B2 Le Quotidien de l'Europe géopolitique. Actualité. Dossiers. Réflexions. Reportages

Analyse BlogDéfense UE (Doctrine)

Le Parlement vote pour une nouvelle ambition pour la PeSDC

(BRUXELLES2) Le rapport d’Arnaud Danjean sur « la mise en vigueur de la stratégie européenne de sécurité et la politique de défense et de sécurité commune », a été voté à la mi-journée à Strasbourg à une large majorité (480 votes pour, 111 contre, 64 abstentions), se veut porteur d’une autre ambition pour la PeSDC. Il appelle aussi le Conseil à renforcer ses relations avec le Parlement et à lui donner plus de rôle et à développer de nouvelles missions. Enfin, il estime le temps venu de mettre fin au Traité sur l’UEO. Les principaux éléments du rapport...

La revendication d’une autre ambition

« L’Union doit renforcer son autonomie stratégique à travers une politique étrangère, de défense et de sécurité, forte et efficace » estime le Parlement. Celui-ci affirme son « soutien réitéré aux efforts de l'Union pour répondre (aux) menaces et défis en développement une approche proactive et globale, mettant en synergie les différents moyens d'action - civils comme militaires -». La Haute représentante devrait agir « très rapidement » pour donner à l'Union plus de cohérence dans ses politiques externes.

Un Conseil de défense. Les Parlementaires soutiennent « la légitimité et l'utilité d’un Conseil des ministres de la défense, dans le cadre du Conseil des affaires étrangères, formé des ministres de la défense, sous la présidence du vice-président/haut représentant, et qui aurait un rôle particulier dans le développement des capacités militaires » (une décision qui pourrait entrer en application bientôt, lire).

Un centre permanent des opérations. Il faut « créer un centre d'opération permanent de l'Union, placé sous l'autorité du vice-président/haut Représentant, et dont la mission serait la planification opérationnelle et la conduite des opérations militaires. (Le PE) demande le rattachement de ce centre d'opérations au SEAE ». Ce centre devrait être situé au même endroit que le CPCC (L'Etat-Major civil) dans l'idée d'assurer les « synergies nécessaires entre le civil et le militaire ». Le système actuel, avec sept états-majors, « entraîne une perte d'efficacité, de réactivité et des coûts considérables et qu'un interlocuteur permanent dans le domaine militaire est nécessaire à la coordination civilo-militaire sur le terrain », souligne le PE.

Un service extérieur complet. Le Parlement veut « doter le SEAE d'une structure permanente concentrant les fonctions de soutien communes aux missions civiles et aux opérations militaires » (procédures de recrutement et de passation de marchés). Il s’agit de remédier aux lacunes constatées régulièrement pour le recrutement de certains spécialistes de gestion dans les missions et que celles « puissent se concentrer sur leur mission première ».

Des moyens militaires plus efficaces. Le Parlement européenne prône l’utilisation de l’Eurocorps, le cas échéant, par l'Union, et une « utilisation plus flexible des groupements tactiques afin qu'ils puissent être utilisés également comme force de réserve ou comme substitut partiel en cas de processus de génération de forces décevant ». Au passage, le Parlement « regrette que les groupements tactiques, malgré le coût qu’ils représentent, n'aient toujours pas été utilisés jusqu'à présent, pour des raisons politiques mais aussi parce que les conditions de leur déploiement sont très strictes »

Une force de protection civile. Le Parlement souhaite « rouvrir le débat sur la mise en place d'une force européenne de protection civile, sur la base notamment du rapport Barnier de mai 2006, mutualisant les moyens des États membres pour offrir une réponse collective efficace en cas de catastrophes naturelles ou du fait de l'homme, à l'intérieur de l'Union comme à l'extérieur ». Il estime aussi que « la PESD/PSDC militaire doit aussi permettre de répondre à ces risques civils».

