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Feux de forêts en Israël : premières leçons sur l’intervention internationale

(Analyse) Face aux feux de forêts ravagent le Mont Carmel en Israêl, on peut déjà tirer quelques premières leçons sur l'intervention internationale.

Hélicoptère britannique engagé sur les feux de forêts en Israel (crédit : forces armées israéliennes / Bruxelles2)

Sur le plan de la réaction européenne

L'Europe en première ligne

Lors du séisme en Haiti il y a près d'un an, on avait souvent mis en avant la puissance de feu américaine par rapport à faiblesse européenne. Faiblesse toute relative dans l'intervention et due pour une bonne part à l'éloignement du continent européen. Avec les feux de forêt en Israél, le critère de proximité est inversé. Et ce sont les Européens qui sont en première ligne et ont répondu le plus rapidement à l'appel. L'unité de protection civile a très rapidement répercuté l'appel. Et quelques heures seulement après l'appel à l'aide, les moyens grecs, chypriotes, britanniques étaient sur place. Malgré les nombreux liens politiques et de population entre Etats-Unis et Israel, les moyens américains ont été importants certes mais plutôt tardifs, et peu remarqués, par rapport aux moyens européens, turcs et russes.

Les pays "riches" en retard

En Europe, ce sont les pays les "moins riches" (Grèce, Bulgarie, Chypre) qui sont intervenus en premier. Et, pour la Grèce, en proie jusqu'à peu à la spéculation internationale, animée notamment de la City de Londres et des banques américaines, le signe est encore plus notable. L'assistance de l'Allemagne et du Royaume-Uni sont restées, en revanche, symboliques.

Le facteur européen "groupé" joue

Le dispositif européen de protection civile, basé sur le volontariat, fonctionne. La récente communication de K. Georgieva (1) comme la nomination d'un Monsieur "réponse de crises" au service diplomatique (2), vont dans le bon sens, en renforçant certains aspects qui font encore défaut aujourd'hui. il est plus remarqué à l'extérieur de l'UE qu'à l'intérieur. Phénomène classique en matière de relations extérieures. Où l'habitant européen (et encore plus ses responsables politiques) ressentent moins l'Europe que l'étranger. Dans de nombreux médias israéliens, si l'aide des pays individuellement a été remarquée, on a aussi mis en avant le facteur "Union européenne". Il manque encore cependant certains éléments.

La visibilité européenne toujours parent pauvre

Si les moyens européens sont déployés, la communication et la visibilité restent, en effet, le parent pauvre. Le programme de télévision EBS de la Commission européenne reste désespérement vide sur ce sujet. La plupart des images disponibles ont été fournies non par l'Union européenne mais ... par l'armée israélienne. Point de photos disponibles également. Et aucun "siglage" des moyens et hommes envoyés n'existait de façon préalable. Heureusement, plusieurs avions avaient participé à des opérations européennes. Et on a ainsi vu sur les images les logos ... de "Eufor RD Congo" sur le  C-130 grec ! (voir ici).

Le civilo-militaire réactif

La vieille discussion entre moyens civils et militaires parait désuète face aux faits, surtout en matière de protection civile projetée à l'étranger. On peut observer ainsi que la plupart des moyens quand ils ne venaient pas des sapeurs pompiers ou des ministères de l'intérieur ont été fournies par les forces armées. Question de ressources oblige. C'est ainsi le cas d'un des avions grecs ou des hélicoptères britanniques, sans compter le statut hybride de nombreuses forces de sécurité civile (comme en France ou en Italie).

Le risque de sécurité extérieure
ne doit pas faire oublier la puissance de Dame Nature

Le secours c'est aussi de la politique.

On l'avait déjà constaté dans le passé. Mais, ici, face aux incendies en Israël, tout télégramme de condoléances ou proposition d'assistance, toute acceptation de secours est un signe notable. L'élément le plus visible est l'aide de la Turquie qui a été très rapidement et chaleureusement acceptée, très officiellement par le Premier ministre Netanyahu. Il est donc primordial pour l'Europe de considérer cet instrument non seulement comme une assistance charitable mais comme un outil politique de premier plan, où la visibilité du geste est aussi important que le geste.

En Israel, le danger des oeillères en matière de sécurité

On ne peut qu'être étonné devant les défaillances et l'impréparation de l'Etat hébreu face à de semblables catastrophes, assez communes somme toute. Quoi de plus banal qu'un feu de forêt ! A force de rester rivé sur le risque extérieur, d'intensité supérieure (invasion ou terrorisme), il en a négligé le risque faible et un "ennemi de l'intérieur", autant sournois, invisible qu'implacable : les forces naturelles (le feu et le vent...). Pas d'avion anti-incendie, des camions pompiers vétustes, des forces en sous-effectif (1500 hommes opérationnels là où il en faudrait près de 7.000 selon le ratio européen pompier/risque/population), etc.  Peu importe, d'ailleurs, si l'origine est totalement naturelle (la négligence dans l'entretien des forêts) ou humaine, le fait qu'un Etat n'ait pas les moyens de répondre à une catastrophe de cette ampleur l'affaiblit et le désorganise. Avec comme résultat : une armée obligée de suppléer les défaillances du civil, des bases militaires devant être évacuées.

En Europe, une exigence de solidarité

Le risque similaire n'existe pas en Europe, me direz-vous, avec des forces de sécurité civile, plus formées et mieux dotées. Il faut se méfier de tout optimisme. La crise budgétaire actuelle va faire des ravages dans certains pays, diminuant les moyens, tant en hommes qu'en équipements. Car elle n'est pas momentanée mais va laisser des traces importantes. Rapidement, certains moyens vont manquer, ce qui est déjà le cas pour certains risques ou certaines régions. On l'a constaté récemment dans certaines catastrophes (inondations, feux de forêts, risques chimiques) qui ont frappé plusieurs pays d'Europe de l'Est ou du sud ces derniers mois. Un Etat, faiblement doté, ne pourra renouveler ou maintenir en état des équipements qui seront couteuses et ne pourront servir que dans peu d'occasions. Et l'exigence de solidarité européenne, demain, en matière de protection civile, sera donc plus forte qu'aujourd'hui. Si les responsables politiques ne prennent pas la mesure de ces lacunes opérationnelles, ils risquent d'être mis en cause, comme le sont aujourd'hui les responsables israéliens.

Sur l'intervention de l'OTAN, lire ici

Lire également :

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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