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La boite email d’une eurodéputée de la sous-commission défense piratée ?

La boite mail de l'eurodéputée socialiste portugaise, membre active de la sous-commission Défense du parlement européen, Ana Maria Gomes, aurait été piratée. Ce fait a été confirmé par l'intéressée elle-même. « Nous travaillons actuellement avec les informaticiens du Parlement pour voir ce qui s'est passé. » Pour Ana Maria Gomes, ce piratage pourrait « être lié à la plainte déposée à la Commission européenne sur un marché passé par le gouvernement portugais pour l'achat de sous-marins ».

Une affaire d'achat pour les sous-marins...

L'eurodéputée a, en effet, déposé le 20 décembre dernier une plainte formelle à la Commission européenne pour la décision d'achat prise par le gouvernement portugais de deux sous-marins au consortium allemand GSC. C'est particulièrement le ministre de la Défense qui est visé en tant que responsable des contrats d'acquisitions et des contrats d'offset.

L'histoire remonte déjà à quelques années. Le gouvernement du Premier ministre (socialiste) Guterres qui avait pris la décision d'acheter trois sous-marins en 1997. Un appel d'offres international est ouvert en 1999. Mais c'est le gouvernement du Premier ministre de centre-droit, José-Manuel Barroso, qui finalise l'achat. Il réduit la commande à deux sous-marins (*). Et, en 2004, au terme du stade final de la compétition, où figure le Français Armaris (DCN/Thales), c'est le consortium allemand GSC / TKMS qui est choisi. Consortium formé par trois sociétés allemandes : Howaldtswerke Deutsche Werft (HDW), Nordseewerk (groupe Thyssen), MAN Ferrostaal.

Un manquement aux règles européennes dénonce l'eurodéputée

Si le coût du contrat est initialement de 769 millions, il monte vite au-delà, à 833 millions d'euros, soit 64 millions de plus. Somme qui devait être intégralement compensée par une clause "offset" prévoyant l'ouverture de marchés pour les entreprises portugaises en Allemagne et des transferts de technologie des entreprises allemandes vers les entreprises portugaises.

L'eurodéputée soupçonne que ces dispositions cachent un cas de reversement à un parti politique, celui du ministre de la Défense de l'époque, le CDS-PP de Paulo Porta. Plusieurs enquêtes judiciaires et de la Cour des comptes ont mis en évidence, selon elle, des défaillances graves. Il semble ainsi que la gestion des offsets ait été assez fictive. L'intermédiaire chargé de gérer les Offset, le Britannique Escom "a reçu 30 millions d'euros". Mais les résultats ne semblent pas à la hauteur. "Début 2010, seuls 25% des offsets prévus avaient été réalisés" alors que le contrat prévoyait une date butoir à 2012 pour sa pleine réalisation.

Dans sa plainte à la Commission européenne, l'eurodéputée souligne que le Portugal ne peut soulever l'exception prévue par le Traité européen, la sauvegarde d'intérêts nationaux, pour échapper aux règles européennes de marchés publics. Elle estime qu'il y a donc manquement aux règles européennes et de poursuivre le Portugal.

Un sujet délicat pour la Commission européenne. Tout d'abord, les faits sont anciens. Ensuite la pratique des offsets et commissions à des intermédiaires est (était) plutôt courante dans nombre de marchés de défense. Enfin, le gouvernement de l'époque était dirigée par l'actuel président de la Commission européenne, portugais lui aussi, mais d'un autre bord politique qu'Ana Gomes. D'un autre coté, la saisine de la Commission européenne par une plainte, formelle, d'un eurodéputée est rarissime. Et son argumentation appuyée par de nombreux documents.

(*) Les deux sous marins 209PN commandés à l'Allemand TKMS peuvent plonger à 180 mètres, ont une autonomie de 7 jours, et sont servis par un équipage de 43 personnes (32 marins et 11 plongeurs des opérations spéciales). Le premier, le Tridente, est opérationnel depuis septembre 2010. Le second, l'Arpão, est prévu pour l'être au premier trimestre 2011.

Lire également : Les sous-marins portugais buttent sur un écueil... judiciaire

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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