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La capture du Beluga Nomination par les pirates tourne mal (maj)

(B2) La capture du cargo allemand MV Beluga Nomination par les pirates, samedi 22 janvier (lundi 24 selon les forces multinationales), à un peu moins de 400 miles au nord est des Seychelles (1° Nord, 56° Est), connait une suite à la fois mouvementée selon les informations en notre possession. A bord se trouvait un équipage de 12 hommes : 1 Polonais (capitaine), 2 Ukrainiens, 2 Russes et 7 Philippins.

La "citadelle" n'est pas imprenable

Ceux-ci se sont enfermés dans une pièce sécurisée du navire (la "citadelle"). Mais cela n'a pas suffi apparemment. Puisque les pirates ont réussi à en forcer l'entrée, apparemment au bout de deux jours. Désormais au fait de ce procédé de défense, les pirates se sont, en effet, équipés et munis de dispositifs d'ouverture de portes, voire d'explosifs, ils n'hésitent plus désormais à en forcer l'entrée pour s'emparer de l'équipage.

Tentative ratée de reprise du navire

Aussitôt l'attaque connue, plusieurs navires ont convergé vers le lieu de l'incident : notamment, le navire danois Esbern Snare (de l'opération de l'OTAN Ocean Shield) et, semble-t-il un bateau des gardes-côtes des Seychelles, assistés dans les airs par des avions de patrouille maritime (dont un sans doute des Seychelles). C'était mercredi. « Le capitaine du MV Beluga Nomination a demandé à l'Esbern Snare de rester à distance pour éviter l'augmentation de la tension à bord » indique le QG anti-piraterie de l'OTAN.

Un pirate tué, un marin également

Mais les forces en présence ne sont pas restées inactives. Les forces seychelloises sont passées à l'assaut, mercredi. Des coups de feux ont été échangés. Echanges mortels. Selon l''armateur Niels Stolberg, qui s'est exprimé dans le journal de Brême, Weser-Kurier, samedi matin, le navire danois de l'OTAN et le navire des Seychelles ont, de concert, ouvert le feu, dans une tentative de reprendre le navire. Tentative qui a échoué. Durant cet échange, « un pirate a été tué ». « A titre de représailles, indique-t-il, un marin a ensuite été abattu ».

Une conversation entre le team d'urgence de l'armateur et le capitaine du Beluga a confirmé cette issue dramatique, sans préciser la nationalité du marin atteint. Il ne s'agit donc pas du capitaine (polonais) nous a confirmé directement l'armateur (*)

Échanges de feux ni confirmés ni infirmés côté seychellois

Les autorités des Seychelles que B2 a contactées ne confirment pas toute la séquence. « Les gardes-côtes seychellois ont bien poursuivi le navire jusqu'à être près de la Somalie. Mais ils sont retournés. Car le fuel commençait à être à un niveau limite et les conditions en mer très difficiles. C'est un navire de l'OTAN qui a pris ensuite le relais. » Les échanges de feux ne sont donc pas confirmés, ni infirmés. Seule certitude « aucun garde-côte n'a été blessé ». (*)

Des marins sautent à l'eau

Plusieurs marins ont profité de l'assaut pour sauter à l'eau. Tandis qu'un autre catapultait le canot de sauvetage, situé à l'arrière du navire. Évasion confirmée par les forces multinationales. « Deux jours après, l'équipage du MV Beluga Nomination s'est rebellé. Et plusieurs marins ont tenté de fuir dans un des navires de survie » a indiqué, vendredi, le QG anti-piraterie de l'OTAN.

Deux marins récupérés sains et saufs Deux autres disparus

Des recherches ont été entamées par deux avions de patrouille : un avion espagnol et un avion américain. Le bateau de survie a été localisé. Et « à quatre heures de l'après-midi (vendredi), deux marins ont été récupérés sains et saufs » et hissés à bord du navire danois HDMS Esbern Snare ». Un Ukrainien (le numéro 2 du navire) et un Philippin, selon la presse ukrainienne. Les deux autres marins qui se sont échappés dans le même temps sont toujours portés disparus. Information confirmée par l'armateur du navire que j'ai pu joindre. (*)

Navire de secours pour les pirates

Le lendemain, un autre navire ravitailleur pirate le York, un tanker GPL capturé par les pirates fin octobre, est venu au secours du "Beluga Nomination". Mes confrères du Spiegel parlent d'une panne moteur. Je penche personnellement davantage pour une "action de protection". À l'instar d'autres opérations, les pirates n'hésitent pas à utiliser une de leurs prises, ayant un potentiel de risque important, pour à la fois ravitailler, secourir les pirates en position instable, mais aussi et surtout assurer une protection dissuasive. En présence d'un tanker, il est certain que les forces multinationales n'oseront prendre une position offensive ou même procéder à des échanges de feux. Les pirates le savent et usent désormais de ce procédé. Les deux navires ont ainsi pu prendre de concert le chemin de la Somalie.

Polémique en Allemagne

Le Mv Beluga Nomination était bien enregistré dans le registre européen pour l'Océan indien MSCHOA et signalé à son équivalent britannique (UKMTO). Certaines des prescriptions de sécurité, comme la possibilité pour l'équipage de se réfugier dans la citadelle, ont été respectées. Et l'armateur a accusé les forces multinationales de n'être pas intervenus, relayé par la presse allemande. "Pourquoi alors que l'équipage, qui est resté confiné deux jours et demi dans la citadelle", n'a-t-il pas reçu d'aide extérieure s'est exclamé tout de suite l'armateur Niels Stolberg. Les armateurs allemands sont d'autant plus furieux que c'est le troisième navire à être capturé par les pirates depuis deux ans : le BBC d'abord, le Beluga Fortune ensuite.

Les navires d'Atalanta pas sur zone

Le QG européen anti-piraterie "Atalanta" a réagi (ce qui est relativement rare) rappelant que l'usage de certaines mesures comme la "citadelle" ne "garantit pas une action militaire". Et que "le plus proche navire d'EuNavfor était à 1000 miles de là, en train d'escorter un navire du Programme alimentaire mondial (PAM)".

Un armateur mécontent

L'armateur n'en démord cependant pas. Il a donné plusieurs interviews à la presse allemande, estimant que le gouvernement fédéral « n'en fait pas assez ». Dans le Bild, dimanche, il se plaint aussi du comportement des forces navales. « La communication avec les institutions dont nous espérons le soutien est un désastre. Comment se fait-il que nous apprenons qu'il y a eu un combat par un communiqué de presse de l'OTAN. Pourquoi ne pas prévenir l'armateur directement ? » explique-t-il. (*)

Un bilan dramatique

Le bilan de cette opération ratée est donc dramatique : deux tués (un pirate, un marin), deux marins disparus. Il reste aussi sept marins otages des pirates. Le navire serait désormais ancré au large d'Harardare (Somalie). Aucune demande de rançon n'a, officiellement, été exprimée (*)

(Nicolas Gros-Verheyde)

(*) Mis à jour Samedi 23h, Dimanche 20h et 22h.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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