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Pourquoi la Norvège participe à Atalanta ?

(BRUXELLES2) La participation de la Norvège à l'opération européenne anti-pirates "EUNAVFOR Atalanta" peut étonner. Pourquoi ce pays membre de l'Otan et non membre de l'UE a décidé de s'associer à l'opération de la seconde et non de la première ? Cette implication, la ministre norvégienne de la Défense, Anne-Grete Strøm-Erichsen, l'a justifié devant son parlement national, récemment.

Une raison, très stratégique. Parmi les différentes raisons évoquées (lutte nécessaire contre la piraterie, nécessité de maintenir le rang maritime de la Norvège, soutien direct aux efforts de l'ONU, complément à la politique norvégienne d'engagement humanitaire dans la région...), il en est une plus stratégique: « L'UE renforce son engagement global. L'UE devient, de plus en plus, un acteur de la politique étrangère et a pour objectif de prendre davantage de responsabilités pour la paix et la sécurité en Europe et dans le monde entier » souligne la Ministre. Pour la Norvège, cette évolution est « positive ». Nous avons « pour objectif de mener une politique européenne active et de travailler étroitement avec l'UE dans la politique de défense et de sécurité. (...) Il est dans (notre) intérêt d'avoir un aperçu et de la capacité de participer à la politique de sécurité et la coopération militaire qui est actuellement en cours d'élaboration au sein de l'UE, tant dans les projets que de la contribution en matériel aux opérations civiles de l'UE. » Mais la Ministre confie aussi être « préoccupée par le fait que l'OTAN et l'UE devraient se compléter plutôt que de rivaliser les unes avec les autres ».

Quelle leçon en tirer ? Autrement dit la PESD marche, elle se développe. Et ce n'est pas un l'UE qui le souligne mais un non membre. C'est important pour un pays comme la Norvège d'y participer (comme elle participe déjà aux politiques économiques de l'UE via l'accord sur l'Espace économique européen). Car le pays ne peut se contenter de rester uniquement dans l'OTAN. En même temps, il est important que la politique européenne de défense qui s'émancipe ne vienne pas à trop diverger de celle menée par l'OTAN. Même si rien n'est encore précisé, il ne semble pas exclu que la Norvège participe de façon plus nette à plusieurs opérations civiles ou militaires de la PESD. Cette participation en laisse présager d'autres.

En filigrane : le débat sur l'adhésion. De façon plus générale, cette position participe d'un débat, plus politique celui-là, sur une éventuelle adhésion du pays à l'UE. Débat difficile quand on sait que les Norvégiens ont, déjà, à deux reprises repoussé cette opportunité (alors que tout était prêt). Mais ce débat pourrait, sans doute, se trouver relancer avec la demande islandaise d'adhésion. La Norvège resterait, en effet, un des seuls pays nordiques à ne pas faire partie de l'UE et quasiment toute seule dans l'EEE (avec le Liechtenstein).

NB : L'accord conclu en 2004 entre la Norvège et l'UElui permet quand elle participe à une opération de l'UE, de participer à la prise des décisions tant au niveau de la planification de l'opération que de la conduite de l'opération, notamment à travers la présence dans le Comité des contributeurs et l'implication d'officiers dans l'Etat-major (elle n'a cependant pas - contrairement aux Etats membres - de droit de veto sur l'arrêt ou la poursuite de l'opération et la définition de son format).

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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