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L’enjeu américano-russe : la neutralisation de l’Iran…

(B2)Nous savons tous l'intensité des discusions qui se déroulent ces jours-ci entre Américains (Européens) et Russes. L'objectif est d'abord de renouer les liens entre les deux grandes puissances, distandus au fil des années, surtout lors du deuxieme mandat Bush.

Puis de régler les problèmes : la Russie détient notamment deux clés en main.

1° L'opération de l'OTAN en Afghanistan. La capacité d'autoriser (ou non) l'approvisionnement des forces alliées en Afghanistan, à travers son territoire ou celui des républiques "amies" (républiques musulmanes de l'ex-URSS). La Russie a déjà accordé ce droit de passage pour les matériaux non militaires (alimentation, ...). Il s'agit de passer à l'étape suivante - comme le confie un diplomate à l'OTAN - de pouvoir acheminer certains équipements militaires lourds, comme les véhicules blindés, etc... Poutine (alors président Russe) avait autorisé Bush junior en 2001 à utiliser le territoire russe et alliés pour aller en Afghanistan à condition qu'il s'agisse d'une opération limitée dans le temps, au moins sans installation de base... Ce n'est plus tout à fait l'hypothèse de l'OTAN aujourd'hui en 2009.

Les relations Russie-Iran. La Russie a depuis quelque temps intensifié ses contacts politiques, économiques et militaires avec l'Iran : participation plus active de l'Iran à l'OCS, l'Organisation de coopération de Shanghai, accords d'exportation de pétrole et de gaz, et annonce de la fin de la construction de la centrale nucléaire (civile) iranienne de Bouchehr (un projet démarré par l'Allemagne, stoppé en 1979 et repris par les Russes). Ce qui est un coup dur pour la communauté internationale. Plus inquiétant sont certaines des livraisons militaires. Passent encore pour quelques livraisons d'avions de chasse. Mais tout ce qui concerne les systèmes anti-missiles, ou de défense aérienne, la situation est plus critique. Nous sommes là au coeur de la menace iranienne ou de sa capacité à résister aux pressions internationales. "Car explique un diplomate européen de haut rang, cela mettrait l'Iran - sinon à l'abri de toute riposte (israélienne par exemple) mais la rendrait beaucoup plus difficile". Et cela les Américains comme les Européens n'en veulent à aucun prix.

Quelques contrats militaires. Un vieux contrat avait été signé concernant la livraison de systèmes de missiles antiaériens S-300PMU-1, qui n'a pas été exécuté (encore...). Un autre contrat de livraison de 29 systèmes Tor-M1 avait été signé en décembre 2005. Et un autre contrat a été signé pour 5 groupes de S-300 mais, selon nos confrères de Kommersant, sa réalisation a été reportée pour des raisons politiques. Le ministre des Affaires étrangères iranien s'est d'ailleurs rendu à Moscou récemment (le 17 février) pour tenter d'arracher le respect de cet accord. Sans succès. En revanche, de nouveaux accords seraient en prépation notamment pour la livraison de systèmes de DCA de moyenne portée Bouk-M1. Etc...

Pas de marchandage mais un partage des risques. On comprendra bien qu'à coté de cette menace pesante, la mise en place de quelques éléments d'un bouclier anti-missile (au demeurant couteux et dont l'efficacité demeure à démontrer) comme l'adhésion de l'Ukraine et de la Géorgie à l'OTAN pèsent relativement peu... Du moins si on considère que la menace vient davantage de Téhéran que de Moscou. Alors même si Medvedev et Obama répugnent au terme de "marchandage", c'est bien un deal général sur la sécurité internationale que sont en train de négocier Russes et Américains - par-dessus la tête des Européens - et non simplement quelques petits aménagements d'une stratégie. Les Russes étant dans une situation économique délicate, une des contreparties américaines pourrait être sonnante et tébuchante. Comme l'installation d'un bouclier anti-missiles commun. D'où l'importance des discussions de Genève entre Lavrov (le ministre russe des affaires étrangères) et son homologue américaine (Clinton).

 (NGV)

Nicolas Gros-Verheyde

Rédacteur en chef du site B2. Diplômé en droit européen de l'université Paris I Pantheon Sorbonne et auditeur 65e session IHEDN (Institut des hautes études de la défense nationale. Journaliste depuis 1989, fonde B2 - Bruxelles2 en 2008. Correspondant UE/OTAN à Bruxelles pour Sud-Ouest (auparavant Ouest-France et France-Soir).

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