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Pour Jamie Shea (OTAN), il faut aller vers un accord « Berlin+ Civil » avec l’UE



(BRUXELLES2) Il y a dix ans, l’UE qui voulait développer une Politique européenne de sécurité et de défense (PESD), mais était dépourvu de moyens militaires, s’était tournée vers l’OTAN. Ainsi avait été conclu un accord de coopération, dénommé "Berlin Plus", préparé en 1999 et officialisé en 2003. Il permet à l'UE de bénéficier des structures de commandement de l'Alliance atlantique. Mais aujourd’hui, à écouter Jamie Shea, le directeur de la planification politique à l’OTAN (et ancien porte-parole de l’organisation), cet accord paraît dépassé ou du moins à compléter. Et c'est l'OTAN qui, désormais, paraît demandeuse : de pouvoir utiliser cet accord Berlin+ qui tend à tomber en désuétude, et surtout de conclure un accord "Berlin+ Civil". Car
le besoin de capacités civiles dans les opérations, particulièrement en Afghanistan, est crucial pour gagner... Le renversement de situation paraît notable !

Jamie Shea s’exprime devant les députés de la sous-commission Défense du Parlement européen, mercredi (photo © Ngv).

Berlin+ accord dépassé ?
« Berlin+ était basé sur le fait que l’UE aurait emprunté les moyens militaires à l’OTAN. Et nous aurions dit Oui, éventuellement, sous réserve. (…) Maintenant l’UE a développé ses propres capacités militaires : maritime, battlegroups, achète ses
propres aéronefs Airbus, a son propre QG… L’UE n’a plus le même besoin d’appliquer l’accord Berlin + qu’au milieu des années 1990 »
analyse Jamie Shea.
De fait, « Sur les 23 missions de l’UE, seules 2 ont relevé de Berlin+ : une petite mission en Fyrom en 2003 (aujourd’hui terminée) et la mission en Bosnie qui perdure (NB : pour peu de temps encore). Aujourd’hui, lorsque l’UE et l’Otan sont dans un pays ou sur mer ensemble (Kosovo, Afghanistan, Somalie …), Berlin + n’est pas d’application. Plutôt que la règle, Berlin+ est devenue l’exception. »

D'autres modes de coopération.  Jamie Shea propose de revisiter cet accord en prévoyant d’autres aspects comme la mise à disposition de l’UE de la capacité aérienne stratégique (3 C17) de l’OTAN ou l’entraînement en commun des battlegroups – force de réaction rapide. Mais, surtout, il estime « nécessaire d’avoir un accord « Berlin+ Civil ».
« Notre coopération doit s’adapter à la réalité. »

Un Berlin+ Civil. L’OTAN n’a pas les mêmes moyens qur l'Union européenne, Jamie Shea le reconnaît. « L’UE, comme l’ONU, est une organisation globale. Ce n’est pas le cas de l’OTAN. L’Otan (par exemple) n’a pas de capacité civile. Le succès de l’OTAN ne dépend pas seulement du succès militaire dans ses opérations. Mais elle doit persuader les autres organisations (USA, UE…) d’être sur le terrain avec des missions et moyens. Je vais être très franc : l’UE a des avantages que l’OTAN n’a pas. Elle fait du judiciaire, peut former des policiers,
être observateurs d’élections, etc. »


Harmonie stratégique. Jamie Shea s’est défendu de toute velléité d'annexion d'une organisation par une autre : « Un ambassadeur Français a dit, un jour, que l’UE n’avait pas vocation à devenir agence civile de l’OTAN. Il a raison » a-t-il souligné, avec humour. Et d'expliquer : « L’OTAN n’a pas à commander l’UE. Ces deux organisations doivent être indépendantes. Ce que nous souhaiterions, c’est de pouvoir au moins avoir une harmonie stratégique avec l’UE dans des domaines qui pour les deux sont d’importance vitale. Comme par exemple en Afghanistan ou dans les Balkans. » Dans ces régions, « l’UE et l’OTAN ont des intérêts tout à fait semblables. Et les pays de l'UE seraient tout aussi menacés par l’échec que les Usa et le Canada. »

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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