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Ashton pas là à Majorque: regret, indifférence, amertume…


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(BRUXELLES2 / A Palma de Majorque) Face à l'absence de Catherine Ashton, la Haute représentante de l'UE, certains ministres jouent l'indifférence. « Nous aurons d'autres occasions de parler avec la Haute représentante » me précise Christian Schmidt, le secrétaire d'Etat parlementaire allemand à la Défense. « Et nous allons pouvoir échanger avec le secrétaire général de l'OTAN », qui est là, ajoute-t-il sans ironie aucune.

D'autres n'y vont pas avec le dos de la cuillère, comme le secrétaire d'Etat néerlandais, Jack De Vries, qui envoie un petit mot sur Tweeter, entre deux réunions, disant tout haut ce que tous pensent tout bas : « We hebben nu dan wel een EU-president en Hoge Vertegenwoordiger, maar die, mw. Ashton, schittert door afwezigheid. Solana was er altijd » (nous avons bien maintenant un président de l'UE et un Haut représentant. Mais madame Ashton a brillé par son absence. Solana (lui) était toujours là). Le ton est donné !

Les Espagnols regrettent. La présidence espagnole était amère et n'a pu s'empêcher de la faire savoir. Carme Chacon a ainsi, devant ses homologues, « regretté l'absence de la Haute représentante au moment de la mise en oeuvre du Traité de Lisbonne ». Et sur le document de présentation de l'informelle, la présidence a bien pris soin de rajouter que le «secrétaire général de l'Alliance Atlantique, Anders Fogh Rasmussen, est attendu à la séance de travail ». La présidence espagnole a tout tenté, jusqu'à mettre à sa disposition un avion de Madrid à Palma de Majorque. Même si le directeur général du ministère, Luis Cuesta, tente de dissiper le différend — « Nous avons préparé cette réunion en étroite coordination avec la Baroness Ashton. Et nous comprenons les raisons pour lesquelles elle n'est pas là » —... le mal est fait !
Cette absence de la Haute représentante, ou plutôt le refus d'être présent, sonne comme une gifle pour les Ibères.

Les Européens orphelins. Dans les rangs des officiels européens, les visages sont légèrement crispés, même s'ils n'en paraissent rien. On sent un petit peu d'abandon, comme un sentiment d'orphelins. Pour l'UE - et pour la Commission européenne - qui a toujours défendu d'être présent à la table des ministres -, cela ressemble aussi à une sévère gifle. 
Comme l'a résumé, en séance, le ministre Bulgare de la Défense, Anyu Angelov : c'est « dommage » ! Au point que la ministre britannique, la Baroness Ann Taylor de Bolton, s'est sentie obligée de
monter au créneau, à son tour, espérant
(perfidie suprême) que la Haute représentante pourra au conseil (jumbo affaires étrangères / défense) de fin avril (à Luxembourg), donner son rapport sur le service extérieur...

Une attitude totalement incompréhensible. Pour essayer de comprendre cette absence, on peut avancer plusieurs explications. Je passe sur l'agenda : assister à l'intronisation d'un dirigeant ukrainien, qui n'est pas le plus parfait des démocrates, qui sera de surcroît reçu à la Commission européenne lundi
est tout sauf une bonne excuse. D'autant que la politique de voisinage ne tombe pas dans l'escarcelle du Haut représentant, stricto sensu. D'autres raisons peuvent être avancées, plus personnelle ou plus politique :
1) volonté de revanche sur la présidence espagnole,
2) souci de marquer son territoire et son indépendance par rapport aux Etats membres,
3) manque de vision politique,
4) prisme personnel considérant que la diplomatie est plus importante que la politique de défense,
5) prisme britannique estimant que l'OTAN suffit pour la politique de défense européenne et qu'il n'y a pas nécessité d'avoir une politique de défense commune de l'UE, etc... Aucune n'est franchement satisfaisante. Je dois l'avouer.

Il est un fait avéré : en ne venant pas, politiquement, diplomatiquement, professionnellement, la Haute représentante a marqué un but contre son camp, contre une meilleure coordination des politiques européennes, dont c'est justement le thème ce jeudi !

(crédit photo : présidence espagnole de l'UE)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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