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Bientôt une antenne bruxelloise pour l’IHEDN

(BRUXELLES2) « Une antenne bruxelloise pour l'Institut des Hautes études de la Défense nationale (IHEDN) ». En tout cas c'est le souhait et l'objectif du Général Labaye, directeur de l'IHEDN. « C'est nécessaire — m'a-t-il confié —. Nous avons constaté que l’influence de la France, de sa pensée stratégique, tarde et peine à percer au plan mondial, notamment lorsqu’on la compare à l’influence de nos amis anglo-saxons. On reçoit nombre de personalités étrangères à Paris. Mais nous sommes peu présents à Bruxelles », où existe une grande activité stratégique...  Avant d'arriver à la création d'une antenne bruxelloise, l'IHEDN s'initie doucement aux délices européens par une série de séminaires - hors de ses murs - dont le séminaire "piraterie maritime et politique maritime de l'UE" qui se déroule mardi et mercredi à Bruxelles. Et elle compte poursuivre dans cette veine en organisé un séminaire marquant par présidence de l'UE (ce devrait autour de la sécurité énergétique au 1er semestre 2010 sous la présidence espagnole.

Ce qu'apporte la pensée française... Pour le général Labaye, l'apport de la pensée française "pensée fondatrice" est importante dans la « recherche d'un nouveau multilatéralisme ». Elle apporte un « son de cloche différent, une dissonance sur certains sujets, bien perçue dans le reste du monde ». Plus concrètement, s'il y avait un mot pour résumer l'approche française, précise-t-il, ce serait « l’approche globale ». « Depuis toujours, nous disons qu'il faut une approche globale, que pour gérer les crises, il ne faut pas uniquement l'instrument militaire - qui reste nécessaire - mais aussi des moyens civils. 3/4 des moyens d'intervention sont, en fait, civils. Tous nos arsenaux sont à repenser pour compléter notre politique de sécurité. (...) Il faut tout tout un arsenal de dispositifs, on le voit pour la piraterie. Des outils: militaires, légaux (police, justice), de développement. (...) Et pour cela, rien de tel que l’outil de l’Union européenne. C'est dans cette optique, que la France est un des moteurs de la PESD. Nous avons la crédibilité de l’expérience de gestion des crises sur un certain nombre de théâtres. Dès qu'il y a une menace nouvelle, on l'a vu pour la piraterie, la France est présente. Mais nous voulons mettre ensemble les moyens européens pour peser politiquement, pour avoir une pensée politique, non pas unique ou commune mais conjointe, pour peser en termes d’Europe puissance.»

On pourrait dire : Il était temps ! Que l'IHEDN se rende compte 60 ans après la signature du Traité de l'Alliance atlantique, plus de 50 ans après le Traité de Rome et 10 ans après le début de la PESD, que Bruxelles est une place importante, où il faut être présent est un grand pas. Mais apparemment les mentalités parisiennes sont dures à briser dans cette institution qui ronronne doucement à l'ombre de l'Ecole militaire... Une petite anecdote. Il y a juste quelques semaines, j'étais pour un RV, entre deux portes, avec un préfet - dont je tairais le nom par courtoisie -, dans son bureau du 2e étage de l'IHEDN. Mais sa principale interrogation était: "Mais comment faites-vous pour venir de Bruxelles à Paris ?"... Sans compter quelques réflexions plutôt déplacées - dans la bouche d'un préfet - sur la nationalité des nouveaux Etats membres... Apparemment notre préfet en était encore resté aux temps des diligences, des marches du nord et du bon temps où Napoléon  imposait sa loi à l'Europe !

Ecouter plutôt que professer... Pour percer à Bruxelles, l'IHEDN devra peut-être se montrer un peu plus "humble", tenter de comprendre le fonctionnement européen, de s'y insérer, de cesser de penser que Paris est le centre de l'univers. Bref, éliminer un peu de poussière et faire une petite révolution interne pour saisir  que l'Europe est à 27 est une réalité, établie pour longtemps. Et que la France occupe dans l'UE certes une place de choix mais pas vraiment primordiale. Le temps où Chirac professait (à un sommet européen en 2003) "ils ont perdu une occasion de se taire" à l'encontre des pays d'Europe centrale (sur leur lettre commune sur l'intervention en Irak) est bel et bien terminé. L'IHEDN devra ainsi faire un petit effort d'ouverture à d'autres avis, sinon divergents au moins qui bousculent un fonctionnement très conventionnel, sans perdre son âme. Le positionnement "bruxellois" est à ce prix. Ce n'est pas facile. Mais ce n'est pas hors de portée...  Car mis à part certains cadres, un peu dépassés par le temps, l'Institut semble disposer de ressources en interne de haute qualité et surtout de sa fabuleuse expérience de mixage et d'échanges qui ne demande qu'à prospérer sur le terreau européen...

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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