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Hervé Morin relance la bataille du QG européen d’opérations

Hervé Morin face aux journalistes à Marseille (© NGV / Bruxelles2)

(BRUXELLES2) (A Marseille) Intervenant en clôture des universités d’été de la Défense, puis devant les journalistes, le ministre français, Hervé Morin, a reconnu que la construction de l’Europe de la défense était un peu, en panne. « Avec la crise économique, la mise en place des nouvelles structures, la dynamique de la PESD s’est essoufflée. Et je ne suis pas sûr — a-t-il ajouté — que la coopération structurée permanente (CSP) puisse permettre de résoudre ce problème. La CSP doit être un vrai engagement d’avancer, et non l’appartenance à un club sans mettre vraiment de moyens pour avancer. »

Malgré ce constat pessimiste, le Ministre est décidé à relancer l’offensive, notamment sur le quartier général européen. « A la réunion des ministres de la Défense à Gand, je plaiderais à nouveau pour que l’UE se mette, enfin, en ordre de bataille. » Cet ordre de bataille commence pour le ministre français par deux sujets principaux : « un conseil de ministres de la défense propre — et non pas des réunions communes avec les Ministres des affaires étrangères —, et un centre de planification et de conduite des opérations ».

Me Ashton n’a pas écouté…

Sur ce sujet, Hervé Morin n’a pu s’empêcher de pointer du doigt la Haute représentante. « Au début, elle n’était pas convaincue (1). Mais après Haïti, quand elle était venue à l’hôtel de Brienne (siège du ministère français de la Défense) (2) Me Ashton m’avait dit avoir compris l’intérêt d’une structure permanente de commandement et de planification. » Depuis il y a eu les inondations au Pakistan, notamment. Et là… « l’UE a été le figurant muet d’un film dont elle-même et ses Etats-membres ont largement contribué à la production, l’aide européenne représentant 50% de l’effort total. »

Devant les journalistes, le Ministre a précisé sa pensée « Me Ashton doit maintenant prendre ce sujet en main. Il nous faut une structure permanente. Tout simplement car c’est en cohérence avec ce qu’on fait déjà. Nous avons des GT1500 (battlegroup), projetables dans les 10 jours. Comment voulez-vous le faire sans QG permanent ? » Dans l’idée du Ministre, ce QG permanent serait l’amorce du QG d’opération, « pour que l’Europe soit en capacité de réaction rapide », quitte « à compléter cette structure par la suite ».

Une Europe en voie de swisserisation

De manière plus générale, le Ministre a plaidé pour un peu plus d’ambition européenne. « L’absence d’ambition européenne comme la réduction dramatique des budgets européens sont particulièrement préoccupantes. Je me demande parfois si l’Europe n’est pas en train de devenir une Suisse sans prospérité et sans volonté de peser sur les affaires du monde. »

Commentaire : une mesure d’organisation interne

Sur ce sujet, le Traité de Lisbonne a changé la donne, à mon sens. Là où auparavant, l’unanimité était requise car la structure de l’État-Major était sous la direction hiérarchique du Conseil ; aujourd’hui, une mesure d’organisation interne pourrait permettre de passer d’une simple cellule de veille et de planification à un État-Major permanent. Il suffit que la Haute représentante, en tant qu’autorité hiérarchique, décide la création du module « conduite des opérations » aux côtés de celui du module « planification » qui existe déjà. Ce sera un peu passer au forceps. Et il faudra un peu d’audace ou de doigté pour supporter quelques commentaires peu amènes dans les chaumières européennes. Mais c’est possible, selon moi. L’essentiel de la difficulté n’est donc plus juridique mais financier. Comment trouver les moyens humains supplémentaires nécessaires. Rien n’empêcherait alors les Etats volontaires d’envoyer, sous forme d’experts nationaux détachés (END), les effectifs nécessaires. Un QG de commandement ne nécessite pas – hors période de conduite des opérations — une masse de personnel si importante. Et quelques END sur une dizaine d’Etats membres suffirait à constituer le premier embryon nécessaire.

NB : à la décharge de la Baroness, on peut cependant estimer qu'il y a un peu confusion dans le plaidoyer d'Hervé Morin. Quand il cite Haïti ou Pakistan, on se situe davantage dans des situations de gestion de crise, type "protection civile", dossier dont la commissaire Georgieva est saisie. Tandis que le QG d'opérations vise des opérations militaires. A moins qu'Hervé Morin ne milite pour un grand QG de gestion de crise (rassemblant aussi bien les opérations militaires que les missions de protection civiles

Lire :
(1) La vision très british de Catherine Ashton sur la défense européenne
(2) Cathy passe à Paris se rabibocher avec Hervé, entre amis

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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