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Le schisme irakien de l’Europe, un souvenir ?

200 hommes du régiment écossais des "Black Watch" ont été placés en alerte a indiqué le ministre de la Défense, ici en Afghanistan (crédit : MinDéf Uk)

(BRUXELLES2) Des Etats partisans d'une intervention militaire d'un coté (USA et dans une moindre mesure Royaume-Uni), des Etats mesurés (France), des Etats persuadés qu'il est urgent d'attendre (Italie, Allemagne, Grèce), une OTAN paralysée par les divisions... Voilà le tableau actuel de la situation chez les alliés de l'Alliance Atlantique. Autant dire que la situation internationale et européenne qui prévalait les premiers jours du conflit libyen n'était pas sans rappeler la situation qui prévalait il y a presque dix ans (en 2003) avant l'intervention de la coalition emmenée par les Américains en Irak.

Pas d'intervention sans résolution des Nations-Unies

L'histoire se répéterait-elle ? En fait, il semble bien que non. D'une part, la donne a changé aux Etats-Unis — Obama n'est pas G. Bush — et les autorités américaines sont très partagées. Mais surtout la donne a changé au niveau international. Les alliés d'hier ne peuvent plus se permettre aujourd'hui ce qui était encore possible en 2003. Au niveau mondial, la Chine et la Russie, et une autre série de pays émergents comme le monde arabe, font entendre désormais leur voix singulière de façon plus forte.

Et au niveau européen, il est peu d'Etats tentés par cette aventure, qui n'a pas été payante, à moyen terme, politiquement pour eux. L'Italie et l'Espagne par exemple ne seront pas du lot d'une intervention en solo, pour des raisons politiques et géographiques. Les pays de l'Est - comme la république Tchèque ou la Roumanie - qui ont entretenu des relations de proximité avec la Libye ne sont pas très très enthousiastes non plus (et ils ne disposent pas énormément de moyens). La Pologne est muette. Quant à la France et plus encore l'Allemagne, ils restent très circonspects sur une action militaire rapide sans couverture des Nations-Unies. Il ne reste, en fait, que le Royaume-Uni qui pourrait être tenté de suivre cette voie. Et encore. Car les dirigeants au pouvoir à Londres ne sont pas unanimes ; les LibDem ayant sur la question un point de vue plus légaliste que les Tories. Au final, le monde semble à peu près convaincu aujourd'hui qu'une nouvelle résolution des Nations-Unies est nécessaire pour toute intervention. Mais pour quoi faire ?

Vers une surveillance maritime et aérienne de la Libye ?

(crédit : UK Royal Air Force)

Du coté des militaires, on sent quelque réticences à s'engager trop avant. Peu d'alliés sont pour une intervention aussi lourde qu'en Irak - dont ils viennent à peine de se retirer - ou qu'en Afghanistan dont ils ne se sont pas encore retirés, avec éléments terrestres dans tout le pays. Pas question de se mettre sur le dos une nouvelle opération de cette envergure. Une intervention en Libye ne peut donc être que ponctuelle et limitée, par exemple une surveillance maritime et aérienne (no fly zone), ou le soutien ponctuel aux forces de la Libye libérée (une idée de D. Cameron peu soutenue, par d'autres Etats du moins publiquement).

Une nouvelle résolution, avec mise en place d'une surveillance maritime et d'une surveillance aérienne, peut être justifiée pour faire appliquer l'embargo sur les armes et faire cesser la répression contre les civils, prévues par la précédente résolution. Cette question de surveillance est à l'étude comme l'a confirmé, vendredi, un diplomate européen à 'B2'. Toute la question est de savoir si cette surveillance se complètera d'une "No Fly Zone", intégrale ou partielle, et des règles d'engagement qui y seront annexées. Des Awacs britannique et américain (peut-être français également) sont déjà déployés au-dessus des eaux internationales pour la surveillance de l'espace aérien et la sécurité des évacuations en cours assurés par des avions et des navires européens.

Tout dépendra ainsi des évènements en cours en Libye. Plus le colonel Kadhafi utilise son aviation contre les civils et le peuple en révolte, plus il justifie le recours international à la force. Il semble ainsi que le monde attend la nouvelle d'un massacre irrésistible, type marché de Sarajevo, pour justifier le besoin d'agir de façon plus importante.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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