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La cellule de crises “Evacuations” de l’UE, sur le pont

La cheville ouvrière de la MIC (© NGV / Bruxelles2)

(REPORTAGE) Dans un des immeubles de la Commission européenne, après le pont Delta, la lumière est en permanence allumée, au 2e étage : à la cellule de crises « évacuation », y compris le week-end. Le mécanisme de suivi et d’information en cas de crises (MIC) a, en effet, été activé par la présidence hongroise de l’UE et la Haute représentante de l'UE pour les affaires étrangères, il y a une semaine (le 23 février).

Sur le pont, ce jour où je leur rends visite (c'était dimanche), quatre personnes sont de permanence : deux agents de la Commission (dont un administrateur), un agent détaché par la présidence hongroise pour la crise et un militaire de l’État-Major de l’UE. Ce qui est assez symptomatique du rôle de cette structure, qui regroupe les compétences nécessaires même si elles ne sont pas strictement celles de la DG concernée (ECHO). Plusieurs écrans au mur, de télévision pour suivre l'actualité, de suivi pour les principales informations en cours : carte avec les Européens en évacuation, liste des personnes de permanence, des principaux contacts dans les Etats membres, des téléphones et des ordinateurs... Tout passe par là.

Coordonner l'effort européen

L'objectif de la cellule de crise est, en effet, de faciliter la coordination, l'échange d'informations  entre les autorités européennes pour l’évacuation des Européens de Libye. C’est la MIC qui sert de support à l’opération. Ce n’est pas la tâche, « primaire » de la cellule qui a plutôt pour fonction de coordonner l’aide en cas de catastrophe naturelle ou technologique. Mais ce n’est pas la première fois qu’elle a été déclenchée pour les évacuations. « La première fois – se souvient Peter Billing son directeur adjoint – c’était en 2006, à la demande de Chypre pour l’évacuation des citoyens du Liban. La seconde, après les attentats de Mumbaï. Un avion suédois a permis d’évacuer des blessés graves, britanniques et espagnols, avec un cofinancement européen. »

(© NGV / Bruxelles2)

Un cofinancement européen disponible

L’atout du dispositif européen est double : permettre l'échange d'informations en temps réel sur les moyens disponibles. La présence d'un militaire au sein de la MIC, chargé de "l’Air Movement planning", permet de garder le lien avec les moyens militaires de soutien engagés sur place par une dizaine d'Etats européens. Mais il est aussi d'ordre financier.

Le budget européen permet, en effet, de prendre en charge 50% du coût des avions envoyés sur place pour les pays qui le demandent. Selon nos informations, deux pays l'ont demandé : la Hongrie et la Bulgarie, qui ont ainsi pu dépêcher à Tripoli un avion sur place, à moindres coûts. Ce qui n'est pas négligeable pour des pays n'ayant pas de grandes possibilités de financement.

COol, l'outil consulaire sécurisé de l'UE

Le travail de la MIC s'insère dans une structure plus générale de crise, mise en place au niveau du service diplomatique européen (SEAE). Ce dispositif comprend deux niveaux : le niveau politique, avec une conférence de tous les responsables européens concernés (SEAE, DG Echo, DG Affaires intérieures…) généralement à haut niveau (directeur généraux ou adjoint). Il s'agit de « faire le tour de tous les sujets : politique, économique, migratoire aspects ».

Cette réunion est complétée par une téléconférence, quotidienne (ou presque), avec tous les services consulaires des 27, réunion animée par le SitCen (le centre de situation de l'UE). Moment précieux où chacun échange ses informations, notamment la liste de personnes qui veulent être évacuées. Les noms sont transmis ensuite par le site consulaire de l’Union européenne (le website COol comme Consular On Line).  C'est aussi par ce réseau, sécurisé, que transitent toutes les informations, hors des réunions de téléconférence.

Le principe de la prise en charge collective

La solidarité a joué à plein. Tous les avions européens ou presque ont pris à leur bord des citoyens d’autres pays de l’UE. « C’est vraiment le développement des dernières années, un avion envoyé par un Etat n'est plus réservé aux nationaux seulement mais peut prendre tous les ressortissants de l’Union européenne qui le veulent », voire ceux d’autres pays qui le demandent. L'Ukraine, par exemple, a demandé l'assistance européenne.

La difficulté pour l'évacuation, les personnes isolées

La phase d’évacuation des citoyens, proprement dite, se termine. Vendredi (25 février), 1600 personnes ont été évacuées, Lundi, il restait moins de 700 personnes à évacuer. Et 650 (souvent des binationaux) qui ne voulaient pas être évacuées. « Si le nombre de personnes à évacuer diminue, ce n’est pas automatiquement plus facile » estime les spécialistes de la question. « Nous avons des personnes isolées, qu’il faut regrouper, amener ensuite dans lieu où on peut ensuite les évacuer. Le tout dans des conditions de sécurité hasardeuses. Le trajet pour aller à l’aéroport peut être risqué. Il aussi arriver à joindre les personnes pour qu’elles soient à l’endroit donné, au temps T ».

Sur un des écrans de la cellule, le dispositif des Européens évacuées © NGV / Bruxelles2

Phase d'évacuation quasi-terminée, nouvelle mission en vue

Maintenant, commence la phase humanitaire proprement dite. Et la MIC pourrait être mobilisée à nouveau, cette fois dans l'autre sens. Deux problèmes principaux se posent.

Tout d'abord, l'assistance aux personnes déplacées aux frontières de la Libye, en Egypte mais, surtout, en Tunisie. C'est là où la situation est la "plus critique", a reconnu Pierre Vimont, le secrétaire général du service diplomatique, mardi, devant le Parlement européen. "Il manque de moyens et d'équipements". Des structures provisoires d'accueil, type camps de réfugiés doivent être mises en place. Mais il y a aussi des personnes qu'il va falloir rapatrier dans leur pays. Pour plusieurs milliers de travailleurs africains, notamment, qui n'ont pas de moyens d'évacuation, la situation est particulièrement critique. Deux agents d’ECHO – l’Office humanitaire d’aide humanitaire sont déjà sur place – en mission d’évaluation, l'un en Egypte, l'autre en Tunisie.

Ensuite, il y a les besoins à l'intérieur de la Libye même, notamment dans les zones "libérées", à Benghazi ou ailleurs. Où il n'est pas toujours facile à des avions de ligne commerciale de se poser. Les besoins exacts sont encore à évaluer. Le problème est de cerner les besoins et surtout d'avoir des interlocuteurs. Plusieurs diplomates européens ont été chargés d'identifier ces interlocuteurs et d'établir des contacts. Coté humanitaire, comme l'a confirmé le porte-parole de la commissaire chargé de l'aide humanitaire, mardi, devant la presse : « nous cherchons à entrer en Libye pour évaluer les besoins en interne. Nous avons étudié l'assistance par des sociétés gardes privés armés. Mais nous ne le souhaitons pas. Nous cherchons actuellement la structure ad hoc avec laquelle entrer ».

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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