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Us (Nuclear) Go home ?

(B2) Le slogan est un peu sixtees. Mais il correspond à une réalité au plat pays belge. Il y a un consensus politique pour estimer que le moment est venu de retirer les armes nucléaires américaines qui se trouvent sur le sol européen. La Belgique est, en effet, concernée au premier chef. Certaines d'entre elles sont entreposées à Kleine Brogel, près de la frontière néerlandaise.

Union sacrée en Belgique

Cela a commencé par une tribune publiée, vendredi, dans plusieurs journaux du plat pays (Le Soir, De Standaard et Het Nieuwsblad) par quatre "poids lourds" de la politique belge. Quatre mousquetaires des temps modernes. Deux anciens Premier ministres — Jean-Luc Dehaene (chrétien-démocrate flamand) et Guy Verhofstadt (Libéral flamand) — et deux anciens ministres des affaires étrangères —  Louis Michel (Libéral francophone) et Willy Claes (socialiste flamand), ancien secrétaire général de l'OTAN. Le Premier ministre en poste, Yves Leterme (CD&V, chrétien-démocrate flamand)  a aussitôt embrayé. « La Belgique est en faveur d'un monde sans armes nucléaires » a-t-il écrit dans un communiqué, publié sur le site du Premier ministre. Y voir une quelconque concertation serait totalement fortuite .

Cinq pays à l'avant-garde

Ce sujet devrait maintenant être débattu à l'OTAN, indique le Premier ministre. « La Belgique prendra une initiative en ce sens avec l’Allemagne (*), les Pays-Bas, le Luxembourg et la Norvège dans le cadre de la révision du concept stratégique de l’OTAN cette année ». Yves Leterme reconnaît cependant que « Des avancées concrètes ne seront possibles que moyennant une concertation sérieuse avec les partenaires de l’OTAN et tenant compte des avancées dans les négociations en cours dans le domaine du désarmement. » Le débat est lancé. Et ses auteurs ne manquent pas d'argument...

Le risque terroriste

Les signataires de la tribune veulent, en effet, prendre au mot l’appel lancé par le Président américain. « L'engagement de Barack Obama en vue d’éliminer toutes les armes nucléaires mérite un soutien urgent » soulignent-ils. Et ils ne manquent pas d'arguments. « La guerre froide est terminée. Il est temps d’adapter notre politique nucléaire aux circonstances nouvelles » écrivent-ils. Le risque aujourd'hui se situe ailleurs : « Alors que, dans le passé, les armes nucléaires ont pu être considérées comme un facteur stabilisateur, aujourd’hui, tant la dissémination des armes nucléaires qui continue de progresser que le risque croissant d’un attentat terroriste exigent une réaction radicale. (...)

La prolifération a le vent en poupe

« Des pays comme le Pakistan, l’Inde et la Corée du Nord se sont récemment joints au club nucléaire. La probabilité que l’Iran et d’autres pays dans la région les suivent est réelle, ce qui conduira à une déstabilisation sans précédent dans cette région déjà tellement instable. » La situation va vite devenir inextricable, soulignent les Quatre mousquetaires. « Il est impossible de refuser aux autres États d’acquérir des armes nucléaires, aussi longtemps que nous-mêmes en disposons. Le choix est donc clair : un monde où on accepte que de plus en plus d’États produisent des armes nucléaires, ou bien un monde où les neuf puissances nucléaires actuelles renoncent fondamentalement à mettre l’accent sur les armes nucléaires et prennent au sérieux l’objectif de les éliminer. » « Aucun argument sérieux ne condamne la faisabilité de cet objectif. » ajoutent-ils.

Le rôle de l'exemplarité

Cet appel est destiné en premier lieu à la Russie. « L’idéal est que ceci se fasse en négociation avec la Russie, afin de réaliser une réduction proportionnelle des armes russes. Néanmoins, il faut parfois avoir l’audace de montrer l’exemple, dans l’espoir que d’autres s’en inspirent. » notent-ils. Mais les Belges prennent bien garde de ne pas mêler cette question avec celle sur le bouclier anti-missiles. « Le retrait des armes nucléaires ne doit pas être confondu avec le débat sur le bouclier antimissiles. Si l’enjeu est d’éliminer la menace des armes de destruction massive, alors des avancées réelles vers un désarmement général sont plus efficaces que l’option de lier notre sécurité à une technologie aléatoire, qui est de plus perçue comme facteur de déstabilisation par les grandes puissances qui n’ont pas les moyens d’en disposer. Une nouvelle course aux armements doit être évitée à tout prix. »

(NGV)

(*) L'Allemagne plaide déjà au sein de l'OTAN pour un retrait rapide des armes nucléaires

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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