B2 Le Blog de l'Europe géopolitique. Actualités. Réflexions. Reportages

Actu BlogDéfense nationale

Sous la contrainte budgétaire, l’armée hongroise réfléchit à son avenir

(B2/ à Budapest) Alors que la Hongrie prend la présidence de l'Union européenne, les responsables de sa défense réfléchissent au futur de l'armée hongroise. A l'aune des restrictions budgétaires, plus que jamais, la priorité des priorités semble être de pouvoir conserver une certaine dimension opérationnelle aux forces armées. Donc d'opérer des révisions drastiques de stratégie.

Selon un document du ministère dont j'ai eu communication, il semble ainsi impossible de tergiverser. Les ambitions de l'armée d'un "petit" pays comme la Hongrie ne peuvent plus être globales. L'heure est à la spécialisation, à la recherche de complémentarités et de mutualisations avec les pays européens, notamment des "petites nations", qui partagent les mêmes préoccupations. Une réflexion qui s'inscrit pleinement dans la philosophie dégagée par le récent papier germano-suédois et le travail de l'agence européenne de défense.

La transformation complète en 20 ans vers une armée professionnelle

L'armée hongroise a subi une complète transformation ces vingt dernières années, depuis la fin de la période communiste. En 1990, c'était une armée de conscription, comprenant environ 125.000 personnes. Aujourd'hui c'est une force plus professionnelle, d'environ 25.000 personnes. La décrue a été marquée par plusieurs étapes : le processus d'adhésion à l'OTAN, devenu effectif en 1999. L'armée compte alors 52.000 personnes. C'est l'heure de la révision stratégique de 1999. Nouvelle révision en 2002. Les effectifs passent à 37.000. En novembre 2004, le principe de l'armée professionnelle est adopté. L'armée compte alors 31.000 personnes. Une dernière révision a eu lieu en 2006.

Pour Gabor Szarka, chef du cabinet du Ministre de la Défense, le point de départ de cette transformation a été d'introduire une culture militaire différente. Les critères de l'OTAN comme les attentes sociales, "l'adéquation à la politique intérieure et étrangère" du pays (autrement dit le changement de "bloc" stratégique de la Hongrie) ont accompagné ce changement. La nouvelle culture a consisté à une augmentation "radicale" des professionnels, l'augmentation du temps passé dans les missions internationales, une plus grande importance donnée à la connaissance des langues étrangères et aux exercices physiques pour la progression de carrière. Mais cela ne va pas sans inconvénients. « Le mécanisme du système basé sur le volontariat est soumis à des tensions. L'intégration sociale en termes de compétitivité sur le marché du travail n'est pas "consolidé". L'organisation des forces est soumis à des déficits, plus ou moins grands. L'instauration d'une force de réserve a jusqu'à présent été négligée.... ». Mais c'est surtout la question économique qui semble être la majeure préoccupation, aujourd'hui, des responsables hongrois de la Défense.

Une armée professionnelle, performante : c'est "cher"

Or, comme le résume Gabor Szarka, "avoir une petite force pleinement professionnelle n'est pas la chose la moins chère". Si les militaires deviennent plus diplômés, mieux éduqués, cela se paie en général par des salaires plus élevés. Ce n'est pas seulement le développement de la force mais aussi la réduction de sa taille qui est couteuse. La "modernisation des armes et des équipements ajoute des coûts supplémentaires". Au surplus, "garder les missions internationales actuelles est très couteux", et pourrait l'être encore plus dans le futur. La Hongrie ambitionne d'avoir une capacité "expéditionnaire" de 2000 hommes.

Pour maintenir une certaine crédibilité, il faut une armée plus flexible, plus multifonctionnelle, plus modulaire. Il faut également veiller à ne pas perdre trop de professionnels en chemin, qui s'en vont vers d'autres horizon. En faisant cela, on perd "également beaucoup d'expérience".

Un budget sous la contrainte

Parallèlement, la transition économique du pays vers une économie de marché a "limité les moyens financiers des forces armées" reconnait-on au ministère de la Défense. Le budget actuel atteint aujourd'hui 1,17% du PIB (soit environ 1,5 milliard $, ce qui est loin de l'objectif de 2% fixé par l'OTAN). Ces dernières années, il n'a pas cru de manière significative. La volonté du gouvernement actuel (Fidesz) est de "l'augmenter, étape par étape, au cours de cette législature".

Comme beaucoup d'autres pays, la part des dépenses de personnel (plus de 40% de ces dépenses) est trop importante. Tandis que la part consacrée aux missions internationales n'est pas négligeable : 10% des dépenses. Il s'agit également de trouver un "mécanisme qui permettrait de d'allouer les ressources disponibles de manière plus efficace".

La solution hongroise : réduction d'ambition, spécialisation et mutualisation

Parmi les pistes d'économies, le ministère hongrois de la défense veut "repenser" le ratio officiers/soldats ainsi que la composition interne des groupes de grades. Il compte aussi mettre en place un dispositif de surveillance constante des mécanismes de dépenses. Au niveau national, l'établissement d'une réserve fonctionnelle est aussi nécessaire. Sans cela, les "forces armées ne pourront pas remplir toutes leurs obligations" (voir article sur les Réserves). Enfin, les militaires comptent également sur la reprise économique pour donner un peu d'air au budget de la défense.

Cela ne suffira pas. Il faut donc raison garder. Au lieu de développer une "force à multiples objectifs, de tous temps, et tous théâtres", les forces devraient se spécialiser. Cette spécialisation doit aller de pair avec les leçons des déficits actuels en personnel. La Hongrie ne peut se permettre de "maintenir une force militaire avec un plein rang de capacités". Le système futur passera par le "développement de capacités mutuelles entre les petites nations".

NB : On peut penser que ce rapprochement pourrait se faire d'abord avec des pays voisins comme l'Autriche ou la Slovaquie, qui partagent une histoire commune, voire la Finlande ou la Belgique qui sont de taille comparable.

Si cette initiative voyait le jour et se traduisait concrètement, on aurait ainsi au niveau européen plusieurs cercles de coopération. L'un formé par les deux puissances de premier plan au niveau militaire (France et Royaume-Uni) ; l'autre formé par les puissances "moyennes" (Allemagne, Suède, Pologne...). Enfin, une ou plusieurs initiatives des plus petites pays. Les interconnexions et chevauchements/synergies entre ces différentes initiatives n'étant pas interdits.

NB : Sur les 25.000 personnel d'aujourd'hui que comporte le ministère de la Défense, les officiers constituent 20% de la force (5270), les sous officiers 30% (7350), les soldats conscrits 25% (6220, un chiffre en nette diminution depuis 2002). Les civils constituent le reste, un peu plus que 25% (7180, un chiffre relativement stable depuis 2002).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®