un échange intéressant.

Appel d'un haut diplomate libyen au retour des ambassadeurs européens

La délégation a d'abord rencontré, avec les ambassadeurs hongrois et italien, le directeur Europe du Ministre des affaires étrangères libyen. Un ambassadeur de la vieille école. Il a exprimé son "regret" du départ de plusieurs ambassadeurs européens de Tripoli (**). Un départ "qu'il ne comprend pas". Et il appelé ceux-ci à "revenir". Ils auront "la protection du gouvernement libyen. Il n'y a aucun problème de sécurité pour les ambassadeurs ni pour les diplomates européens" a-t-il assuré. Mais surtout il a proposé la mise en place d'une "mission indépendante de l'ONU et de l'Union européenne si possible" pour évaluer la situation dans le pays.

Une mission d'évaluation indépendante ONU / UE ?

Une réunion a ensuite eu lieu avec les diplomates européens encore en poste à Tripoli. Les huit diplomates présents (ambassadeurs ou chargés d’affaires de Hongrie, Italie, Bulgarie, Chypre, Grèce, Malte, Roumanie, Pays-Bas) ont été unanimes à souhaiter cette "mission d'évaluation indépendante - ONU/Union européenne".

Concernant les violations des droits de l'homme, il n'y a pas d'autre source actuellement que les nouvelles qui arrivent par les médias, expliquent les diplomates. Et aucune possibilité de vérifier les violations, alléguées, des droits de l'Homme, par qui elles sont commises (gouvernement ou rebelles) et en quel nombre. Une "prudence" qui s'explique. Il reste encore beaucoup de citoyens européens dans le pays. Les ambassades concernés n'envisagent pas, pour l'instant, de quitter le pays et ont "décidé de rester", pour le moment.

Le sort des Européens

Cet échange a permis de vérifier le sort des ressortissants européens qui veulent être évacués. Selon les ambassadeurs présents, le rapatriement des Européens s'est jusqu'ici effectué sans encombre (du moins pour les nationalités présentes autour de la table). Environ 1330 ressortissants européens restent encore dans le pays. Et tous ne veulent pas partir. 200 ressortissants européens devraient cependant être rapatriés aujourd'hui à bord d'un avion italien.

La question particulière des réfugiés érythréens et somaliens

Cet avion ramène également un petit groupe d'Erythréens, qui bénéficiaient en Libye du droit d'asile. Ils devraient être accueillis en Italie et bénéficier du même statut. Selon une première estimation, ils sont ainsi entre 7 et 8000 Erythréens et Somaliens à avoir le statut de réfugiés en Libye. Et qui pourraient (devraient) bénéficier du même statut s'ils sont rapatriés en Europe ou dans un autre pays.

Autres contacts

Un contact a pu aussi se nouer avec la représentation locale de l'Organisation internationale des migrations, composée de nationaux libyens. Un échange qui est resté, du coup, assez limité apparemment. Les officiels restant très prudents.

La question des trois militaires néerlandais, retenus prisonniers des autorités libyennes n'a, officiellement, pas été évoquée, durant ce séjour, même si elle restait dans l'esprit de chacun.

Dans la ville, le calme avant la tempête

Sur place, la situation est très contrastée. A l'aéroport, il y a 2 à 3000 personnes massées (des Bengalis, des Africains...), dans des conditions difficiles, même si la délégation locale de l'OIM ne veut pas officiellement le reconnaître. Par contraste, la ville de Tripoli, "du moins pour le quartier que j'ai pu visiter, apparait calme, menant presque une vie normale, avec des enfants qui jouent dans la rue", a expliqué le diplomate européen. Seul indicateur d'une possible tension : "la plupart des magasins sont fermés". Mais "on ressent comme un calme, pesant, avant la tempête".

Tenter toutes les autres possibilités

"Je suis très préoccupé par l'évolution de la situation" confie le diplomate européen. "Je crois qu'il faut tout essayer, toutes les possibilités, avant d'arriver à d'autres options plus dures (militaire). C'est une opinion à titre personnel. Vous savez. Je suis médecin. Et avant d'arriver à une opération, il faut tout envisager tout autre traitement". Et de craindre que la situation s'envenime et "dure".

(*) Soutien logistique italien. Le directeur du département « réponse de crises » du service diplomatique européen (SEAE) était accompagné de trois fonctionnaires et d’un officier de presse. Il a bénéficié du soutien logistique des autorités italiennes qui ont mis à sa disposition un avion  gouvernemental pour faire la liaison avec Tripoli, ainsi que des agents de sécurité qui l'ont accompagné durant tout son déplacement.

(**) Une petite dizaine d'ambassades, dont celles de France, du Royaume-Uni, de Belgique, de république tchèque, de Slovaquie, d'Espagne... ont "suspendu" leur représentation

Lire également :

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®