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La dernière heure du mandat de Javier Solana, consacrée… à la Serbie


(BRUXELLES2) C'est par un simple message, un communiqué à la presse que Javier Solana, a clos son mandat de plus de 10 ans comme Haut représentant. Sans applaudissements inutiles, ni louange ou cérémonie de départ, l'ancien ministre des Affaires étrangères espagnol, et ancien secrétaire général de l'OTAN, s'efface au profit de la nouvelle Haute représentante, Catherine Ashton, à sa manière, discrètement... et
efficacement.

Personnellement, je suis assez frappé du relatif silence qui entoure ce départ. Alors que pour n'importe quel évènement, chacun ne tarit pas d'éloge et s'empresse de tisser mille mots de remerciements, tout aussi plats l'un que l'autre, là rien ou presque rien. Les Chefs d'Etat et de gouvernement dont il a été un rouage indispensable à Bruxelles ne lui ont pas rendu jusqu'ici vraiment l'hommage qui lui était dû. Et les différents responsables européens - dont il a bien servi l'idéal en développant une politique étrangère et de sécurité à partir de rien ou peu de choses - n'ont pas été plus bavards. L'homme n'a cependant pas ménagé sa peine pour l'Europe. Et si, aujourd'hui, il y a tant soit peu une politique étrangère et de sécurité de l'UE, c'est en partie grâce à lui. Selon les comptes de son secrétariat, comme le rapporte La Vanguardia (1), « il a parcouru au moins 2,6 millions de kms et mené plus de 500 missions diplomatiques de par le monde ». L'homme vaut  effectivement le détour. Et j'avais déjà pu dire ce que j'en pensais, il y a quelques mois, comment derrière un personnage, en apparence confus, pouvait se cacher un réel diplomate de passion (2).

Aussi je préfère lui laisser la parole (une fois n'est pas coutume ! -:)). Voici son message d'adieu envoyé à toute la presse à Bruxelles : « My mandate as EU High Representative for the Common Foreign and Security Policy comes to an end today. I want to thank everybody and in particular the press and media for the interest with which they have followed our work over the past decade. Over the last ten years, Europe has become a global player whose voice is heard on every continent. We have developed a foreign policy, with the structures and tools to underpin it. The European Union is working hard to make a difference to people's lives where its missions are deployed. The media have played a vital role in all this with its coverage of our activities and I know that they will continue to do so. »



Un dernier visiteur : le président de Serbie
. Il n'est pas anodin non plus que le dernier visiteur qu'il ait reçu formellement dans son bureau ait été Boris Tadic, le président de la Serbie. A ce sujet, il a exprimé - non sans une certaine émotion - « à titre personnel, tout mon souhait pour que la Serbie soit très vite membre de la famille européenne. C'est une signification très profonde. Je ne crois pas que la mission de l'Europe sera remplie sans la Serbie. J'espère que l'accord de stabilisation et d'association sera pleinement mis en oeuvre au prochain Conseil (3). Et si c'est le cas, nous aurons alors, durant le mois de décembre, pour prendre une décision pour le processus d'adhésion de la Serbie (le statut de pays candidat) ». Quant à son successeur, Catherine Ashton, il lui souhaite « bon courage, félicitations, je n'ai rien à lui dire de plus publiquement. Nous nous sommes rencontrés plusieurs fois ces derniers jours. Et je ne crois pas qu'elle ait besoin vraiment de conseils » a-t-il ajouté élégamment.

Le président serbe a remercié Solana de toute son action « pour tout ce qu'il a fait pour l'intégration pour son pays et pour son esprit  européen ». Ce genre de compliment, d'ordinaire très diplomatique, trouve toute sa saveur. Pour celui qui commandait, il y a dix ans, l'OTAN et était donc honni à Belgrade pour ses frappes aériennes sur la Serbie, on ne pouvait effectivement rêver meilleur hommage. Boris Tadic a également exprimé toute sa satisfaction après la décision prise (ce 30 novembre) de libéralisation de visas et exprimé également toute sa responsabilité et son « engagement pour la stabilisation de l'ensemble de la région » (notamment de la Bosnie-Herzégovine qui ne bénéficie pas de la même mesure).

(crédit photo : Conseil de l'UE. En haut : Javier Solana avec Zapatero, le Premier ministre espagnol, et Juncker, le Premier ministre luxembourgeois, au dernier sommet européen, le 19 novembre 2009. En bas : Javier Solana avec Boris Tadic)

(1) Entretien à télécharger

(2)Lire : Portrait de Javier Solana - Entretien : "le temps où un pays seul pouvait résoudre une crise internationale est révolu" + biographie(mars 2009)

(3) Il était bloqué par les Pays-Bas car ce pays estimait - notamment en souvenir de son propre passé peu glorieux à Srebrenica - que la coopération avec le tribunal international de la Haye devait être impeccable.

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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