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Eurodéputés “frustrés” demandent désespérement Haute représentante (ré)active

Les eurodéputés attendaient Maciej Popowski, de pied ferme, mardi à la sous-commission Défense du Parlement européen, pour débattre de la réponse européenne face au conflit en Libye. Le secrétaire général adjoint du service diplomatique, chargée de la PeSDC, avait la tâche délicate de défendre la politique suivie jusqu'ici par la Haute représentante. Politique qu'il a définie selon ses trois directions : 1° action de l'UE pour l'évacuation des citoyens et aide humanitaire, 2° planification en cours "prudente" sur les options militaires, 3° assistance à moyen terme des pays de la région en matière d'Etat de droit, de justice, de police ou de réformes des structures de sécurité. Et sanctions financières, qui « commencent à faire de l'effet si on en croit les rapports qu'en font les médias », a-t-il précisé.

La Haute représentante reflète la volonté (ou non) des Etats membres

M. Popowski a défendu le bilan de l'Union européenne en mettant en avant les contraintes auxquelles il se heurtait : « Il n’y a pas d’unanimité pour autoriser une action forte. Il n'y a pas de consensus pour une nouvelle résolution. (...) Nous n’avons pas de structure militaire intégrée. Chaque État décide des moyens qu’il veut mobiliser. Il n'y a pas de quartier général » Mais il aussi tenu à rappeler la doctrine de la Haute représentante : « Elle doit refléter la volonté des Etats membres. On reflète leurs attentes. Et le plus petit dénominateur en est le résultat. » Quant à une action propre de l'UE, « différentes options sont envisagées, y compris un embargo sur les armes... » Mais si il y a action « robuste « ce serait fait à l’OTAN. »

Inutile de préciser que les eurodéputés n'ont pas tous été
très contents de cette présentation un peu euphorique !

Pourquoi l'Europe n'agit pas ?

« Je ressens une certaine frustration à vous écouter. On parle de la planification prudente, de moyen et long terme, alors que pour la Libye on est plutôt dans l’urgence » a expliqué Arnaud Danjean (UMP/PPE, France) : Tous nos citoyens nous disent : que fait l’Europe ? Si je leur réponds « planification prudente », je suis foutu ». Et le président de la sous-commission de demander « Pourquoi l’Union européenne n’est pas capable de planifier une opération maritime à quelques kilomètres de ces côtes ? Alors que nous avons réussi à faire une opération maritime, anti-piraterie, à des milliers de kilomètres ? »

Opération: nettoyage à Benghazi

« Il faut savoir ce qu’on doit faire maintenant. Dans quelques jours, il n’y aura peut-être plus d’opposition à soutenir. Nous aurons un bain de sang à Benghazi. Si on attend trop, il faudra attendre la prochaine vague d’opposants » s'est écriée Franziska Katharina Branter (Verts, Allemagne). « Se préparer à agir ne veut pas dire agir. Nous avons dit « Never again » dans le passé. Quand Kadhafi aura pris Benghazi et nettoyé la région, comment pourra-t-on dire « never again » a renchéri l'ancien président lituanien, Vytautas Landsbergis (PPE, Lituanie), qu'on a rarement connu sur les positions de la Verte allemande.

Une certaine impuissance européenne

En fait, « on a l'impression que Lady Ashton ne souhaite pas avoir des options (militaires). Elle devrait envisager son rôle sous un autre jour. (...) J'ai aussi l'impression que les pays de l’Union européenne ne sont pas d’accord là où la Ligue Arabe a pris ses responsabilités et demandé des mesures nécessaires pour zone exclusion aérienne. Qu’est-ce qu’il faut de plus ? L’UE se cachera-t-elle derrière l'Union africaine pour ne rien faire ? » a commenté Michael Gahler (CSU-CDU/PPE, Allemagne)

« Les rapports montrent l’impuissance et l’incapacité à agir et parfois le dénuement total de l’UE dans cette situation difficile. Ce n’est pas ce qu’on attendait du service extérieur. La condition de l'accord la Ligue arabe est maintenant remplie. Ce que l'on voit, c'est l’absence de volonté d’agir de l’Union européenne » a ajouté son homologue autrichien, Ernst Strasser (PPE, Autriche), ancien ministre de l'Intérieur dans le premier gouvernement Schlüssel.

Restons prudents

« Rappelez-vous du passé, de l'Afghanistan, de l'Irak ou du Kosovo, l'Europe devrait apprendre les leçons du passé. On ne peut pas tirer d'abord et regarder les faits ensuite.» a cependant averti Sabine Lösing (GUE, Allemagne) avant de poser la question « des réfugiés libyens qui pourraient arriver de Libye, on les refoule ? Ou on s'organise »

Roberto Gualtieri (S&D, Italie) est monté au front pour défendre la Haute représentante. « La prudence de HR est fondée. On ne connait pas les faits concrets. Combien y-a-t-il de morts ? Est-ce qu'il y a deux armées qui s’affrontent ? (...) La Libye est un pays complexe avec 3 tribus qui ont signé un pacte » a-t-il précisé. « Et l’unité de ces tribus pourrait se faire si une intervention unilatérale pour soutenir ceux de Benghazi. » Et de proposer : « une initiative politique ». « Il ne faut pas laisser la Turquie seule agir. Il faut parler avec l'Union africaine pour mettre en oeuvre le gel des financements ».

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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