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EUSEC somalia : l’Espagne assurera le rôle de Nation-Cadre


Comme annoncé (lire: La 24e mission de la Pesd "EuSecfor Somalia": feu vert mardi), le Conseil des Ministres des Affaires étrangères et de la Défense de l'UE a « approuvé », mardi, le concept de gestion de crises « concernant une éventuelle mission PESD visant à contribuer à la formation des forces de sécurité du GFT (Gouvernement fédéral de transition) et a demandé que des travaux de planification complémentaires soient menés, sans que cela préjuge de décisions ultérieures sur une éventuelle action PESD ». Une formule alambiquée qui permet, d'une part, d'aller vite en lançant le travail de planification nécessaire une nouvelle opération de la PeSDC, de continuer à travailler sur certains points (sélection des soldats, retour en Somalie...), et, d'autre part, préserve les réticences de certains Etats membres. Bref c'est le principe de l'abstention constructive qui est ainsi mis à l'oeuvre et qu'on pourrait résumer ainsi : je ne suis pas tout à fait  d'accord mais je ne bloque pas le processus décisionnel (lire également : L’unanimité pour la politique étrangère de l'UE, un bienfait ?).

Environ 2000 hommes « dans un premier temps » pourraient être formés en Ouganda, « 6000 à terme » selon les Français. L'opération pourrait être bouclée « avant la fin de l'année », a précisé Cristina Gallach, la porte-parole de Javier Solana, le Haut représentant pour la politique étrangère de l'UE. Le ministre français de la Défense, Hervé Morin s'est montré plus circonspect. « J'ai appris à être prudent, depuis l'opération Eufor Tchad ». Ce qui paraît plus vraisemblable - un certain nombre de sujets techniques doit être bouclé - est que l'opération soit finalement lancée sous la présidence espagnole. Le premier tour de table au niveau ministériel sur le sujet a néanmoins montré davantage qu'un accord de principe, une nécessité de s'engager, comme ont témoigné plusieurs diplomates européens (suédois, hongrois, espagnol, français...). Certains Etats s'engageant, de façon parfois précise, en termes de contribution en personnel. La  planification peut désormais commencer. Elle sera d'un nouveau genre puisqu'elle associera civils et militaires de façon plus intégrée.

Une mission nécessaire. Cette opération n'est « pas risquée. Elle est simple dans son fonctionnement, de petite dimension (une centaine d'hommes), et entre véritablement dans l’esprit européen » a commenté Hervé Morin, sorti parler aux journalistes, entre deux séances de travail. « L’Europe a une responsabilité dans la stabilité du continent africain. (...) Tout le monde a consience qu’il faut faire quelque chose, que lancer une opération de maintien de la paix en Somalie est hors de portée - personne n'a d'ailleurs proposé de s’y engager. La seule solution est donc de remettre sur pied et aider ce gouvernement transitoire » a-t-il plaidé. « Si on ne prend pas en main la reconstruction de l’État somalien, on pourra avoir l'opération Atalanta durant 20 ans, 30 ans, une éternité » a-t-il ajouté. « Atalanta s’attaque aux conséquences, Il faut s’attaquer aux causes ». Son collègue en charge des Affaires européennes, Pierre Lelouche, a insisté, de son coté, sur le risque terroriste de la Somalie. « Ce que nous avons sur place c'est Al Qaida, avec les Shebab » a-t-il expliqué. Le Ministre qui s'est rendu sur place à Djibouti, le mois dernier, en présence des ambassadeurs du COPS qui avaient le déplacement, n'a pas caché sa satisfaction et même une certaine surprise. « Je suis surpris par la rapidité de la prise de conscience des Européens. En cinq semaines, nous sommes arrivés à un accord de principe sur cette opération. Quand j'étais sur place, avec les ambassadeurs du COPS, dans le camp où étaient formés des soldats somaliens par les Français et les Djiboutiens, pour beaucoup, c'était la première fois qu'ils voyaient des soldats somaliens à l'oeuvre, cela a été une prise de conscience » a-t-il ajouté.

A noter : Carme Chacon a proposé que l'Espagne organise durant sa présidence (au 1er semestre 2010), une conférence internationale sur la Somalie - sous les auspices de l'ONU - pour promouvoir le processus de paix et stabilisation dans le pays et lutter contre les causes de la piraterie.


Les contributions des Etats membres. L'opération devrait être de petite dimension. « Il faut environ 100 hommes pour lancer l'opération », selon Hervé Morin, « entre 100 et 200 », selon un autre diplomate européen. Et l'effectif nécessaire paraît pouvoir être atteint sans trop de problèmes. Selon le premier tour de table effectué par les Ministres européens, mardi, la moitié de l'effectif semble déjà "ur la table". L'Espagne a accepté le rôle de nation-cadre pour cette mission et fournira un "effectif substantiel" représentant plusieurs dizaines de formateurs. La France a offert 30 personnes - « Nous aurions pu en fournir plus - a expliqué Hervé Morin - mais ce doit être une opération européenne et non une opération française ». Plusieurs autres Etats qui ont annoncé qu'ils contribueraient à l'opération : Italie, Hongrie (autour de 6 personnes), Portugal, Slovénie). L'Allemagne devrait préciser sa participation (un entretien est prévu, mercredi, entre les ministres de la défense, allemand zu Gutenberg et français Morin). D'autres pays ont montré leur intérêt sans indiquer le principe de
contribution (Grèce, Suède, Roumanie, Belgique) ou ont indiqué qu'ils la soutenaient sans pouvoir y contribuer (République Tchèque, pays baltes). Certains pays sont plus prudents (Slovaquie), voire réticents (Pays-Bas). Le Royaume-Uni garde une position ambigüe : il soutient officiellement la préparation de l'opération, et a promis d'y apporter « une contribution importante » (dixit le ministre Morin) mais insiste sur la nécessité de ne pas décider tout de suite d'une opération. Pour ceux qui ont souvenir des débuts d'Atalanta, on retrouve là une position identique, on pourrait assez classique de la diplomatie militaire britannique sur les opérations PeSDC de l'UE.

La première planification intégrée "nouvelle formule". Maintenant, la planification de l'opération va pouvoir commencer. Elle sera menée, pour la première fois, par la nouvelle structure civilo-militaire mise en place autour du Haut-Représentant. Ce sera toujours l'Etat-Major militaire de l'UE qui mènera la planification. Mais avec le soutien direct de la nouvelle direction civilo-militaire CMPD, dirigée par Claude-France Arnould. Ainsi les personnels civils nécessaires seront intégrés à la planification et la suivront de bout en bout. Plusieurs questions sont purement civiles (l'accord avec l'Ouganda, les questions financières, le contrôle de la destination des fonds européens, les marchés publics nécessaires le cas échéant...). Ce qui facilitera ensuite la conduite de l'opération.

(crédit photo : Conseil de l'Union européenne - Carme Chacon avec Hervé Morin, lors du Conseil)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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