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Une nouvelle Belgique émerge des urnes

(BRUXELLES2) Les bureaux de vote n’étaient pas fermés au plat pays que déjà les premières tendances semblaient claires. Au nord du pays, les autonomistes flamands du NVA sont les grands gagnants des élections. La victoire est nette et sans bavure. Les socialistes s’installent comme la première force dans tout le pays, prenant le relais des Chrétiens-démocrates à qui ce rôle était traditionnellement dévolu. Les deux grands perdants sont le parti libéral et l’extrême-droite. Tandis que les Verts s’installent dans le paysage politique.

Le message paraît donc clair. Les Belges veulent une attention soutenue sur la crise sociale et économique, avec une touche écologique, mais aussi une refonte des structures de l’État, pour éviter ces discussions sempiternelles sur un empilement politique incompréhensible pour le Belge moyen. Au passage, ils sanctionnent celui qui a provoqué la crise
politique, les Libéraux, qui perdent près de 10 points au sud du pays.

Premières leçons du scrutin

• Le NVA cartonne. La victoire est nette et sans bavure.  Il frôle la barre des 30%, est en tête dans la plupart des cantons, voire en majorité absolue dans certains ! Une nette progression pour un parti qui, il y a dix ans, n’existait pas, ou presque. Le parti a pompé des voix partout : à l’extrême-droite, au Vlaams Belang et dans la Liste De Decker, chez les libéraux et les chrétiens-démocrates. Moins xénophobe que le premier, moins libéral que le second, moins feutré que le troisième, son populisme a paru plus présentable à nombre de Flamands qui veulent un changement de la structure de l’État. Mais pas automatiquement la fin de la Belgique comme le phantasme une partie de la presse française. Fait notable, dans la politique belge, le NVA est républicain. Il milite, à terme, pour une limitation de la place du Roi, voire pas de place du tout. Et il est pro-européen. Résultat aucun parti n’exclut aujourd’hui de discuter avec lui. Au contraire. Et par rapport à certaines élections passées, la discussion reste courtoise. Il sera difficile de faire comme si il n’existait. Reste à savoir si Bart de Wever voudra monter au gouvernement. Le pays ne devrait cependant pas souffrir du cercle sanitaire.

• Le Parti socialiste devient le premier parti du pays. En Wallonie, il récupère ses positions au plus haut, depuis 2003, avec près de 35%. Et son équivalent flamand, le SP-A se maintient en Flandre. Cette donnée est importante car traditionnellement le Roi nomme comme « informateur », chargé de mener les consultations pour former la coalition. Dans ce cas, le Premier ministre pourrait être un francophone, le chef du parti socialiste Elio di Rupo, qui a un gros défaut : il ne parle pas néerlandais.

• Le Vlaams Belang (l’extrême droite flamande) régresse. Sa progression s’était ralentie aux dernières élections. La défaite est ici patente. Il tombe de six points. Quant au Front national, au sud, il est groupusculaire (autour de 1%). C’est une des très bonnes nouvelles de ce scrutin. Elle permet de mettre fin au cordon sanitaire qui avait paralysé toutes les évolutions politiques au nord du pays.

• Les Libéraux sont les grands perdants de cette élection. Au sud du pays, ils cèdent du terrain, même dans leurs fiefs traditionnels, comme le Brabant wallon (autour de Bruxelles).

• Les partis rattachistes restent toujours aussi minoritaires (aux environs de 1%). L’idée d’un rattachement à la France de la Wallonie qui fait grand bruit ne trouve pas d’écho dans la population francophone.

 

La constitution d’un gouvernement va désormais commencer

Une question domine : le NVA voudra-t-il « monter » au gouvernement ? Le chef du NVA, Bart de Wever l'a laissé entendre lors de ses interventions télévisés. Il a ainsi cherché à afficher sa modération, appelant à « chercher des alliances », se montrant « ouvert aux francophones », se disant même « prêt à négocier » certains éléments du programme, pour « aller au gouvernement ». On aurait alors une coalition comme en région flamande (où le ministre de l'Intérieur Geert Bourgeois est NVA). Ce qui aurait une certaine logique. Reste à rapprocher les deux majorités l'une autonomiste et libérale, l'autre fédérale et socialiste. Autant dire le mariage de la carpe et du lapin.

Deux autres coalitions pourraient être constituées ; ayant pour objet la crise socio-économique ; la réforme de l'Etat suscitant ensuite une majorité ad hoc. L'une des plus citées serait est une coalition au centre gauche, dite de l’Olivier, regroupant socialistes, chrétiens-démocrates et écologistes. Une coalition qui aurait l’avantage de regrouper des partis qui ont déjà l’habitude de travailler ensemble dans deux des trois gouvernements régionaux. L'autre coalition reprendrait le modèle actuel (Socialistes, Chrétiens-démocrates, Libéraux), qui aurait cependant un inconvénient : rassembler deux perdants. Elle paraît donc délicate à mettre en oeuvre politiquement. Dans tous les cas, ce gouvernement devrait entrer rapidement en fonction, avant le début de la présidence européenne, le 1er juillet. Il faut aller vite. Il reste 2 semaines.

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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