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Affaire Jeleva: chercher une fin “honorable” à la crise

(BRUXELLES2) Rumiana Jeleva, la commissaire bulgare, pressentie pour prendre en charge l'Aide humanitaire et la réponse de crises continue d'être sur la sellette. La question ne semble plus être de savoir si elle part. Mais comment elle part et en compagnie de qui ? Même si la Commission Barroso II paraît assurée de son avenir, la crise est là et mine toutes les discussions.

Retour sur les derniers évènements.

- mardi, immédiatement après l'audition (lire : Jeleva devant le Parlement européen. Bye bye Rumiana ?) Jeleva se réfugie dans un salon VIP où, apparemment, elle s'effondre moralement. En pleurs, elle explique qu'elle arrête tout et démissionne. Joseph Daul, le Français qui préside le PPE, la dissuade.

- mardi - mercredi, les coordinateurs de la commission développement se réunissent pour définir une demande précise : clarification du service juridique sur la valeur de la déclaration d'intérêts, niveau insuffisant de la commissaire

- mercredi, la contre-offensive des Chrétiens-démocrates du PPE se met en place. Tout d'abord, retarder au maximum toute prise de décision. Ensuite, tenter de prendre en otage un socialiste pour permettre un échange ou au moins une sortie honorable. La cible porte d'abord sur Ashton, trop haut, impossible d'autant qu'un avis passable a été donné. Ensuite, les regards se portent sur Sefcovic, le commissaire slovaque, une déclaration plutôt maladroite datant de 2005 sur les Roms et le fait qu'ils profitent du système social slovaque est porté en exergue. Un peu léger. On attend le prochain coup.

Jeudi, la situation s'envenime.

- Les "PPE boys" insistent lourdement sur Maros Sefcovic, envoyant toutes les 3 heures un communiqué de presse. Les S&D répliquent en estimant que plusieurs commissaires n'ont pas réussi leur examen de passage (outre Jeleva, le PPE Algirdas Semeta et le libéral Olli Rehn).

- A Sofia, le gouvernement tergiverse. D'abord il semble y avoir un plan B, Nikolai Mladenov, l'actuel ministre de la Défense, et ancien eurodéputé. « C'est le seul » aurait-il affirmé. Puis le Premier ministre se ravise et réaffirme qu'il n'a qu'un candidat, Jeleva. Mais il confie dans une interview à la télévision nationale que "there is nothing tragic if a commissioner is not endorsed, it is tragic that the previous government failed to construct our highways." !

Au passage, il accuse les socialistes et libéraux du Parlement européen d'en vouloir à la Bulgarie. Réplique des uns et des autres. La tension monte d'un cran supplémentaire : cette fois entre les eurodéputés et le Premier ministre bulgare.

- Cela prend une tournure de pugilat général. Et pour ceux qui ont connu une situation identique, il y a cinq ans, avec l'affaire Buttiglione (lire : Il y a cinq ans ! Trois commissaires recalés), à force de tergiverser, la Commission Barroso II semble prendre le même chemin que la Commission Barroso I.

- Le président du Parlement européen, Jerzy Buzek signe, enfin, la lettre du Parlement à Barroso reprenant certains argumentaires de la Commission développement : 1° Y-a-t-il dans les déclarations de la commissaire bulgare quelque chose de contraire au code de conduite des commissaires ? 2° Barroso est-il d'avis qu'elle a les compétences pour exercer les fonctions de commissaire à l'aide humanitaire et à la réponse de crises ?

- Jeleva n'a toujours pas été confirmée. Et plus les heures passent, plus c'est difficile. Même si un journal européen New Europe a publié une traduction (en anglais) de documents officiels bulgares qui tendent à clarifier la situation. Une deuxième audition de Jeleva pourrait être organisée. Martin Schulz, le leader S&D, explique qu'elle pourrait être "pire que la première".

- Du coté de José-Manuel Barroso, ce n'est pas le fait de maintenir Me Jeleva qui est en question. Mais par qui la remplacer. La proposition bulgare de N. Mladenov a plusieurs inconvénients dont celui d'avoir un homme de plus dans la Commission. Il faut aussi "sauver" la tête au PPE. Et avoir une espèce d'équilibre...

NB : L'avis du service juridique devrait être connu lundi. De même les coordinateurs de la commission développement du Parlement européen, responsables de l'audition de Me Jeleva se réunissent aussi lundi. Ce qui donne un peu plus de temps à la négociation politique.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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