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Barroso mis sous surveillance par “l’axe” Sarkozy-Merkel

(B2) Putain 5 ans ! pourrait-on se dire (en paraphrasant le titre de la Une de Libération après l'élection de Jacques Chirac). Ca y est Nicolas Sarkozy et Angela Merkel d'un commun concert
(avec quelques notes divergentes) ont adoubé José-Manuel Barroso pour un nouveau mandat à la tête de la Commission européenne. "Nous soutiendrons la candidature de M. Barroso sans ambiguïté." Enfin adoubé, pas sans conditions. Il y a le "Mais". Il n'est que d'écouter la conférence qu'ont donné le président français et la chancelière allemande (en direct sur le site de l'Elysée). Ce qui
est intéressant dans ce type de déclarations sont les mots, le ton employé, les conditions mises à la nomination. Et elles ne sont pas mineures.

Les conditions

a) Un programme précis. Comme l'explique Sarkozy : "Nous avons demandé à M. BARROSO, qu’il précise, qu’il formalise d’une certaine façon les intentions qui sont les siennes. Son devoir,
me semble-t-il, c’est de protéger, faire que l’Europe protège les Européens, qu’il s’engage sur un travail au service d’une meilleure régulation financière
." Ce à quoi ajoute Merkel : "Pour la prochaine législature, il faut prendre les bonnes décisions, de personnes mais de fond aussi. (...) Nous voulons aussi parler du programme. Nous estimons que ce programme doit être établi en étroite concertation avec le Parlement."  Et au cas où on ne l'ai pas compris, Sarkozy renchérit : "Le choix que nous avons fait est un choix précis : M. Barroso et un programme ou un programme et M. Barroso".

b) Le choix des commissaires. "Nous nous prononçons d’abord sur les portefeuilles, ensuite sur les personnes" explique Merkel. Et Sarkozy d'ajouter : "je peux vous dire qu’il y a un accord entre Mme MERKEL et moi pour que nous soutenions les choix de l’Allemagne, et l’Allemagne soutiendra les choix de la France, ce problème de personnes. Cela est clair, simple. C’est un message que je vous livre et que je livre à tous les autres, nous soutiendrons les choix de l’Allemagne. J’ai cru comprendre que l’Allemagne soutiendrait les choix de la France. C’est assez clair." Autrement dit, aux autres des 27 et à Barroso, Sarko dit : "rompez!". Nous (Allemagne et France) avons des prétentions pour certains postes (concurrence pour l'Allemagne, marché intérieur ou politique étrangère pour la France), et ces choix doivent être respectés. Ce n'est pas très fair play. Mais comme dirait le président "c'est clair".

c) Quels commissaires. Michel Barnier pour la France : "Lorsque le problème de la désignation d’un commissaire français se posera, il est certain qu’il est en-tête de liste des postulants." dit Sarkozy - Wolfgang Schaüble (ministre de l'Intérieur et Européen convaincu) pour l'Allemagne : la chancelière ne veut pas se prononcer "J’ai déjà dit à plusieurs reprises que je n’ai eu aucune discussion avec qui que ce soit sur les postes de commissaires". Sarkozy est plus prolixe : "C'est un homme pour qui j’ai beaucoup d’amitié".

Le scénario juridico-politique

"On travaille aujourd’hui sur les bases du Traité de Nice, mais si l’on veut travailler dans l’esprit du Traité de Lisbonne, il faut aussi
trouver la bonne méthode sans nuire à qui que ce soit.
" (Merkel) "Nous souhaitons, la Chancelière et moi-même, qu’une décision politique soit prise au prochain Conseil, qui proposerait, de façon à ce qu’on ait vraiment un travail entre le Conseil européen et le Parlement européen avant de prendre une décision juridique formelle qui pourrait être prise, par exemple, par écrit." (Sarkozy)

1°) Le prochain Conseil (18 et 19 juin) : "On va proposer politiquement au prochain Conseil un Président de la Commission sur la base du Traité de Nice. Donc, on ne désignera pas les commissaires, mais le Président" (Sarkozy).

2°) La plénière du Parlement (14 au 17 juillet) : "Si le Parlement européen en est d’accord, il pourrait ratifier cette décision au mois de juillet". (Sarkozy). "Si le Parlement le souhaite, l’élection du nouveau Président de la Commission pourrait se faire au mois de juillet" (Merkel). "Si les conditions sont remplies au Parlement, nous sommes prêts à donner cet accord et à le formaliser" (Merkel)

3°) Le référendum irlandais (septembre ou octobre) : "Si les Irlandais votent positivement au référendum sur Lisbonne (en septembre ou en octobre), de toute manière, il y aura alors, une
deuxième décision pour nommer le Président de la Commission, cette fois sur la base de Lisbonne et non pas de Nice." (Sarkozy). "A ce moment là, il nous appartiendra, les Etats membres, de désigner
des commissaires européens." (Sarkozy).

4°) Le plan de repli : "Si le « oui » ne l’emporte pas en Irlande, il n’y aura pas d’institutions nouvelles, ce qui posera d’autres problèmes. Il faudra alors que l’Allemagne et le France prennent leurs responsabilités et nous les prendrons." (Sarkozy)

Au passage, peut-on noter une notion de sémantique, Sarkozy dans son propos liminaire ne parle pas du "couple franco-allemand" mais de "l'axe franco-allemand", une notion chargée d'autant
de sens puisqu'elle évoque en géométrie une notion centrale autour duquel tourne la périphérie (je n'évoquerai pas la notion d'Axe, désignant durant la 2e guerre désignait la coalition germano-italienne-japonaise).

Télécharger le script complet de la conférence

(Crédit Photo : Elysée)

(NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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