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Le PE dicte ses trois volontés à Cathy Ashton

(BRUXELLES2) « On lui a chanté sur tous les tons. Si avec cela elle n'a pas compris » Guy Verhofstadt, l'ancien Premier ministre belge, et leader des Libéraux & Démocrates au Parlement européen n'a pas caché sa joie juste après l'audition de Cathy Ashton, la diplomate en chef de l'UE, qui était au Parlement, mardi, pour dialoguer avec les eurodéputés sur les contours du futur Service européen d'action extérieure. Et, effectivement, groupe après groupe, les eurodéputés ont répété une anthième quasi identique. Chacun l'entonnant avec des nuances. Rédigé par l'Allemand Elmar Brok (CDU) et le Belge Guy Verhofstadt (VLD), le "non-paper" (qui est en fait un rapport quasi-officiel du Parlement) et l'organigramme qui y est joint, sont ainsi partagés, peu ou prou, par la plupart des groupes: PPE, Socialistes et démocrates du S&D, Libéraux et démocrates de l'ALDE, Verts (avec une réserve sur la gestion de crise militaire). Trois volontés se dégagent ainsi.

Le Parlement veut affirmer sa compétence

D'abord, au niveau budgétaire, qui ressort de sa prime compétence. « Nous devrions avoir une ligne budgétaire par mission » explique Franziska Brantner (Verts, Allemagne). Le PE veut avoir, aussi tôt que possible, une proposition sur le futur statut du personnel. Il veut enfin pouvoir entendre les représentants spéciaux et les chefs de délégation avant la nomination.

  • Cathy Asthon a assuré le Parlement européen qu'il « pourra jouer un rôle complet » notamment qu'il aura un « plein contrôle financier » sur le budget du Service. Quant aux nominations, elle a précisé que chaque personne nommée, au moins pour les principaux postes, aurait un « entretien informel » avec les membres de la Commission. Un gentleman agreement a été passé, en ce sens, avec les responsables du Parlement. Le représentant spécial en Afghanistan, le Lituanien Usackas a inauguré cette formule, mardi (1). Il devrait être suivi par le nouvel ambassadeur de l'UE à Washington, Joao Vale de Almeida, dont la nomination avait été contestée (2).

Le Service d'action extérieur doit être aussi large et aussi proche de la Commission que possible

Ainsi il doit couvrir le développement comme la politique de voisinage (compétences normalement des commissaires européens Georgieva et Füle). Il doit être le plus connecté possible à la Commission européenne, aux niveaux administratif et budgétaire pour éviter les doublons. « Soit nous avons un petit service très indépendant de la Commission, de la taille qu'avait le service de Solana ; soit un grand service qui s'occupe des politiques importantes » justifie Verhofstadt (ALDE, Belgique). « Mais il faut éviter d'avoir deux administrations distinctes » a-t-il ajouté.

  • « Le service n'est pas attaché à la Commission. Il lui est lié. » a répondu Ashton. « Nous irons dans le sens du Parlement. Nous aurons une approche globale. Parfois, dans certains pays, il faudra insister sur le commerce ; dans d'autres ce sera le climat. Dans certains, on englogera le militaire, comme en Somalie. » « L'important est de montrer que l'UE est en action » a-t-elle ajouté. « Les prérogatives des (autres) commissaires doivent être préservées ».

Des adjoints politiques à la Haute représentante

 Les Eurodéputés ne sont pas d'accord avec le principe d'un secrétariat général qui ferait "écran" entre les services et la Haute représentante pour les Affaires étrangères et la Politique de sécurité. Ils préfèrent la formule trouvée par la Convention, celle d'adjoints. « Nous pensons à des responsables politiques, non des fonctionnaires » a tonné Elmar Brok (PPE, Allemagne). Des responsables qui pourront remplacer au besoin la diplomate en chef de l'UE dans certaines fonctions et venir s'expliquer devant le Parlement européen. Ils estiment également que le système de mandater des ministres des Etats membres comme envoyés spéciaux est négatif. « Cette idée de Ministres comme envoyés spéciaux va atomiser la position européenne » considère Kristian Vigenin (S&D, Bulgarie). Plus généralement, la question des nominations des responsables du service, le nécessaire équilibre hommes-femmes et surtout géographique ont été largement évoqué snotamment par les députés venus de l'Est de l'Europe (qui ne disposent pourtant pas d'un important corps diplomatique).

  • Concernant un adjoint politique, Cathy Ashton a assuré « J'ai bien compris le message. (...) Je vais y réfléchir. (...) J'essaierai d'être présente aussi souvent que possible. Mais il faut trouver un système quand je ne pourrai pas l'être. (...) Il faut continuer la  discussion ». Répondant indirectement à l'hypothèse de nomination du Français Pierre Vimont au poste de secrétaire général, elle a lâché laconique : « Qui sait quelle sera sa nationalité ? ». Elle s'est montré très ouverte à la nomination de femmes. « J'ai dans mon bureau une photo avec tous les chefs de délégation. C'est dominé par des hommes. Il faut changer cela. Le déséquilibre des genres doit être réglé. » Concernant l'équilibre géographique, elle a été moins directe. C'est vrai, a-t-elle reconnu, « Il y a peu de représentants de pays du sud ou de l'Est. Il faut faire le possible pour corriger cela ». Mais ce ne pourra être fait tout de suite. « Il
    faudra des années. C'est la même chose dans la Commission ». Elle a ainsi « refusé tout quota géographique, l'important est d'avoir les bonnes personnes ». Sur le fait de ne plus nommer comme envoyés spéciaux des Ministres, elle a été plus réticente. « Les Ministres sont très utiles - explique-t-elle - Bien souvent, ils me disent où ils vont, et peuvent ainsi faire passer un message à nos interlocuteurs. Ils peuvent faire un discours en mon nom et me remplacer. »

(Nicolas Gros-Verheyde)

(1) Usackas (RepSpé Afghanistan) auditionné au Parlement
(2) Le dossier "Vale de Almeida" fait des vagues au Conseil

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Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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