Des procédures financières allégées. Le Parlement suggère, dans le cadre de la révision du règlement financier, d'assouplir les règles et procédures applicables pour la gestion des crises, domaine qui doit répondre à des exigences spécifiques (rapidité du déploiement, considérations sécuritaires...).

L'Agence européenne de défense renforcée. Il faut « exploiter davantage le potentiel de l'Agence européenne de défense (AED) en conformité avec le nouveau traité, la doter d'un budget à la hauteur des attentes placées en elle et lui donner plus de prévisibilité dans ses travaux grâce à l’adoption d’un cadre financier et d’un programme de travail triennaux » souligne le Parlement qui « invite les États membres à finaliser au plus vite l’arrangement administratif entre l’AED et l’organisation conjointe de coopération en matière d'armement (OCCAR) ainsi que l’accord de sécurité entre l’Union et l’OCCAR de manière à organiser efficacement leur coopération en matière d’armement ».

Une implication dans le bouclier anti-missile. « La nouvelle version du bouclier anti-missile envisagée par l'administration
américaine doit se faire sur la base d'une vision commune des pays européens sur le sujet, en coordination avec la Russie, et en favorisant la participation de l'industrie de défense européenne à la mise en place de ce bouclier
».

Revendications du Parlement

Le Parlement européen veut engager le débat avec le Conseil et les parlements nationaux sur « la mise en vigueur des nouvelles dispositions du Traité de Lisbonne » : la clause d'assistance mutuelle, la clause de solidarité, le rôle du Haut représentant et du service européen d'action extérieur, un mandat plus large pour la PeSDC, la coopération structurée permanente, la mise en place d'un Fonds de lancement.

Plus généralement, il veut avoir un nouveau rôle dans la PeSDC :

- être informé « à l'avance » des missions et opérations en préparation ainsi que de leur déroulement;

- être informé « régulièrement» sur l'utilisation du mécanisme ATHENA et du fonds de lancement, « comme il le fait déjà pour l'utilisation des crédits PESC pour les missions civiles »;

- être « associé aux processus de retours d'expérience des opérations; notamment être informé sur le premier rapport annuel sur l'identification et la mise en oeuvre des retours d'expérience pour les missions civiles »;

- être tenu « régulièrement informé des efforts consentis par les États membres pour atteindre les objectifs de renforcement des capacités civiles et militaires » (définis en décembre 2008);

- une « révision » des accords interinstitutionnels de 2002 entre le Parlement européen et le Conseil sur l'accès du PE aux informations sensibles du Conseil dans les domaines de la PESD et de la PSDC, « afin que les députés responsables, notamment les présidents des
sous-commissions "sécurité et défense" et "droits de l'homme", puissent avoir les informations nécessaires pour exercer leurs prérogatives de façon éclairée
».

- la révision de la stratégie européenne de sécurité devrait avoir lieu tous les 5 ans, en coincidence avec le début d'un nouveau mandat parlementaire, et le Parlement européen devrait être consulté.

Il estime nécessaire la rédaction d'un "Livre blanc", offrant les possibilités d'un large débat public, qui "renforcerait la PeSDC".

De nouvelles missions dans l'Océan indien, au Pakistan et au Kosovo

Les parlementaires saluent la future mission d'entraienement des forces somaliennes (EUTM Somalia, qui démarre en mai) ; une future mission renforçant la capacité de surveillance maritime des pays riverains de l'Océan indien (en application du code de Djibouti) ;

Ils soutiennent la proposition du Conseil d'examiner la possibilité d'une mission d'assistance au Pakistan pour la réforme des secteurs de sécurité et la construction d’une capacité de lutte contre le terrorisme ;

Au Kosovo, il demande au Conseil de considérer un possible déploiement d'une opération militaire de la PSDC pour relever la KFOR.

Enfin, il se prononce pour le « renforcement et le nouveau format de la mission d'assistance au poste frontière de Rafah (EUBAM Rafah) ».

(Nicolas Gros-Verheyde)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

s2Member®