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Rasmussen squatte la réunion de l’UE et règle le problème turco-chypriote!

RasmussenPalma-1838acNgv.jpg (BRUXELLES2 / Palma de Majorque) Anders Fogh Rasmussen a habilement profité de l’absence de la Haute représentante de l’UE pour faire une intervention remarquée en séance et une conférence de
presse en solo. Beau coup médiatique...

Le secrétaire général de l'OTAN semblait y tenir particulièrement puisqu'il n'a pas hésité à faire le pied de grue, pendant au moins 20 minutes, dans un canapé de l'hôtel où se tenait la presse, pour pouvoir accéder à la salle principale de conférence de presse (plutôt que la petite salle réservée aux "délégations"). Ayant planté le drapeau de l'OTAN sur l'estrade (au grand dam des "Européens" présents), il a ainsi donné un brillant cours de géopolitique... pas très loin de la désinformation.

Quand Anders Fogh règle le problème chyprio-turc en deux temps, trois mouvements...

Les propositions de Rasmussen. Anders Fogh Rasmussen a, surtout, insisté sur la nécessité de briser le blocage qui existe entre les deux organisations. Il est « absurde que l'UE et l'Otan soient sur les mêmes théâtres mais ne peuvent conclure un accord de sécurité » a-t-il expliqué devant la presse. Et il a fait « trois propositions pour briser ce blocage » : 1° Un arrangement administratif conclu par l’Agence de défense européenne et Turquie ; 2° L’UE et la Turquie signent un accord de sécurité bilatéral ; 3° Une implication plus active des contributeurs non-UE dans le processus de décisions pour les opérations ». Rasmussen a cité, en exemple, ainsi « l’expérience de l’OTAN en Afghanistan pour associer de façon étroite et très active les pays non-membres à l'opération de l'ISAF ». Et il a souligné « que la Turquie est le deuxième contributeur à l’opération (de l'UE) en Bosnie-Herzégovine ». Bien entendu, a-t-il reconnu, en réponse aux questions des journalistes, « l’aspect politique de la relation UE-OTAN est vraiment sensible. Mais cette sensibilité ne peut être une excuse pour rester plus longtemps comme cela ».

La réaction de Chypre. Le ministre de la Défense chypriote, Costa Papacostas, a manqué de s'étrangler à cette (re)lecture de l'histoire. En séance, il l'a d'ailleurs fait
remarquer : « Nous sommes ouverts à trouver des moyens pratiques de coopération. La meilleure manière de coopérer avec l’OTAN serait un accord politique. Mais l’UE est à 27. Et l'attitude de la Turquie de ne pas reconnaître Chypre est provocatrice et ne permet pas à Chypre de faire autrement (que de bloquer l'accord). » Nous attendons « un geste » a-t-il expliqué. Une attitude soutenue par plusieurs délégations, semble-t-il. (1)

Commentaire : qui bloque qui ? Les propositions de Rasmussen ne sont pas vraiment nouvelles. Et le secrétaire général de l'OTAN connaît parfaitement la dimension de politique internationale du problème. Si Chypre bloque toute relation avec la Turquie, c'est que ce dernier pays non seulement ne reconnaît pas Chypre mais soutient militairement la "république de Chypre Nord" reconnu par aucun Etat (mis à part la Turquie) et y maintient ses forces armées. De fait, il y a occupation illégale d'un territoire par un Etat membre de l'OTAN d'un Etat membre de l'UE. C'est d'ailleurs le seul bout de territoire de l'UE où, est en présente en masse, une force militaire étrangère. Et sur le continent européen "élargi", avec la présence russe en Abkhazie, en Ossétie du sud et en Transnistrie, c'est le cas le plus ancien d'appropriation "illégale" du territoire d'un Etat par un autre (sous le même prétexte d'ailleurs de protection de "ses" coreligionnaires).

(1)Chypre vient de protester auprès de l'ONU contre la violation de son espace aérien (lire)

(crédit photo : Rasmussen à Palma de Majorque lors de la conférence de presse, © NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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