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Cathy Ashton revisite Lisbonne et abandonne la PSDC en rase-campagne

Crédit : Commission européenne / EBS

En venant devant les journalistes aujourd'hui (vendredi 18 mars), pour un court point de presse, la Haute représentante, Cathy Ashton, voulait avant tout justifier son action et sa bonne entente avec Nicolas Sarkozy... Nous avons été ravis d'apprendre ainsi qu'elle quittait Bruxelles pour aller ce soir à Paris (un diner aux chandelles à la Lanterne peut-être ! bien que cela m'étonnerait...). Plus sérieusement, la Haute représentante a clairement énoncé ce qui semble être sa ligne de conduite dans la crise libyenne, et au-delà : l'UE doit agir de façon économique et humanitaire ; et c'est à l'OTAN de jouer la partition militaire.

A l'UE, l'humanitaire et l'économique

Commentant l'action de l'Union européenne et son propre rôle, elle s'est décerné un autosatisfecit. "Nous pouvons être satisfaits" a-t-elle expliqué. Nous avons pris "des sanctions très dures" contre le régime libyen, nous avons apporté une réponse politique - "regardez les conclusions du Sommet, les positions des Etats membres, et ce que nous arrivons au niveau de l'Union européenne" vous verrez la différence. Nous avons apporté une action humanitaire importante et rapide. Et, pour le futur, c'est autour de ces notions qu'il faut travailler. "Ce que nous pouvons faire est de renforcer les sanctions économiques et d’intensifier le soutien humanitaire à la population libyenne". Les ambassadeurs du COPS - réunis en format restreint (ambassadeurs + 1), terminent actuellement une réunion consacrée à ce sujet.

A l'OTAN, l'action militaire

Concernant l'action militaire, elle a été très claire. "Il y a différents acteurs qui jouent différents rôles. Le rôle de l’OTAN est clair. Le nôtre également. (Notre action) c'est de faire du soutien humanitaire, avec des moyens militaires. (Et) c’est important de bien le faire." La participation militaire de l'Union européenne est "très très petite" car l'organisation militaire de l'UE est "infime", par rapport à un rôle plus général d'une organisation militaires, a-t-elle ajouté. Le rôle de l'UE "est de coordonner les moyens des Etats membres, en se concentrant particulièrement sur les problèmes humanitaires auxquels on a à faire face". Et d'ajouter l'orientation qu'elle souhaite faire prendre dans l'avenir. "il faut améliorer la planification de crise du service diplomatique, pour faire mieux et encore mieux".

NB : on comprend ainsi mieux pourquoi la Haute représentante n'a donné aucune impulsion politique aux différentes options militaires qui lui ont été présentées, n'a pas vraiment demandé à l'Etat-Major militaire ni au comité militaire de l'UE de travailler ou d'approfondir certaines questions.

Commentaire : un manquement aux fonctions ?

Nous sommes ici dans une relecture du rôle de l'UE qui ne correspond ni au texte ni à l'esprit du Traité de Lisbonne. Même si elle encore très parcellaire, l'Europe de la Défense dispose de certains outils qui auraient pu être utilisés durant la crise libyenne et ont ainsi été laissés en jachère. On sait maintenant que ce n'est pas par hasard mais sciemment. Répartir de façon fixe les rôles entre les deux organisations - à l'UE l'économique et l'humanitaire et à l'OTAN l'action militaire - relève également d'une vision erronée, en termes juridique, politique et historique. Et, en accroissant la confusion entre humanitaire et militaire, sans préciser de gardes-fous et des modalités, on s'aventure sur un terrain plus que dangereux et glissant. Il y là, à mon sens, un grave manquement au rôle du Haut représentant, d'autant que cette décision ne suscite pas un consensus des Etats membres.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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