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Comment faire avancer l’idée d’un QG permanent

(BRUXELLES2 / Opinion) Les avancées de la PeSDC ont souvent bloqué sur certains points précis, toujours les mêmes. Sur le quartier général (QG) européen permanent notamment. C'est cependant une nécessité. Mener 24 missions civiles et militaires sans avoir un QG permanent n’est pas vraiment raisonnable ni sérieux ! Peut-être est-il donc temps aujourd'hui de régénérer le débat, au besoin en pensant à des solutions alternatives, évolutives.

Pourquoi un QG, aussi proche que possible du centre, et surtout permanent est nécessaire ?

L’intérêt d’un QG d’opération est d’être suffisamment proche du centre de décisions politique et financier. La proximité géographique permet d'être aussi réactif que possible, de pouvoir partager plus facilement les analyses, les échanges avec les principaux responsables politiques (qui sont nombreux à passer à Bruxelles), bref d’être déjà dans la boucle de décision.

Utiliser le QG de l'OTAN est une fausse-bonne idée

Penser que le QG de l’OTAN peut servir en même temps à l’UE n'est pas une idée très sérieuse. Le dispositif Berlin Plus est aujourd'hui moribond (Jamie Shea le reconnaissait il y a peu (1)). Plus aucune opération n’a été lancée sous son égide depuis 2005 (avec la passation entre l’OTAN et l’UE en Bosnie-Herzégovine). Et mis à part le Kosovo (avec une transition identique de la KFOR à une mission de l'UE), aucun terrain ne se prête à une évolution identique. Pas tellement car il y a concurrence entre les deux organisations. Mais parce qu'elles sont différentes dans leur composition et dans leur nature. Elles n’ont pas la même philosophie ni la même approche politique d’un conflit, même si elles peuvent utiliser des moyens communs.

Se poser la question si un QG de l'UE va faire doublon avec celui de l’OTAN est une fausse excuse et aussi incongrue que celle de se demander s’il n’y a pas nécessité de n’avoir un seul Conseil des ministres des Affaires étrangères pour les deux organisations ou un seul secrétariat général. Cela ne viendrait à l’esprit de personne... De même, il ne viendrait à l’esprit de personne que l’OTAN n’ait pas de QG. Et que celui-ci soit monté temporairement, à la va-vite, avec les moyens du bord, et les pays volontaires.

Des tâches spécifiques

L’UE a désormais des tâches qui lui sont propres et ne sont pas remplies par l’OTAN – qui nécessitent un QG basé à proximité du centre de décision politique (le Haut représentant et les Ministres des Affaires étrangères) ainsi que du contrôle démocratique (le Parlement européen).

Le dispositif actuel tient du bricolage

Le dispositif des QG excentrés à Potsdam (pour le Congo), à Paris (pour le Tchad), à Londres (pour Eunavfor) ne montre pas sa pleine efficacité. Ce sans compter la difficulté qui existe à pourvoir les postes – les forces nationales ne s’empressant pas toujours de pourvoir les postes d’État-major d’autant plus quand l’opération dure… (dans l’opération Eunavfor, au moins un quart des postes n’ont pas été pourvus durant de longs mois).

A défaut de QG militaire permanent, des idées alternatives

Si un QG permanent militaire n’est pas possibles, plusieurs solutions alternatives peuvent s’échafauder. Par exemple :

1. Ramener le nombre de QG nationaux à deux : Paris et Londres, en les spécialisant, l’un pour les opérations maritimes, l’autre pour les opérations terrestres africaines (par exemple). Les QG d’opération de Larissa, Rome, Potsdam semblent trop éloignés pour remplir une fonction.

2. Créer un QG belge à Bruxelles. Rien n’empêcherait peut-être l’armé belge de demander la qualification d’un centre national de commandement pour mener des opérations de l’UE. Cela ajouterait un sixième centre de commandement. Ce ne serait pas officiellement le QG européen rêvé (en dernier lieu) en 2003. Mais cela éviterait les inconvénients des autres QG d’opération. Alors que la Belgique s'apprête (en juillet) à prendre la présidence de l'UE, ce serait une belle réalisation à son actif. Cette solution peut se combiner avec la précédente. On aurait alors un axe Paris-Londres-Bruxelles où le désavantage de la distance serait compensé par les liaisons rapides entre les 3 villes (par liaison TGV pluriquotidienne).

3. Créer un QG franco-allemand à Strasbourg au sein de l'Eurocorps – qui fusionnerait les QG de Potsdam et de Paris.

4. Mettre en place un QG civil renforcé à Bruxelles, un QG civilo-militaire en quelque sorte, qui aurait le soin de soutenir et conduire les missions civiles de défense. Quoi qu’on en dise, bien souvent, ce sont les moyens militaires – au moins pour le transport et les télécommunication - qui sont requis pour nombre de missions de la PeSDC. Cet État-Major aurait la tâche de conduire non seulement les missions civiles, mais aussi les missions de protection civile, et d’évacuation de citoyens ; ces deux dernières missions faisant intervenir des moyens militaires. Les missions militaires resteraient commandées avec un État-Major militaire (tournant). En toute logique, dans cette solution, l’État-Major militaire pourrait se combiner avec la CPCC et la MIC, et deviendrait civilo-militaire. Ce qui serait logique avec la fusion parallèle de la planification au sein de la CPMD. Des difficultés ne manqueront pas de se poser. Mais il y a des similitudes importantes : les obligations qui pèsent sur les civils dans de telles missions de défense sont les mêmes (obligation de confidentialité, sens de la diplomatie, situation risquée …) que celles qui pèsent sur des missions militaires proprement dits. Les moyens logistiques sont parfois identiques. Et l’effectif de certaines missions civiles (Afghanistan, Géorgie, Kosovo) est tel que qu’il se rapproche de missions militaires.

(1) Pour Jamie Shea (OTAN), il faut aller vers un accord "Berlin+ Civil" avec l'UE

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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