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Pas de budget 2011 : le service diplomatique touché, mais pas coulé !

David O'Sullivan, le Chief Operating Officer (secrétaire général administratif) du service diplomatique de l'UE, va pouvoir s'arracher les derniers cheveux qui lui restent sur le crâne. Le refus de quelques Etats membres, le "club des radins" (le Royaume-Uni, les Pays-Bas, la Suède), d'approuver le budget 2011, va lui causer quelques "soucis" dans les semaines à venir.

Ministres et députés n'ont en effet pas pu s'entendre, en conciliation, sur un budget 2011, en hausse légère (+2,9% contre plus 6% proposé par la Commission européenne au départ) et surtout sur les conditions annexes (procédure, marge de flexibilité, révision des perspectives budgétaires...) exigées par le Parlement européen. Comme le traité de Lisbonne le prévoit, la procédure budgétaire doit être approuvé de façon stricte dans le délai. Et la Commission doit, désormais, reprendre le travail à zéro. Comment cela va se passer ? Et sur quelle base de proposition repartir ? Nul ne le sait concrètement (1).

Mais les "experts travaillent". Le commissaire européen au budget, Janusz Lewandowski, est sur la brèche également, "en réunion permanente" nous assure-t-on. Ce qui semble probable, c'est qu'il n'y aura pas d'accord avant le 31 décembre. Et dans ce cas, on sera tenu de passer à l'exécution par douzième provisoire. Précisément, on prend le budget 2010, on divise par 12. Et, chaque mois, chaque institution reçoit cette quote-part pour gérer ses programmes, selon le même découpage qu'en 2010. Autant dire ... "Pas facile, facile" comme le concède un spécialiste budgétaire.

Des difficultés au quotidien

Certes, cette "non-décision" ne va pas condamner le Service diplomatique à l'inaction, comme on a pu l'écrire rapidement. Non. Mais il va singulièrement compliquer l'existence et le fonctionnement au moins pour les prochains mois. Ce n'est pas tant une question de trouver les ressources nécessaires d'ailleurs mais des difficultés au quotidien. D'un point de vue comptable, le service diplomatique devra continuer à gérer deux budgets : l'un au Conseil, l'autre à la Commission, sans possibilité de faire évoluer l'état des lieux au sein d'une ligne budgétaire unique - comme dans toute administration. Donc d'opérer des choix et des regroupements. Car le service diplomatique est avant toute chose une grosse restructuration et réorganisation des services plutôt que la création ex nihilo d'une nouvelle institution. Par exemple, comment fusionner des postes de fonctionnaires dont l'un est payé par le Conseil et la Commission. Et comment faire de la prévision sur plusieurs mois, quand votre budget ne vous est avancé que tous les mois ? Difficile.

Recrutements et déménagement ralentis ?

De même, les recrutements prévus, de 118 nouvelles personnes, ne vont pas s'arrêter. Mais ils sont "condamnés à se faire au compte goutte" reconnait-on dans l'entourage de Cathy Ashton. La Haute représentante avait obtenu une augmentation de son budget de 9,5 millions d'euros pour les premiers recrutements en 2010. Pour la suite des recrutements, sur une année pleine, elle devait disposer d'un peu plus de 33 millions d'euros. Il manque donc environ 23 millions d'euros (sur un budget global de près de 500 millions d'euros). Ce n'est pas énorme. Mais il va donc falloir attendre un peu pour procéder à tous les recrutements envisagés. Idem pour le déménagement dans le nouveau bâtiment du service diplomatique (prévu à l'horizon du printemps). Louer ce bâtiment ne devrait pas poser de problème. Dans la négociation avec Axa, a été prévue une franchise de deux ans de location - autrement dit gratis durant deux ans, à condition de payer ensuite les mois manquants -. Le problème concerne plutôt à l'aménagement des locaux, la sécurité... Un peu plus de 3 millions d'euros sont manquants. Il va falloir les trouver ailleurs...

Certains Etats membres pas à la fête

Le service diplomatique pourrait cependant ne pas être le seul à trinquer... Les Etats membres aussi. C'est le paradoxe de la situation. Selon les informations recueillies, par exemple, les paiements directs agricoles sont généralement remboursés aux Etats membres, en grande partie (80%), en janvier. Avec le système des 1/12e provisoires, impossible. Et des Etats agricoles comme la France, l'Italie, l'Espagne, le Portugal, la Roumanie... vont devoir vivre, un peu plus, à crédit. Idem en cas de catastrophe naturelle ou de gros licenciements économiques, les Fonds de Solidarité et le Fonds de Mondialisation qui fonctionnent par budget spécial rectificatif à chaque catastrophe (naturelle ou sociale) vont être soumis à rude épreuve. La Commission européenne pourrait donc faire traîner ces dossiers... Quant au programme Iter (recherche nucléaire), il n'aura pas l'augmentation prévue. Et tant pis pour le Royaume-Uni qui souhaitait le développer ! Etc.

(1) L'article 314.8 du Traité ne prévoit qu'une chose. En cas d'échec de la conciliation, la Commission européenne doit faire une nouvelle proposition. Comment et selon quelle procédure cette nouvelle proposition est faite, rien n'est mentionné. On peut imaginer que, selon le principe de parallélisme des procédures, on refasse exactement la même procédure. Mais rien n'interdit de procéder autrement... Si les deux branches de l'autorité budgétaire (Parlement européen et Conseil des Ministres de l'UE) sont d'accord, cela peut aller assez vite. De là à tout boucler d'ici le Nouvel an, cela parait "dur" cependant, avoue un expert du dossier.

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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