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Les représentants spéciaux de l’UE dans l’oeil du cyclone

(BRUXELLES2) Le format des représentants spéciaux tels qu'on l'a connu jusqu'ici va être bel et bien revu. Même si du côté de Catherine Ashton, la diplomate en chef de l'UE, on s'attelle à démentir toute velléité de suppression pure et simple. Une remise en ordre s'impose, arrivée du Service diplomatique européen oblige. Il est vrai également que la nouvelle Haute représentante de l'UE pour les Affaires étrangères n'a jamais prisé vraiment ces envoyés et représentants spéciaux de l'UE (1) établis sous la direction de Javier Solana, qui ont acquis un peu trop d'autonomie et qui font un peu trop "ce qu'ils veulent". Leur mandat n'a ainsi été que provisoirement reconduit, jusqu'à fin août normalement (lire : Les représentants spéciaux de l'UE confirmés, provisoirement).

Une remise en ordre

D'ores et déjà, un fait peut être considéré comme acquis : il n'y aura plus - sauf exception - de représentant spécial confiné à un seul pays. La transformation des délégations de la CE en "ambassades de l'UE" va, en effet, propulser les chefs de délégation en "ambassadeurs". Et certains postes de représentants spéciaux pourraient donc être "fusionnés" avec les chefs de délégation. C'est la première piste de travail, déjà appliquée avec l'Afghanistan récemment - où le nouveau représentant spécial, le Lituanien, Vygaudas Usackas, occupe le poste de chef de délégation; et de façon anticipée au Traité de Lisbonne avec le Belge Koen Vervaeke à l'Union africaine et Erwan Foueré en Fyrom (Macédoine). Cette solution pourrait être appliquée à d'autres pays : au Soudan par exemple, voire en Moldavie.

Autre piste de travail : l'intégration des représentants spéciaux au nouveau service diplomatique. Ce qui n'est pas évident car le poste de "Représentant spécial" est la seule fonction de politique étrangère, prévue et organisée par les Traités. Il exerce sous l'autorité du Haut représentant, autrement dit "directement" (2), et ne peut donc être intégrée dans une structure hiérarchique trop contrainte. De plus, cela perdrait tout intérêt à la fonction d'un représentant spécial.

Troisième piste de travail : qui semble avoir la préférence (pour l'instant) de Catherine Ashton serait de rendre à ce poste une fonction plus éminemment politique que diplomatique en faisant venir des personnalités politiques de premier plan.

Ceux qui resteraient, ceux qui partiraient

Concrètement, Catherine Ashton aurait ainsi indiqué aux ambassadeurs de l'UE qu'elle envisageait de revoir trois postes : le Hongrois Kálmán Mizsei en Moldavie (un peu plus tard), le Suédois Peter Semneby dans le sud Caucase, et - plus étonnant - le Belge Marc Otte au Moyen-Orient. D'autres seraient confirmés, comme le poste de représentant spécial pour les Grands lacs ou celui pour l'Asie centrale. Les représentants ayant une double casquette européenne et internationale — l'Autrichien Valentin Inzko en Bosnie-Herzégovine et Pieter Feith au Kosovo — seraient aussi maintenus. Ces postes sont confinés à des Etats mais il est trop compliqué de découpler les deux fonctions, du moins rapidement. Même si certains responsables d'Etats membres l'estiment nécessaire (voir : P. Lellouche : il faut fermer le poste de OHR en Bosnie).

Le retour de Paddy...

Considérée comme "une rumeur", par Catherine Ashton elle-même, l'hypothèse d'un retour de Paddy Ashdown sur la scène européenne et balkanique "ne paraît pas farfelue" selon un diplomate européen. L'ancien envoyé spécial de la communauté internationale en Bosnie-Herzégovine de 2002 à 2006, et également ancien leader des LibDem, ne rêve que de repartir sur le terrain. Et il serait soutenu par le Foreign Office selon le quotidien britannique The Guardian. A défaut d'un poste de représentant spécial en tant que tel, il pourrait obtenir le poste de "conseiller spécial" sur les Balkans. Une manière également très politique pour la Haute représentante de se rapprocher du pouvoir de Londres.

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) L'UE a actuellement 11 représentants spéciaux : Moldavie, Caucase du Sud, Asie centrale et conflit en Géorgie, Afghanistan, Soudan, Grands Lacs, Union Africaine, Kosovo, Fyrom, Bosnie-Herzégovine,  paix au Moyen-Orient. Lire : Les représentants spéciaux de l'UE confirmés, provisoirement

(2) Article 33 : Le Conseil peut, sur proposition du haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, nommer un représentant spécial auquel est conféré un mandat en liaison avec des questions politiques particulières. Le représentant spécial exerce son mandat sous l'autorité du haut représentant.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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